La culture s’installe au collège

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Une signature de protocole n’est jamais vraiment un endroit ni un moment très sexy, eu égard au nombre de cravates, de tailleurs et de mines contrites au mètre carré. C’est pourtant dans la joie et la bonne humeur que ce grand pas dans l’éducation artistique et culturelle des jeunes a été franchi en ce lundi 16 février 2015 au Conseil général d’Indre-et-Loire. Le besoin vital et urgent d’intelligence et d’ouverture d’esprit à tous les étages et dans toutes les sphères de la société contribuant sans doute largement à cette ambiance particulière.

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«L’élitisme pour tous» de Vitez, qui pousse un cran plus loin le principe de Malraux de «culture pour tous», fut l’une des expressions prononcées dans les différents discours du jour, tous placés sous le signe des Lumières, même si celles-ci en revanche n’ont pas été directement citées.

«Faire en sorte que ce soit un peu moins nul»

Un ado ce n’est pas simple et comme l’a fort justement rappelé la Directrice Régionale des Affaires Culturelles Sylvie Le Clech, il vaut mieux se remonter les manches et offrir le meilleur et le plus séduisant à nos ados et pré-ados qu’on peut difficilement traîner par les cheveux à l’opéra ou au théâtre. Le «Maman, c’est nul !» étant le défi (potentiellement colossal) de base posé à tout parent et tout professeur qui va devoir trouver la formule magique non pas pour «exposer» l’ado à la culture, mais pour faire en sorte qu’il trouve ça vachement bien. Voire «trop bien» ou «grave bien».

L’idée de ce projet à quatre mains (Education Nationale, Université/CFMI, Drac, Conseil général) est tout simplement de faire entrer les loups artistiques dans la bergerie scolaire, entendez par là pour faire court : faire entrer des étudiants en musique/musicologie et arts du spectacle et des artistes professionnels dans le collège afin de créer de toute pièce des productions pluri-disciplinaires (écriture, musique, mise en scène).

Une suite à l’âge d’or des ateliers théâtre «à la Papa»

Patrick Bourdy, «jeune retraité de l’éducation nationale» (et accessoirement vice-président latiniste du Conseil général, visiblement adepte du stand-up) a évoqué cette époque bénie où les compagnies d’assurance pointilleuses et les parents d’élèves chiants n’existaient pas et où on pouvait rejouer indéfiniment à Capitaine Fracasse en s’inventant avec ses profs une compagnie de théâtre sans foi ni loi, quitte à dormir pendant une semaine sur des lits de camp dans des gymnases glaciaux pour aller jouer «Le Malade Imaginaire» dans des bleds perdus.

«Il nous faut aujourd’hui un cadre», termine-t-il, ce qui n’est finalement pas si mal car nous allons enfin sortir de ce Moyen-âge de l’éducation culturelle au collège où il fallait avoir la chance inouïe d’avoir un ou deux profs géniaux et ne comptant pas leurs heures pour pouvoir espérer vivre une aventure artistique et créative digne de ce nom entre la 6ème et la 3ème. Chance qui, jusqu’ici, devait arriver au mieux à un élève sur 5000 au pays de Molière, de Corneille et de Racine, ces trois noms correspondant malheureusement plus souvent au mieux à des noms de collèges (justement) et au pire à celui de cités résidentielles minables et sans âmes, coincées entre deux supermarchés.

«Un événement créé ensemble, ça transforme»

Voilà sans doute la plus belle phrase de cette «cérémonie» qui en a proposé un florilège. On en taira l’auteur car tous les intervenants ont été bons, avec quand même une mention très bien à madame la Drac qui a fini d’élever un propos déjà haut, tout en faisant preuve de pas mal d’humour (ce qui, rappelons-le au passage, n’est jamais gagné chez un haut fonctionnaire de l’Etat). Dans le registre de l’humour, citons aussi l’ironie de Frédéric Thomas qui a profité de l’occasion pour rappeler que «la politique du Conseil général ne se limite pas à fermer des collèges», en référence à un tract d’un parti adverse qui circule dans le cadre de la campagne des élections départementales.

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L’idée assez géniale de ce projet consiste donc à généraliser, encadrer, professionnaliser la confrontation des 11-15 ans à un enseignement artistique participatif, élément essentiel pour ne pas fabriquer que des consommateurs de culture, troupeaux de bovins passifs qui envoient des SMS sous le manteau en attendant la fin de la pièce. En effet, comme cela a été rappelé, emmener les jeunes voir des concerts et des pièces de théâtre a ses limites, et peut même avoir le pervers effet inverse et les éloigner d’un univers auquel ils se sentent souvent totalement étrangers.

Sainte-Thérèse à Vouvray et La Bruyère à Tours : collèges précurseurs

Pour cette année 2014-2015, deux collèges du département expérimentent cette nouvelle formule avec, tout d’abord, la création d’un spectacle de marionnettes au collège La Bruyère, gérée par l’artiste Charlotte Gosselin de l’association l’Arc Electrique. Collège La Bruyère cité au passage comme étant un exemple de réussite en matière d’éducation artistique puisqu’on y trouve une section CHAT (Classes à Horaires Aménagés Théâtre).

Ensuite c’est le collège privé Sainte-Thérèse de Vouvray qui se distingue avec la participation d’une grosse référence locale de la musique ancienne, l’ensemble PhilidOr, d’une écrivaine en résidence, d’un metteur en scène et d’une comédienne pour écrire un conte musical que l’on pourra découvrir Salle Thélème le 17 avril prochain.

A la rentrée prochaine, le principe est appelé à s’étendre sur d’autres collèges du territoire.

Plus fort que le gagnant-gagnant : le gagnant-gagnant-gagnant-gagnant

Pour compléter le dispositif, des étudiants de la fac de musique et musicologie et d’arts du spectacle sont appelés à intervenir auprès de l’équipe pédagogique et des professionnels dans le cadre d’une matière qui comptera pour l’obtention de leur examen. En effet, l’Université de Tours ouvre une UEO, c’est-à-dire une Unité d’Enseignement d’Ouverture, intitulée «Création musicale en collège et médiation».

A ce jeu, tout le monde devrait y gagner : les profs du collège qui seront épaulés dans leur projet, les étudiants qui auront une première expérience concrète de l’enseignement de leur discipline, les professionnels qui pourront partager leur expérience et leur métier avec des collégiens et des étudiants et, enfin, les collégiens, petits veinards qui ne se contenteront plus d’aller au théâtre une ou deux fois par an, mais seront au cœur d’un processus de création artistique complète, sur une année scolaire. A noter également que l’accent sera mis sur le patrimoine culturel local.

A terme tous les collèges seront sur le même pied d’égalité et il devrait enfin y avoir une vraie continuité entre la maternelle et l’université dans l’apprentissage de la culture, cet «outil pédagogique» qui, selon Loïc Vaillant président de l’Université, «permet de se construire un regard personnel sur le monde». Et vu l’état dudit «monde» en ce moment, le moins qu’on puisse dire c’est qu’on en a grand besoin.

 

 

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