Lors d’un article pendant la campagne des élections législatives, nous expliquions que le scrutin de la 1ère circonscription d’Indre-et-Loire avait un petit air d’échauffement pour tester l’état de l’opinion avant les Municipales de 2026. Ce qui nous faisait dire ça ? Son territoire englobe la quasi-intégralité de la commune à l’exception du Beffroi, donc c’est tentant.
De plus, 2 candidats au poste de maire avaient leur tête sur les affiches du 1er tour + 2 élues du conseil municipal en tant que suppléantes.
A ce casting, il fallait ajouter des propos ayant tendance à municipaliser un vote aux enjeux nationaux, ce que l’on avait clairement déploré. Au surlendemain de la victoire de l’écologiste Charles Fournier, réélu après une première victoire en 2022, notre analyse s’est vérifiée : le conseil municipal de Tours a passé 50 minutes à évoquer les récentes échéances électorales en tentant des ponts parfois hasardeux.
« Je veux remercier les agents qui se sont mobilisés pour les élections, tout s’est très bien passé » a glissé Emmanuel Denis dès les premières minutes du conseil municipal de Tours ce mardi 9 juin. 48h après la victoire de Charles Fournier avec 58% des voix – et le succès de Sabine Thillaye sur la 5e circonscription qui englobe Tours-Nord – le maire a commencé son discours par des propos consensuels, félicitant l’intégralité des députés élus, appuyant logiquement sur ceux issus du Nouveau Front Populaire qu’il soutient.
Emmanuel Denis a également chaleureusement salué Fabienne Colboc, députée LREM/Renaissance de 2017 à 2024 qui s’est désistée pour faire barrage au Rassemblement National et il a souligné « le courage » du Macroniste Benoist Pierre qui n’a « pas démérité » à Tours, recueillant 42% des voix au second tour.
Pour tout ça, l’élu a été applaudi. Mais son discours s’est aussi voulu éminemment politique. « Je remercie l’arc républicain d’avoir résisté » a-t-il commencé en faisant référence à la lutte contre le Rassemblement National. Et même si finalement le parti d’extrême droite n’a remporté aucun siège de député en Touraine, déjouant certains pronostics, « ça n’est qu’un répit » pronostique Emmanuel Denis. « Il ne faut pas s’endormir sur nos lauriers » complète-t-il.
Et pour ça, que faire ? Selon le maire de Tours il faut « développer nos politiques sociales et de renouveau démocratique », citant – par exemple – les actions d’accueil pour les personnes migrantes ou les actions « de reconstruction des liens entre les différentes participations ». Un autosatisfecit à lui-même et à son équipe : « la belle victoire du Nouveau Front Populaire a forcément un retentissement local. C’est une confortation que notre politique locale va dans le bon sens. »
Après de longues semaines de critiques tous azimuts sur son plan de circulation ou sa politique en faveur du vélo, il est tout sauf surprenant de voir Emmanuel Denis réagir ainsi. 45% dès le premier tour pour un écologiste peut laisser imaginer que la population tourangelle n’est pas si hérissée que cela par ce type de mouvement, mené par une alliance de gauche. Puisque la coalition du Nouveau Front Populaire est en place depuis 2020 à la mairie.
Cela dit, l’opposition ne voit pas les choses de la même manière. Suppléante du candidat LR Lucas Janer, Marion Nicolay-Cabanne a ainsi analysé les résultats du bureau 18-22 des Prébendes, avec un Rassemblement National historiquement haut. Et selon elle, « cela n’a rien à voir avec des problèmes d’immigration, de pouvoir d’achat ou de sécurité. Le seul problème local c’est la vélorue Rue d’Entraigues appliquée avec brutalité. Les habitants ont découvert un beau jour qu’ils étaient des cobayes et qu’on les traitait comme des moins que rien. Une brutalité que l’on retrouve encore avec la vente du Château du Plessis » (cédé à la ville de La Riche, le sujet étant à l’ordre du jour de ce 9 juillet plusieurs semaines après son annonce à la presse).
Candidat pressenti pour 2026, Olivier Lebreton a lui rappelé au maire que « l’élection est légitime mais vous oblige à ne pas être le maire d’un camp mais de tous les Tourangeaux. Faire perdre le Rassemblement National n’est pas forcément gagner. » Le militant Les Républicains a aussi rappelé tout le mal qu’il pensait de La France Insoumise, parti de l’adjointe au maire Marie Quinton, la suppléante de Charles Fournier. Il l’accuse d’avoir la brutalisation de la vie politique « dans son ADN ».
Quant à Benoist Pierre, candidat battu et conseiller municipal, il a aussi fait sa propre analyse des chiffres issus des Législatives faisant remarquer au maire que « la dynamique n’est pas que de votre côté. Vous pouvez compter sur moi pour continuer le combat des idées pour élargir ce socle. Ces résultats vous obligent aussi au niveau local sinon nous ne réussirons pas le pari d’entendre ce que nos concitoyens ont dit très massivement. »
Autant dire que malgré son aspect national, l’élection législative de Tours a bel et bien lancé la campagne 2026. Avec plusieurs enseignements : la dynamique est – pour l’instant – en direction de la majorité de la gauche et des écologistes. Eliminé au 1er tour avec moins de 4%, Alain Dayan est bien un petit poucet de la politique locale, son score confirmant que les initiatives individuelles sont rarement payantes (on pense entre autres à la candidature de Xavier Dateu aux Municipales de 2020, ou encore à celle de Christophe Bouchet aux Législatives de 2012…) En revanche, Benoist Pierre a marqué des points de notoriété et de respectabilité en vue de porter une éventuelle candidature commune du centre-droit. Le pari était risqué, et il n’en ressort pas fragilisé. Mais de là à s’imposer face aux autres ténors Bouchet, Coulon ou Lebreton c’est quand même une autre histoire.
Mais l’enseignement de ces Législatives c’est aussi la nécessité de restaurer la confiance entre élus et les citoyens, la nécessité d’être audibles et clairs pour faire comprendre les enjeux et les rouages de l’action politique. Malheureusement l’issue de ce même conseil municipal avec une majorité et des groupes d’opposition qui s’écharpent en séance publique et au final les élus d’opposition qui quittent la séance avec fracas, semblent montrer que l’enseignement n’est pas encore acquis sur ce point…