La sécurité est incontestablement une priorité pour une grande partie de la population. Et même si c’est l’Etat qui a les principales compétences dans ce domaine, les mairies ont leur rôle à jouer via les polices municipales ou leur réseau de vidéosurveillance. Les candidats aux élections municipales de Tours l’ont bien compris en évoquant massivement le sujet, à droite comme à gauche. Avec une question : combien faut-il d’agents pour être efficace ?
C’est une situation qui semble se répéter inlassablement. On appelle la police municipale de Tours pour du tapage nocturne / un rodéo urbain et ça ne décroche pas. Ou si ou nous répond, ce n’est pas suivi d’effet. Pas d’intervention, et le délit qui se poursuit. Indéniablement lassant et décourageant. Faudrait-il alors plus de policiers municipaux pour régler le problème et assurer une présence terrain plus forte, en particulier la nuit et le week-end, quand il y a davantage d’incivilités ?
C’est ce que pensent plusieurs candidats qui se présentent pour les élections municipales à Tours en 2026. Ainsi, Benoist Pierre dit vouloir porter les effectifs de la PM à 140 agents d’ici la fin du prochain mandat en 2033 (7 ans au lieu de 6 pour cause d’élection présidentielle en 2032). L’autre liste de droite menée par Christophe Bouchet est dans la même fourchette avec une cible à 130 agents. On dit 120 du côté d’Henri Alfandari tandis que le candidat RN Aleksandar Nikolic fait sauter tous les compteurs en annonçant un ratio d’un agent pour 600 habitants.
Tours rassemblant 135 000 personnes cela donnerait 225 policiers municipaux (pour ordre de grandeur, le commissariat central de la police nationale compte, lui, plus de 350 personnels exerçant sur plusieurs communes de l’agglomération tourangelle).
Ce que sous-entendent ces propositions c’est que davantage d’agents c’est une garantie de sécurité supplémentaire : plus de patrouilles, plus de personnel pour répondre aux appels, dresser des contraventions, gérer des interpellations. C’est une réponse au « sentiment d’insécurité » qui est souvent brandi dans les discours politiques et exprimé par une partie de l’opinion. Une question des effectifs qui se pose aussi pour la police nationale : les syndicats réclament souvent des renforts (en 2021 le ministère de l’intérieur avait par exemple annoncé une trentaine de recrutements Rue Marceau).
On peut être d’accord avec ce raisonnement. Mais la question qu’il faut se poser avant de voter c’est : est-ce que ces projets sont réalisables ? Plus clairement : qu’est-ce qui se cache derrière les chiffres ?
Pour le savoir, il faut voir de quoi on parle précisément. Au dernier recensement, la police municipale de Tours compte 93 agents auxquels s’ajoutent une dizaine d’agents d’administratifs et 30 agents de surveillance la voie publique (les ASVP qui sont derrière les caméras et font partie de la Brigade des Mobilités Urbaines). Concernant la police municipale, son budget annuel de fonctionnement dépasse les 7 millions d’€.
Une fois que l’on a dit ça, reconsidérons les propositions des candidats aux élections municipales de Tours pour 2026. 120 à 140 agents proposés par la droite c’est 30 à 50 embauches supplémentaires, et carrément 130 si Aleksandar Nikolic applique son programme. De quoi faire progresser sensiblement l’enveloppe allouée au service : si l’on prend une fourchette de 40 000€ de revenus bruts par an et par personne (environ 2 000e nets par mois) cela fait 1,2 million d’€ de coût supplémentaire chaque année pour 30 agents, 2 millions pour 50 agents et… 5,2 millions pour 130 recrutements.
A ces sommes, il faut ajouter l’achat d’équipements (armes, uniformes, voitures…) mais aussi la création de locaux, qui ne sont actuellement pas adaptés pour recevoir plus de monde. Par ailleurs, les candidats ne précisent pas si ces recrutements comprennent – ou non – les agents administratifs nécessaires à toute évolution massive de personnel.
Alors que le budget de la ville de Tours reste contraint, augmenter massivement les effectifs de la police municipale est donc un choix à l’impact financier conséquent. Mais est-il seulement possible ?
Vouloir recruter, c’est bien. Y arriver, c’est autre chose. Ainsi, en 2020, l’actuel maire de Tours Emmanuel Denis ne promettait pas spécifiquement d’augmenter les membres du personnel de la PM mais on a plusieurs fois entendu l’idée d’atteindre l’objectif de 100 personnes – non réalisé à ce jour, parfois par manque de candidatures ou de profils satisfaisants.
D’ailleurs, le désir d’inflation des effectifs n’est pas spécifique à Tours. La Gazette des Communes note que, d’après le ministère de l’Intérieur, la France compte actuellement 27 000 policiers municipaux contre 5 600 au milieu des années 80. Une progression qui devrait se poursuivre entre les départs en retraite et les projets des communes. Pour faire face, l’Etat a augmenté ses capacités de formation avec l’ouverture de nouveaux centres permettant – selon Le Monde – de former jusqu’à 2 500 agents par an.
Des nouveaux venus qu’il faut ensuite réussir à attirer dans sa ville, par le salaire, les conditions de travail ou les équipements… Dans ce domaine, la concurrence est rude, expliquant sûrement en partie les difficultés actuelles de Tours. Toute velléité de progresser dans ce domaine pourrait donc être soumise à des coûts supplémentaires pour être une commune attractive, ce qu’a notamment reconnu le candidat Benoist Pierre lors de sa campagne.
Pour finir, on s’est posé une question : si certains pensent que Tours doit renforcer sa police municipale, c’est parce qu’elle est faible par rapport à celles des communes similaires ?
Avec 93 agents, Tours compte un policier municipal pour 1 450 habitants ce qui est comparable à des villes comme Dijon, Metz, Besançon ou Toulon qui en ont un pour 1 300 à 1 600 habitants avec des populations proches de celle de Tours. En revanche, Orléans compte 107 personnes dans sa police municipale pour une population similaire à Tours, tandis que Perpignan – un peu moins dense, et sous municipalité RN – surpasse tout avec plus de 150 membres.
Au-delà d’une petite ligne dans les programmes, et d’un simple effet d’annonce chiffré, voici donc les enjeux concrets des propositions autour de la police municipale. A noter que le maire sortant n’a pas encore dévoilé l’entièreté de son projet mais devrait rester sur sa ligne conduite depuis 6 ans : des effectifs similaires avec un axe particulier sur la prévention.





