Tours : la grande interview du député écologiste Charles Fournier

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Avec Henri Alfandari du parti Horizons, il fait partie des deux nouveaux élus que l’Indre-et-Loire a envoyé à l’Assemblée Nationale en juin dernier. Expérimenté en politique, membre du parti EELV, Charles Fournier est député depuis un peu plus de 4 mois. Il était temps de faire un premier bilan de mandat. Le représentant de la 1ère circonscription (comprenant la quasi intégralité de la ville de Tours) a répondu à 37 degrés juste avant de rejoindre Paris pour le vote des motions de censure déposées après l’utilisation du 49-3 pour faire passer les lois budgétaires sans vote.

L’usage du 49-3 pour faire adopter le budget 2023

« C’est une décision autoritaire mais logique, symptomatique d’un fonctionnement qui n’existe pas : le parlementarisme actif. Dans d’autres pays avec des majorités relatives on négocie. Là on passe en force avec un projet de budget qui n’est pas à la hauteur des enjeux climatiques, et une obsession de la baisse d’impôts que nous ne partagions pas. Le gouvernement n’a pas voulu construire ce texte avec ses oppositions. Ni même avec sa majorité dont certains amendements ont été adoptés, comme celui sur les super profits qui venait du MoDem.

La motion de censure en réaction au 49-3

« C’est la seule possibilité qu’on avait d’obtenir un vote après un 49-3 qui coupe court à toute discussion. Pourtant on a eu un débat plutôt constructif sur ce projet de loi de finances : 3 000 amendements ont été déposés ce qui n’est pas beaucoup. Sur un autre texte il y en avait eu 40 000. Quand on veut faire de l’obstruction, on peut le faire. Ce n’était pas le cas ici. De plus certains amendements adoptés donnaient des recettes supplémentaires à l’Etat. »

Construire des projets avec le gouvernement

« Honnêtement, on peut. Il y a une loi énergies renouvelables dont je suis le chef de file au sein de mon groupe. A mon sens elle passe si le gouvernement va chercher les voix écolos et de la gauche. Selon les propositions qui seraient prises en compte je peux la voter. Mais aujourd’hui le texte est un peu vide, par exemple les collectivités locales en sont complètement absentes et on ne pilotera pas de stratégie énergies renouvelables sans elles. Il faut aussi revoir la fiscalité pour que le partage de la valeur se fasse à 50-50 entre développeurs et territoires alors qu’il est à 80-20 aujourd’hui. Et puis on doit imposer les projets d’énergies renouvelables sur des zones déjà artificialisées pour ne pas prendre davantage sur la nature pour ça. Ce sont des sujets sur lesquels je travaille depuis début août, j’ai discuté deux fois avec le cabinet de la ministre pour lui dire : ‘On arrive avec ça. Si vous prenez c’est votable.’ Il faut que le gouvernement fasse la coconstruction dont il a parlé. »

Tenir 5 ans dans ce climat

« J’ai une inquiétude si ça ne tient pas, c’est que le Rassemblement National soit encore plus présent. Déjà qu’ils occupent un espace de parole important et qu’on leur a donné des responsabilités à des postes clés (vice-présidences, postes à la cour de justice de la République, comité de renseignement). Cela change quelque chose dans la normalisation de ce parti. »

Le fonctionnement de la NUPES

« A l’Assemblée ça fonctionne bien. Et je parle bien de l’Assemblée, pas de l’extérieur. On reste sur les bases de la campagne : on se met d’accord sur les principaux votes en gardant nos variations sur certains sujets comme les énergies renouvelables ou le nucléaire. Mais ce n’est pas un problème car c’est dit dès le début. Quant aux écologistes, notre groupe qui n’existait pas sous la précédente mandature est en train de se rééquilibrer. On a cherché notre ligne de crète entre un groupe d’opposition assumé mais qui peut aussi essayer d’avancer sur des sujets chaque fois que c’est possible. En espérant que les rebonds de l’affaire Bayou (député accusé de propos déplacés envers son ex-compagne, ndlr) ou une autre ne vienne nous percuter. »

Le climat à l’Assemblée

« Ce sont un peu 577 entreprises où chacun a besoin d’exister. Moi je suis plutôt adepte du travail collectif : ça existe à la NUPES mais pas assez. On va lancer un groupe de travail sur le règlement car il y a beaucoup de choses qui empêchent l’opposition de participer. Le système est très hérité du bipartisme. Et j’ai découvert plein d’éléments qui verrouillent le fonctionnement comme la 2e vote que peut demander le gouvernement s’il n’est pas satisfait du premier scrutin. Il a complètement la main sur les textes, peut déposer des amendements quand il veut… C’est très déséquilibré. Je savais une partie de ces choses-là, mais pas tout. Je suis néanmoins très content d’avoir fait voter mon amendement contre l’engrillagement en Sologne (Charles Fournier a fait modifier une formulation pour que toute la faune soit prise en compte dans ce projet destiné à réduire les clôtures entourant les propriétés forestières privées alors qu’à l’origine seul le gibier était mentionné dans la loi). »

Le rythme de travail

« Aujourd’hui je suis malade et ce n’est pas un hasard. Les semaines sont d’une intensité folle, je suis sur les genoux. Le plus compliqué c’est que tout se passe en même temps, l’agenda change en permanence : il faut être en séance publique et en même temps défendre un amendement en commission. La charge mentale est particulière : quel est l’endroit le plus important ? Grâce à un système de permanence tournante dans le groupe j’essaie quand même d’être en circonscription du vendredi au lundi soir. »

Son poste de conseiller régional, toujours actif

« Ma demande était de démissionner tout de suite mais le groupe m’a demandé d’assurer la transition. Et puis si je quitte mon poste c’est une élue socialiste qui monte. Et il faut préserver les équilibres on est donc dans l’attente d’une démission de Cathy Münsch-Masset (la socialiste, condamnée en première instance pour complicité de détournement de fonds dans l’affaire de l’APAJH a fait appel et attend son jugement) qui serait remplacée par une personnalité écologiste. »

Ses relations avec les collectivités locales

« J’appelle Jean-Gérard Paumier au Département quand j’en ai besoin et on se voit en tête à tête tous les 15 jours avec le maire de Tours. On doit aussi se voir avec Frédéric Augis (président de Tours Métropole). A la Métropole on est dans une situation un peu ubuesque avec une ville centre dont la majorité se retrouve exclue de l’exécutif. C’est un vrai problème donc j’espère que les lignes peuvent bouger pour éviter les blocages. »

L’influence du député de Tours au niveau national 

« Le député n’a pas beaucoup de pouvoir. Il peut interpeller, aider, pousser… Je l’ai fait par exemple sur la question de la justice car il manque des moyens ici à Tours. Au moins un poste de magistrat. On peut peser, y compris en se mettant d’accord avec d’autres députés. Sur ce sujet je n’ai pas signé de courrier avec les élus de la majorité car ils demandaient une nouvelle prison dont je ne veux pas mais je l’ai fait sur la question de la compétence Gemapi (la gestion des risques climatiques) car les collectivités ont récupéré une compétence sans les moyens qui vont avec. »

L’aéroport de Tours

« Ce qui justifie l’aéroport aujourd’hui ce sont les vols pour les greffes d’organes. Mais depuis longtemps je demande une étude sérieuse pour voir s’il peut exister des alternatives. Il y a peut-être aussi un rôle à aller chercher avec le risque incendie qui va devenir très important dans notre région avec l’éventualité de développer des moyens de sécurité civile très importants comme des avions bombardiers d’eau. A ce titre Tours a un positionnement central. Mais pour les voyageurs je pense qu’on ne trouvera pas de modèle économique pérenne. On ferait mieux de renforcer les liaisons ferroviaires vers les aéroports de Nantes et Paris. Plus globalement, je pense que la stratégie des aéroports devrait être traitée au niveau national et pas régionale pour éviter les concurrences absurdes. »

Son action en circonscription

« J’ai dit que je serai transparent sur mon train de vie et mes dépenses donc je publierai sur mon site un état des lieux chaque trimestre de ce que j’ai dépensé, et pourquoi. Je fais des récits de mandat où j’explique par exemple pourquoi j’ai raté un vote. Je propose des séquences de questions au député. On voit bien que la passion de la politique ne gagne pas tout le monde mais comme je m’appuie sur des associations ou comités de quartier je vois arriver des gens que je ne connais absolument pas. »

« Je ne veux pas faire que de la com’ sur papier glacé c’est pour ça que j’ai initié ma tournée citoyenne. Vendredi (le 21 octobre) j’étais au café dès 8h au Sanitas, j’ai été chez des gens parler de leurs factures ou à la fin du marché pour récupérer des invendus. Ça me permet de vivre un peu leur vie, partir de là pour mon action. Du coup je fais le tri dans les événements institutionnels. Je veux faire plus d’interactions, je ne suis pas là que pour couper des rubans. Quand j’étais candidat, beaucoup disaient que mon prédécesseur n’était pas connu. Il n’était pas connu par certains mais très bien par d’autres comme le milieu économique. Je veux essayer de l’être dans les deux, de mettre en évidence des sujets dont on ne parle pas. »

Le parlement de circonscription

« Il sera lancé le 10 décembre avec 25 représentants de la NUPES, 25 personnes de la société civile et 25 citoyens tirés au sort parmi les volontaires (les inscriptions ouvriront prochainement). Il se réunira 4 fois par an dont une en séance publique. L’idée c’est d’avoir un débat sur des sujets d’actualité, par exemple les questions de sobriété énergétique ou des salaires. De plus en plus de gens souffrent d’une précarisation importante et les différents boucliers n’arrivent pas à faire face. J’en suis inquiet : la tension sociale est extrêmement forte. Il faut reparler de la question des rémunérations, par exemple en fixant une fiscalité plus progressive dans les entreprises pour qu’elles puissent augmenter les salaires car ce sujet est resté tabou trop longtemps. »

Propos recueillis par Olivier Collet et Mathieu Giua

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