L’avenir de l’aéroport de Tours figure en bonne place dans le top 3 des débats récurrents en Indre-et-Loire. Tout le monde s’accorde sur l’importance d’y maintenir une activité pour assurer les vols nécessaires au CHU de Tours, accueillir l’aviation d’affaire ou développer l’école de pilotage. En revanche, les stratégies divergent sur la politique grand public : d’un côté les écologistes fustigent le modèle de subventions pour attirer des compagnies aériennes, de l’autre les soutiens d’une activité soutenue veulent dépasser les 300 000 passagers par an, soit une hausse de 50% par rapport à aujourd’hui.
En ce moment, c’est plutôt ce modèle qui a les faveurs des autorités. La reconduction du contrat de la société Edeis s’est clairement faite avec l’objectif de développer de nouvelles lignes régulières depuis la plateforme tourangelle, celle-ci se rêvant complémentaire des aéroports parisiens et nantais. Certes il y a eu l’ambition affichée de réduire les apports de fonds publics… mais ça ne va pas assez vite selon les opposants qui donnent régulièrement de la voix pour critiquer ce modèle au conseil de Tours Métropole, ou dans l’assemblée du Conseil Départemental.
A force, on pourrait croire qu’ils parlent dans le vide tant les exécutifs en place défendent l’idée d’un aéroport fort à Tours (même au Conseil Régional). Cependant, ces derniers temps, les soutiens du projet avalent les couleuvres les unes après les autres.
Rembobinons. Il y a d’abord eu la suppression de la ligne Ryanair Tours-Dublin, assurée uniquement du printemps à l’automne mais qui bénéficiait d’un très bon taux de remplissage. Elle avait même été mise en avant dans le dossier préparant l’accueil de l’équipe irlandaise en amont de la Coupe du Monde de rugby 2023. Las, la compagnie low cost s’en est séparée cette même année en raison d’un conflit avec l’aéroport dublinois.

Ensuite il y a eu le fiasco L’Odyssey. Au départ une belle promesse : une compagnie française proposait des vols vers Nice, Bastia, Ajaccio, Genève, Florence et Milan depuis Tours. Les prix n’étaient pas donnés mais il y avait eu un certain intérêt et pas loin de 2 000 réservations. Sauf que la mise en vente des billets prévue à l’automne 2024 a été retardée en raison d’un modèle économique fragile, avant que la promesse soit carrément reniée à quelques jours des premiers départs pour cause de différent économique entre la société et le propriétaire des avions avec qui elle avait noué un contrat de sous-traitance. A ce jour, tous les clients n’ont pas encore été remboursés.
Et comme les difficultés ont la réputation de voler en escadrille, voici que Ryanair enfonce le clou cet été en annonçant que la ligne Tours-Londres s’arrêtera fin octobre, alors qu’elle est habituellement assurée toute l’année. Jusqu’en mars ne resteront donc que Porto et Marrakech (Marseille s’arrête aussi chaque hiver, et pour l’instant le programme de vols de l’été 2026 n’est pas connu).

La société irlandaise justifie cette fois son choix comme une riposte envers la politique fiscale française qui a fait bondir la taxe de solidarité sur les billets d’avion de 180% la passant à 7€40, soit quasiment 5€ de plus par trajet en France et en Europe. Prétendument insoutenable pour Ryanair malgré des taux de remplissage moyens proches des 90%, des billets parfois supérieurs à 100€ depuis Tours avant suppléments (loin du low cost) et surtout 149 millions d’€ de bénéfices en 2024.
Avec cette décision, la société prouve une fois de plus qu’elle a une politique de requin. Même si ses pratiques déplaisent, elle se sait désirée par les territoires qui veulent bénéficier du confort de lignes aériennes à proximité comme l’Indre-et-Loire. Elle joue donc la carte du chantage en exigeant des conditions favorables à son maintien, sous peine de suppression pure et simple des activités. L’idée est que les élus frileux de voir leur attraction touristique baisser et leur population privée de vacances faciles fassent du lobbying pour déclencher des subventions ou faire en sorte que l’Etat réduise les taxes. Le gouvernement actuel ne serait pas loin de céder.
Dans tout ça, l’aéroport de Tours se retrouve écartelé. Certes il évite la désertion totale de Ryanair comme Brive, Bergerac et Strasbourg (ce qui signerait l’arrêt total de l’activité grand public) mais il se trouve clairement en sursis, et à la merci des décisions d’une société qui sait qu’elle n’a pas besoin de cette plateforme pour s’assurer une rentabilité. Edeis n’ayant jusqu’ici par réussi à prouver sa capacité à attirer de nouvelles lignes, il y a fort à parier que sa légitimité va être remise en cause. Et au final ce n’est peut-être pas des décisions politiques mais la loi du marché qui apportera satisfaction aux opposants écologistes de la plateforme.








