Le député tourangeau Jean-Patrick Gille dans le feu de l’action : Les intermittents

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Le travail d’un député consiste, entre autres choses, à travailler sur des thèmes précis, proposés par ce qu’on appelle les «commissions permanentes» :

Les commissions permanentes constituent souvent des missions d’information, composées de plusieurs députés, sur un thème précis : prix de l’eau, revenu minimum d’insertion, service national, etc. Un député peut être chargé d’établir un rapport d’information sur un sujet déterminé. Les députés peuvent en outre appartenir à une commission d’enquête sur la gestion d’un service public ou pour chargée de recueillir des informations sur des faits déterminés.

source : site de l’Assemblée Nationale

Le hasard du calendrier fait que le député de la 1ère Circonscription d’Indre-et-Loire, Jean-Patrick Gille (PS) est sous les feux de l’actualité puisque le CPF (Compte Personnel de Formation) est entré en vigueur le 1er janvier 2015 en remplacement du DIF (Droit Individuel à la Formation) et qu’à peine une semaine plus tard, Jean-Patrick Gille devait rendre une nouvelle copie sur l’épineux dossier du régime des intermittents du spectacle au Premier Ministre Manuel Valls.

Première partie : Les Intermittents

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Manifestation des intermittents en juillet 2014 à Tours

Article du 7 janvier 2015 mis à jour le 12 janvier 2015, suite à notre rencontre le 8 janvier avec Jean-Patrick Gille.

Le mercredi 7 janvier 2015 à 10h, un rapport très attendu sur le régime tant décrié (et sans cesse remis en cause depuis des années) des intermittents du spectacle a été remis au Premier Ministre Manuel Valls.

Le député tourangeau Jean-Patrick Gille (PS) fait partie d’une mission composée de trois personnes qui a planché sur cet épineux et complexe dossier.

Cette étape dans l’avancée du dossier est très technique et théorique, mais nous avons essayé de comprendre les choses malgré tout…

1. Comment la mission a-t-elle travaillé ?

Elle a réuni à plusieurs reprises l’ensemble des organismes concernés par le dossier des intermittents du spectacle, ce qui fait pas mal de monde autour de la table de réunions dites «de concertation». On vous fait grâce des nombreux acronymes, mais cela va des syndicats côté salariés comme côté employeurs, des associations nationales qui ont joué un rôle dans le débat, les organismes «gestionnaires» du régime (Unédic, Afdas et Pole Emploi notamment), cinq directions liées à trois ministères (Culture et Communication, Travail et Emploi, Santé et Affaires Sociales) et des représentants des collectivités locales.

La mission a aussi élaboré un outil de «simulation de modification» qui a permis de voir ce qui se passerait si on changeait tel ou tel point. Enfin, des groupes de travail ont été créés autour de différentes problématiques liées au régime : formation professionnelle, structuration du secteur du spectacle vivant, accès à la protection sociale…

2. Quels points d’accord entre les participants aux réunions ?

C’est l’éternel histoire du verre à moitié vide et du verre à moitié plein, mais évidemment l’idée est d’avancer, de limiter les crises stériles à répétition, donc il convient de positiver, ce que fait ce rapport évidemment.

On parle donc dans la synthèse de ce rapport «d’attachement des parties présentes» à des idées globales partagées : la «présomption de salariat» des artistes du spectacle, la notion de flexibilité nécessaire «à un mode de production par projet», la structuration du secteur qui, grâce à neuf conventions collectives, «s’est fortement accrue» ces dix dernières années.

Au milieu de cette synthèse, une phrase qui peut paraître banale, mais derrière laquelle se cache l’essentiel : «faire demeurer leur secteur dans le droit commun du travail comme de l’assurance chômage tout en réaménageant des dérogations répondant à ses spécificités».

En effet, de «spécifique», le régime des intermittents devient «autonome». C’est-à-dire qu’il est non seulement protégé par la loi (en clair : les annexes VIII et X du régime d’assurance chômage deviennent intouchables à partir d’avril 2015, par l’ajout d’une phrase dans le Code du Travail), mais qu’en plus il est désormais géré par l’ensemble des acteurs, qui sont ainsi «obligés de s’entendre».

3. Le nerf de la «guerre» : l’emploi

Ou pour être plus précis, son cadre. Le CDI, cela ne vous aura pas échappé, est un peu à la flexibilité croissante du marché du travail ce que l’ours polaire est au réchauffement climatique. Donc le fameux CCDU (Contrat à Durée Déterminé d’Usage) des intermittents semble finalement une «norme» pas si terrible que ça, sauf qu’on nous précise bien dans ce rapport «qu’il s’agit d’un contrat temporaire qui ne doit pas devenir la norme».

Il est clair que ce point du débat dépasse largement le régime des intermittents du spectacle qui est d’ailleurs peu à peu devenu un symbole d’une lutte sociale bien plus vaste. L’un des arguments de Jean-Patrick Gille et de bien d’autres étant qu’en se battant pour conserver ce régime, on se bat indirectement pour le «droit du travail, au sens large du terme ; sans parler du «droit AU travail», mais ceci est une autre histoire…

4. Les abus

Grande nouvelle : les médias sous-estimeraient les abus. Evidemment, tout dépend des médias que l’on lit. La presse ultra-libérale ne cesse de dire qu’il y a des abus de beaucoup de feignants pseudo-artistes et la presse de gauche ne cesse de dire que les vilains patrons (à commencer par la télé et l’Etat lui-même) abusent de ce régime en l’usant jusqu’à la corde pour éviter d’avoir à signer des CDI à des techniciens qui travaillent pourtant pour eux toute l’année. La presse généraliste/neutre/consensuelle, elle, s’en foutrait, donc ou arrondirait les angles ?

Une phrase a retenu notre attention : «sous-déclaration du travail qui considère l’indemnisation du chômage comme un revenu de complément et non comme le revenu de remplacement qu’elle a vocation à être». Bon en gros ça veut dire quoi finalement ? Que quand en tant qu’intermittent du spectacle, quand j’ai fait 1500 euros de cachet ce mois-ci et que Pole Emploi me file un complément de 800 euros, je dois plutôt dépenser celui-ci pour finir le mois (option «remplacement») que pour payer les traites de ma résidence secondaire à La Baule (option «complément») ? Au bout du compte, dans les deux cas ça fait toujours 2300 euros, donc je ne saisis pas bien la nuance. Nous poserons la question à Jean-Patrick Gille.

Réponse, donc, le 8 janvier : «Actuellement, le cumul est plafonné à 4300 euros, qui correspond aussi à l’indemnité maximale. En gros, un mois où vous faites zéro cachet, vous pouvez toucher jusqu’à 4300 euros d’indemnités, et un mois où vous gagnez 3000 euros, vous ne pouvez toucher que 1300 euros d’indemnités. Ceci devrait baisser, puisque côté patronat on demande une baisse de budget, donc la baisse du plafonnement serait un bon début. L’idée serait de passer d’un plafond à 4300 euros à un plafond à 3000 euros par mois.»

5. Les emplois culturels, des emplois pas comme les autres ?

Le rapport préconise de faire entrer les emplois artistiques «dans des dispositifs d’exonérations de cotisations». Certes, mais encore une fois c’est ce qui crispe beaucoup de gens qui ont l’impression qu’on place les métiers artistiques «au-dessus» des autres.

Vous pouvez toujours expliquer que la précarité est inhérente aux métiers artistiques et que pour pouvoir continuer à assister à des spectacles gratuits ou à des prix relativement accessibles il faut maintenir un régime spécial, ces personnes vous rétorqueront que la précarité est aujourd’hui à peu près la même pour tout le monde et qu’il y a trop d’offre culturelle globale pour avoir vraiment le temps d’en profiter, donc qu’il y a peut-être trop d’artistes «subventionnés» finalement.

Le problème avec cette offre culturelle, c’est que demain vous la divisez par deux ou trois et que c’est seulement à ce moment-là que ses «consommateurs» anti-intermittents réaliseront quelle place elle joue dans notre société au quotidien. Pour ça aussi, il faudrait créer un outil de simulation : «La France sans intermittents».

Le rapport est sans ambiguité sur ce point de vue et propose de «sanctuariser» par une loi «un régime dérogatoire de l’assurance chômage» prenant en compte «la discontinuité de l’emploi et la précarité qui découlent du CDDU».

6. Une nouvelle «gouvernance» du régime

C’est une idée centrale de ce rapport : la responsabilisation des uns des autres, ou plutôt une espèce «d’inter-responsabilisation» des trois groupes d’acteurs (l’Etat, les syndicats, les professionnels de la culture).

L’Etat devant notamment garantir la «loyauté du processus», concept intéressant sans doute, en tout cas sur le papier, mais assez flou dans l’absolu. Au foot, on appelle ça un arbitre, dans la rue, un policier ou un gendarme. Dans l’intermittence, on appelle ça un «garant», donc. A affiner, sans doute.

Bref : la grande nouveauté de cette loi c’est qu’en gros d’un côté on sanctuarise les annexes VIII et X pour éviter qu’elles ne soient une perpétuelle monnaie d’échange et que leur remise en cause et leur défense acharnées ne s’opposent éternellement, avortant toute avancée du débat.

Comme on peut s’en douter, cette inscription dans la loi a fait grincer des dents le patronat, mais d’un autre côté et en contrepartie, celui-ci se retrouve en charge de la partie financière du régime et peut donc influer concrètement sur les débats.

 7. Une bonne nouvelle, globalement

«Certains préjugés sont tombés» raconte le rapport. Dans une société où chacun se crispe de plus en plus sur ses petites convictions personnelles ou corporatistes pour cracher sur ses voisins, c’est la fête nationale du slip, cette petite phrase : il faut savoir se réjouir de petites avancées et de petites «victoires» de ce type.

Tout le monde a l’air de vouloir avancer sur ce dossier et travaille ensemble et ce rapport permet de franchir une étape supplémentaire vers une solution durable qui ferait consensus. Le Graal de Jean-Patrick Gille.

Voir la deuxième partie consacrée au CPF (Congés professionnel de formation)

 

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