Le temps d’un 16 mesures #3 : Kery James, le « poète noir qui ne tire pas à blanc »

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« Le temps d’un 16 mesures » c’est une nouvelle chronique régulière sur 37° sur la thématique du Hip Hop, en partenariat avec « Hip Hop is not dead », une chronique réalisée par Loann pour l’émission de Radio Campus Tours 99.5 FM intitulée Wabam Cocktail.

Kery James, Alix Mathurin de son vrai nom, évolue dans le milieu du hiphop depuis près de vingt-cinq ans, autrement dit l’un des piliers de cette culture musicale. Ce rappeur qui voulait à l’origine devenir journaliste ou avocat, a toujours défendu des textes militants et conscients à travers sa plume puissante et incisive. En tournée pour son nouvel album « Mohammad Alix », il sera ce soir à l’Escale à Saint-Cyr-sur-Loire pour un concert programmé par la Smalla Connexion, qui l’avait déjà invité en 2008.

Rencontre avec un MC qui enchaine les « classiques ».

– Plus qu’un rappeur tu es un contestataire. Ton album s’appelle « Mohammad Alix ». Plus qu’un athlète, le boxeur était un révolté. Il nous a quittés cette année. Qui était-il pour toi ?

Kery James : Pour moi c’était surtout un homme qui a su dire non à la guerre du Vietnam, qui a mis en péril sa carrière et a risqué la prison. C’est ça qui m’a touché dans l’histoire de Mohammed Ali.

– On sait qu’à travers tes prises de positions dans tes textes et en dehors, tu es quelqu’un de militant. C’est une coïncidence ou une sorte d’opportunité de sortir ton album à quelques mois des élections présidentielles ?

Kery James : C’était le moment pour sortir un album. Ça rentre dans un projet global. En janvier 2017 je joue une pièce que j’ai écrite qui est elle-même tirée d’un scénario de long métrage que j’ai écrit et qui se tourne entre mai et juillet de la même année. Mais j’avais conscience qu’on était proches des élections, donc l’album est volontairement politique. J’essaye de donner la parole à ceux qu’on n’entend pas beaucoup.

– Ce nouvel album composé de 16 titres est sorti en septembre. On y trouve d’une part des morceaux plus personnels comme « Douleur Ebene », « Pense à moi » ou « des morceaux de nous » et d’autres plus révoltés comme « Vivre ou mourir ensemble », « Musique Nègre » ou « Racailles ». Peut-on le résumer avec l’expression de Mohammed Ali : « vole comme un papillon et pique comme une abeille » ?

Kery James : Ah ouais, ouais ! [rires] jusque-là j’avais pas pensé à ça ! C’est peut-être un truc que je vais développer maintenant ! C’est vrai qu’il y a plusieurs univers dans cet album. Je l’ai présenté comme un album engagé, contestataire mais il y a des morceaux beaucoup plus personnels, plus intimes qui pourraient représenter ce côté papillon. Mais des morceaux plus piquants qui représenteraient l’abeille !

– Dans « Racailles », tu dis en parlant de Skyrock : « Ils ont travesti le R-A-P, Je fais partie des rescapés ». Même si tu ne critiques pas toute l’évolution du rap en France, condamnes-tu le fait qu’il y ait de moins en moins de rappeurs révoltés, militants, ou tout du moins que ce n’est pas ce type de rap qui est mis en avant ?

Kery James : Il peut y avoir un rap plus léger, festif mais il ne faut pas que ce soit au détriment du rap conscient et engagé qui est pour moi l’essence même du rap, l’aspect qui nous différencie des autres courants musicaux. Le problème, c’est que les médias en général ne se sont pas contentés de favoriser le rap léger mais ont tenté d’étouffer le rap qu’on appelle aujourd’hui rap engagé, conscient, mais qui est en fait la base du rap.

– A travers le titre « Musique nègre », en featuring avec Lino et Youssoupha, tu réponds à Henri de Lesquen qui a parlé de « musique nègre » pour qualifier le hiphop. N’est ce pas un « non fait », ce postulant à la présidence de la France n’étant pas connu du grand public ?

Kery James : Non je pense que c’est important. Moi aussi j’ai envie de dire que Eric Zemmour c’est un clown, que Henri de Lesquen n’est pas bien dangereux car il n’aura jamais les 500 signatures pour se présenter aux élections présidentielles. Mais en vérité, lorsqu’on analyse bien le rôle de ces personnes-là, c’est de repousser les limites et de permettre à la parole raciste de se décomplexer. Donc si eux vont très loin, les autres derrières vont dire « C’est inacceptable ce qu’il a dit » mais ils iront derrière encore plus loin et à chaque fois un peu plus et ainsi de suite. C’est ce qui participe à ce que la parole raciste soit complètement décomplexée.

– Le premier morceau clipé est « Vivre ou mourir ensemble ». Quelque part, malgré un constat assez noir, tu crois que l’une des rares solutions est le soulèvement citoyen ?

Kery James : Je crois en l’action citoyenne, je crois en la solidarité citoyenne et je crois que c’est très important que les Français se parlent entre eux, se rencontrent sans l’intermédiaire des médias ni des politiques.

– Contrairement à tes disques précédents, « Mouhammad Alix » sort en indépendant. Pas de grandes majors, pas de planète rap avec Skyrock mais un planète Kery sur les réseaux sociaux. Pourquoi ce choix et qu’est-ce que cela t’apporte de différent ?

Kery James : Je l’ai fait car c’était le moment pour moi. Internet est devenu un média assez puissant aujourd’hui qui peut te permettre de te passer de la radio et de la télévision. Quand on a un clip qui fait des millions de vues, ça équivaut à des centaines de passages à la radio, mais ça ne veut pas dire que dans le futur je ne pourrais pas retravailler avec une maison de disques. J’ai jamais été un indépendant, un pro indé car tout simplement, j’ai une très mauvaise gestion de l’argent. Là, les conditions étaient réunies pour le faire avec le producteur TEFA qui est un vrai passionné de hiphop et qui avait déjà sa structure.

– Comme dis précédemment, en parallèle de cette tournée, tu as ta pièce de théâtre au théâtre du rond-point, tu réalises un long métrage et tu es à la tête de l’association ACES ( Apprendre Comprendre Entreprendre et Servir). Ce sont d’autres moyens de t’investir où l’éducation est la clé ?

Kery James : Bien sûr, l’association propose du soutien scolaire. Le but est d’aider les jeunes qui ont les capacités de faire des études supérieures mais qui n’ont pas forcément les moyens financiers, qui des fois doivent faire un ou plusieurs jobs pour assumer leurs études. Donc on essaye de les aider en les finançant. Je pense que l’éducation, l’école reste le moyen le plus sérieux, le plus efficace pour accéder à un certain rang social, faire un métier que l’on a envie de faire plutôt que de le subir

– Comment as-tu réfléchi la prestation live de cette tournée ? On a pu voir deux trois vidéos sur ta page Facebook avec des musiciens, un public très réactif…

Kery James : Au niveau de l’image, on l’a toute construite autour de la boxe. C’est un show assez énergique où le public doit participer. Il ne faut vraiment pas venir en costard ! Il faut venir en jogging car on fait transpirer les gens. Musicalement, je suis entouré d’une vraie petite équipe, un orchestre de hiphop !

Un degré de plus :

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