Malgré l’obligation faite à toute collectivité de plus de 250 agents, grande première depuis une décennie : la ville de Tours a fait estimer son bilan carbone, soit l’équivalent en rejets de CO2 des activités de la collectivité. Un chiffre dévoilé dans le cadre de la publication du rapport annuel de développement durable et qui doit déboucher sur des actions franches… car l’idée est de le faire baisser pour réduire l’impact de la municipalité sur l’environnement. On va voir comment la municipalité compte s’y prendre.
En un an, les activités quotidiennes de la ville de Tours entraînent le rejet de 26 033 tonnes d’équivalent CO2 dans l’atmosphère. Cela représente environ 15 000 allers-retours en avion de Paris à New-York ou l’impact carbone de la vie quotidienne de 5 600 Français. C’est beaucoup d’autant qu’ici on parle bien uniquement de ce que la Ville consomme en tant qu’entité, et non pas l’impact de l’ensemble de ses habitantes et habitants. Cela comprend donc la consommation en énergie de l’Hôtel de Ville, des écoles ou du Palais des Sports, la circulation des véhicules avec le logo de la mairie ou toutes les ramettes de papier utilisées par ses 2 000 agents mais pas les trajets en voiture pour partir en week-end ou la consommation de gaz pour chauffer nos maisons et appartements.
Ainsi, quand on regarde le document en détail, on constate que 25% des rejets nocifs de la ville de Tours sont liés à sa consommation énergétique (surtout du gaz, pour 4 000 tonnes d’équivalent CO2 par an) mais aussi que 45% des émissions viennent de ses achats (nourritures, meubles, fournitures). 16% sont liés aux déplacements (dont plus de 2 000 tonnes rien que pour les trajets domicile-travail du personnel), 7% aux fabrications de bâtiments, ordinateurs ou véhicules et 6% aux déchets.
Des achats d’occasion plus fréquents
Pour réduire son impact sur le changement climatique, il faut donc actionner plusieurs leviers, d’autant que la majorité actuelle affiche un ambitieux objectif de réduction de 40% de ses émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030… et d’au moins 15% à partir des actions déjà engagées ou prévues. On dit bien baisser et non pas supprimer car ce serait impossible : « Quand on parle de neutralité carbone cela inclut la capacité du territoire à absorber les émissions. Pour cela on a besoin de zones naturelles ou de forêts qu’il n’y a pas en assez grande quantité sur la ville de Tours » explique Martin Cohen, l’adjoint au maire chargé des questions environnementales. « Nous devons donc rechercher une baisse drastique de nos émissions et pas chercher à tout prix une compensation par les espaces publics par une plantation d’arbres, par exemple. Ce n’est que la deuxième étape. »
Faut-il par exemple moins acheter ? « Oui, et mieux » répond le politique qui parle par exemple de la mise en place d’un fonds commun de mobilier : « Jusque là un service qui n’avait pas quelque chose l’achetait. Maintenant on peut savoir si le voisin a les éléments disponibles. » La mairie s’est également mis à acheter d’occasion, par exemple d’anciens meubles de grandes entreprises : « Ce sont des meubles qui ont à peine quelques années et sont uniformes. L’objectif c’est de fabriquer le moins possible » explique Martin Cohen qui souhaite amplifier la dynamique via l’achat d’ordinateurs reconditionnés. Selon lui, « on achètera peut-être plus tous les 5 ans au lieu de 7 mais si c’est moins cher on s’y retrouvera. »
Comment réduire les déchets de la ville ?
Parmi les sujets sensibles : le parc de véhicules (environ 400 en comptant les voitures, les camions et même les grosses tondeuses). Vaut-il mieux acheter une voiture thermique d’occasion ou une voiture électrique neuve ? « Je me pose aussi la question » reconnait Martin Cohen. Pour trancher, il explique « regarder le nombre de kilomètres que va faire le véhicule. Si c’est 2 000 par an l’électrique n’a pas grand intérêt car on sait que ses émissions sont surtout liées à la fabrication des batteries. Nous devons donc rationnaliser notre parc de véhicules pour éviter que certains modèles ne tournent pas, par exemple en les partageant. »
Si le poste des déchets ne représente « que » 6% du total des émissions, cela correspond quand même à plus de 1 500 tonnes de rejets annuels. « On est très loin d’une ville 0 déchet, j’en suis conscient », nous dit l’adjoint maire, « mais on peut essayer de tendre vers le 0 déchet résiduel en passant par le réemploi de tout ce qu’on jetait jusque-là. Par exemple on ne met plus les véhicules à la casse : on les donne à l’association Solidarauto de Joué-lès-Tours qui prend les pièces et en revend certains. Nous vendons également notre mobilier sur le site Agorastore. »
Vers des constructions plus vertueuses
Si on peut supposer que chaque geste compte, il faudra des actions marquantes pour une action réellement visible. Ainsi, c’est donc le poste des achats qui pèse le plus lourd, et en particulier celui des achats alimentaires : « On ne pensait pas que ça ressortirait autant » commente Martin Cohen qui maintient l’objectif de passer de 1 à 2 repas végétariens par semaines dans les cantines de la ville, « sans mettre de steak végétal à la place de la viande mais plutôt faire un dal de lentilles. Il faut apprendre à modifier nos habitudes alimentaires. »
Le dernier poste – et non des moindres – concerne les chantiers. A la fois en rénovation pour économiser de l’énergie… Et en construction pour des bâtiments plus vertueux. Problème : ça coûte très cher et la mairie manque cruellement de fonds. « On ne pourra pas tout faire mais on essaie de pousser nos capacités » assure Martin Cohen, qui soutient au passage que « construire neuf et écoresponsable n’est pas forcément plus cher. On a eu des propositions de bâtiments écoconçus dès le départ et qui pouvaient être au même coût que les autres, ou alors le surcoût était largement compensé par les faibles coûts de fonctionnement à l’usage. » Le prochain bilan carbone de Tours est prévu dans un an pour un premier comparatif.
Un degré en plus :
Le dernier bilan carbone de Tours datait de 2010-2011. A l’époque il affichait 60 750 tonnes d’équivalent CO2 émises par la ville. Est-ce à dire qu’en une décennie les émissions ont été divisées par plus de 2 ? Pas du tout. « Cela dépend des critères que l’on prend » explique Martin Cohen. Par exemple, faute de temps, la mairie n’a pas inclus les émissions des enfants quand ils vont à l’école ou qu’ils retournent à leur domicile. Par ailleurs, depuis 2017, une partie des tâches de la ville ont été basculées à la Métropole, donc retirées du bilan carbone municipal. Et comme l’agglo ne publie pas son bilan carbone, il est impossible de faire un comparatif fiable.