Regards #80 « Bohemian Rhapsody » & « L’Homme fidèle »

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Dans Regards, retrouvez l’avis de Stéphanie Joye sur quelques films à l’affiche dans les cinémas tourangeaux. Histoire de vous donner envie, à votre tour, d’aller passer un moment dans les salles obscures.


Bohemian Rhapsody (Biopic, drame américain)

De Bryan Singer

Avec Rami Malek, Gwilym Lee, Ben Hardy, Joseph Mazzello, Lucy Boynton

Golden globe 2019 du meilleur film dramatique et du meilleur acteur dramatique : Rami Malek

De sa rencontre avec le guitariste Brian May et le batteur Roger Taylor, en 1970 – musiciens rejoints par le bassiste John Deacon ensuite – au concert vertigineux du Live Aid de Wembley en 1985, la route de Farrokh Bulsara, devenu Freddie Mercury, chanteur leader du groupe Queen, avec ses heurts, ses excès, l’inspiration et le génie au sommet.

Un biopic comme il en a rarement été réalisé, plein de passion et d’énergie, de précision et de grand art. Que l’on soit peu concerné, juste intéressé par Queen, ou bien grand fan, cet hommage au groupe et principalement à son icône nous emporte absolument de bout en bout. Il procure des frissons, de l’émotion, et une envie démentielle de se procurer ou de ressortir toute la discographie dont, au fond, on connait tous les chansons. « We will rock you », « Radio gaga», « Another one bites the dust », « I’ve got to break free », et tant d’autres. “Bohemian Rhapsody”, titre extraordinaire sous forme d’opéra-rock, d’une durée de six minutes, est refusé par la production du fait de sa trop longue durée. Qu’importe, les Queen font toujours fi des codes, et Mercury revendique son goût pour le singulier et le scandaleux. Bryan Singer a réalisé la série des X-men et le magnifique polar The Usual suspects. Un virage à 360° est opéré avec ce nouveau choix de film. Voici donc un biopic officiel dont Brian May et Roger Taylor sont à l’origine. Ils ont participé à l’écriture et à la production (co-soutenue par Robert de Niro).

Le film démarre sur notre presque corps à corps avec Mercury, en 1985. La caméra nous le fait suivre déambulant de sa salle de bain où il vient de se tailler la moustache à son entrée sur scène au Live Aid de Wembley, en passant par son intérieur rempli de chats et les coulisses du concert. Cette promiscuité – un vrai seul à seul entre l’acteur et nous – est magique (a kind of). Avant d’entrer en scène, retour en arrière – années 70. Farrokh Bulsara, d’origine pakistanaise, est bagagiste à l’aéroport londonien d’Heathrow. Sa famille est aimante. Un soir, dans un pub, il assiste à un concert qui détone. Il y rencontre sa future femme, Mary Austin, qui restera sa plus grande amie jusqu’à la fin de sa vie. Et ceux avec qui il intègre le groupe Smile, qui deviendra Queen, groupe de rock anglais au succès planétaire. Chaque membre du groupe a des idées fortes, compose et propose des arrangements inédits. Farrokh – prénom prometteur de sa destinée – prend comme nom de scène Freddie Mercury. Il est inspiré au piano grâce auquel il apporte une sensibilité classique, contrepoids de son style déjanté, excentrique. Sa voix porte haut, ses textes sont sublimes de poésie et de rage de vivre.

Pour la suite de l’histoire, on reprochera au film ses erreurs et approximations concernant des passages phares. Par exemple, cette dissolution du groupe qui n’a pas existé, le fait d’apprendre la maladie de Mercury deux ans trop tôt (1985 au lieu de 1987, il n’était donc pas encore malade à Wembley), ou encore l’éviction, dans la narration, de l’existence d’une tournée d’anthologie avant le Live Aid … Choix stratégique de la production du biopic ? Créer des raccourcis et se focaliser sur une trame dramatique ? Etonnant quand on sait que May et Taylor sont aux ficelles. Bohemian Rhapsody n’en demeure pas moins une œuvre grandiose. Le fameux concert humanitaire pour l’Ethiopie rassemble au final tous les grands noms de la scène musicale (Bowie, Dylan, Mc Cartney, Jagger …). Le film nous offre une reconstitution exacte (moindres faits et gestes, mise en scène vraiment hallucinante) des vingt minutes durant lesquelles Queen livre sa performance. Quatre titres. Le chant, puissant. La musique, étourdissante. La connexion avec le public, surréaliste. La montée en puissance des larmes, les textes qui prennent tout leur sens. On aimerait que cela ne s’arrête pas. Rami Malek est littéralement époustouflant. En route pour les Oscar le 24 février. The show must go on …

Un film à l’affiche aux Cinémas Studio (Toutes les informations utiles sur leur site internet) et au CGR des Deux Lions (toutes les informations utiles sur leur site internet).

L’homme fidèle (Romance, comédie française)

De Louis Garrel

Avec Laetitia Casta, Louis Garrel, Lily-Rose Depp 

Marianne congédie Abel en lui annonçant qu’elle est enceinte de son meilleur ami, Paul.

A la mort de celui-ci dix ans plus tard, ils se retrouvent. Abel veut tout faire pour reconquérir Marianne. Mais cela demande de composer avec Joseph, son fils peu complaisant – c’est le moins que l’on puisse dire – et de la très jolie tante Eve, 18 ans, amoureuse de lui depuis toujours. Marianne entre dans un jeu psychologiquement malsain dans lequel Abel se retrouve tiraillé entre les deux femmes. Quant à Joseph, il lui révèle un terrible secret …

Amoureux de La Nouvelle Vague – Truffaut, Buñuel, Rohmer, Chabrol … – fils du grand réalisateur Philippe Garrel, Louis Garrel est aussi surprenant en tant qu’acteur – notamment dans la peau de Jean-Luc Godard dans Le redoutable de Michel Hazanavicius – qu’en tant que réalisateur. Après un joli premier film très personnel et impeccablement mis en scène – Les deux amis – il repart sur le thème du triangle amoureux, mais où il n’est cette fois-ci plus question d’une femme au centre de deux hommes amis, mais d’un homme au centre de deux femmes rivales. Le scénario insolite et malicieux est co-écrit avec Jean-Claude Carrière. On entre dans ce doux conte fantaisiste par la fenêtre d’une cour d’immeuble parisien, grâce à un magnifique plan large en plongée du ciel aux pavés, en remontant vers l’appartement. Un homme prestant et calme reste ébahi devant le discours que lui tient sa compagne. Il doit expressément partir, elle est enceinte d’un autre, plus précisément de son meilleur ami. Pas de scène, pas de cris, Abel ne dit presque rien à Marianne, il accuse le coup avec peine mais bien mollement (sauf dans sa chute dans l’escalier en partant). Cette entrée en matière est un coup de maître : les deux acteurs sont excellents. C’est calme, c’est simple.

Laetitia Casta, épouse de Louis Garrel à la ville, trouve un rôle subtil qui affirme une autorité inquiétante et un certain sadisme tout en minauderies fort intéressant à observer. Très naturelle, l’actrice est convaincante – elle a déjà affirmé son talent en jouant le rôle d’Arletty. Lorsque Abel retrouve Marianne des années plus tard, à l’enterrement de Paul, l’ami traitre qui lui avait volé sa femme, il ne peine pas vraiment à se rapprocher d’elle. Cependant, son fils Joseph met des barrières et révèle des choses effroyables. Marianne s’en amuse. La jeune Eve se montre pressante. Qu’à cela ne tienne, Marianne pousse Abel à avoir une liaison avec elle, paradoxalement avec une jalousie décelable. Cet homme amoureux et très romantique se laisse balloter, dépossédé de ses moyens. Il n’a aucun caractère, aucune réactivité, c’est une mauviette ! L’homme fidèle serait-il capable, par amour, de ne plus l’être ? On se laisse entrainer dans ce marivaudage à la Woody Allen francisé où l’improvisation semble existante, appuyé par une voix off narrant au passé simple. Lily-Rose Depp, fille de Vanessa Paradis et de Johnny Depp et actrice montante que l’on a déjà vu dans de nombreux films dégage une fraîcheur et un joli minois très à propos dans l’histoire. Son jeu est plein d’aisance. Le film est telle une balade mi-grave mi-légère, joyeuse, drôle même, saupoudrée de rebondissements, de suspense et de machiavélisme. C’est maîtrisé, pétillant, vraiment habile. L’écriture affine des personnages attachants et d’une belle intensité. Louis Garrel affirme son style élégant et personnel. Un beau divertissement d’auteur, étonnant et à la théâtralité charmante.

Un film à l’affiche aux Cinémas Studio (Toutes les informations utiles sur leur site internet).

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