La maison Arche souhaite perpétuer le savoir-faire castelrenaudais

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Créée en 1968, la maison Arche chausse des habitants du monde entier. Cette entreprise propose des chaussures atypiques et colorées, intégralement imaginées et fabriquées dans ses ateliers de Château-Renault. Un savoir-faire local que la famille des fondateurs compte bien faire perdurer.

C’est au premier étage des ateliers que tout commence. Direction le bureau des designers de la maison Arche, à Château-Renault. Cette entreprise imagine et fabrique, depuis plus de cinquante ans, des chaussures au design atypique, reconnaissables grâce aux trois codes de la marque : couleur, épure et souplesse. La première étape de la conception d’une chaussure consiste donc à dessiner. « Notre rôle, c’est d’avoir de bonnes idées de nouveaux modèles », résument simplement Alexandra et Philippe, les designers. Ils réalisent, dans un premier temps, un croquis sur papier, avant de le transposer sur une forme de pied. Confort, look du bout du la chaussure, design de la semelle… Rien ne doit être laissé au hasard.

Alexandra et Philippe créent deux collections par an. Ils les élaborent avec un an d’avance et se penchent donc, en ce mois de mai 2023, sur la collection printemps/été 2024. À chaque saison, une cinquantaine de nouveaux modèles se retrouvent sur les étagères. Mais l’inspiration ne manque jamais aux designers. « Nous ne sommes pas seuls face à notre page blanche. Ce serait ça la difficulté », indique Alexandra. Son collègue poursuit : « Nous discutons, il y a un partage. Nous nous inspirons de ce que l’on voit dans la rue, des tendances. Nous avons aussi un fil rouge et des thématiques. Nous ne partons pas zéro non plus. » Sans compter qu’ils retravaillent parfois certains modèles iconiques de la marque, qui, au final, ne changent pas beaucoup.

Après un premier dessin sur papier, les designers de la maison Arche travaillent directement sur des formes.

« La création, c’est l’essence même des collections », synthétise Charlotte Philibert, responsable RSE de la maison Arche, en se dirigeant vers le bureau d’études. C’est là, à l’étage en-dessous, que les modèles imaginés par les designers sont envoyés. Quatre employés se chargent alors de réaliser une modélisation en 3D, à l’aide d’un logiciel de conception assistée par ordinateur (CAO). Des patrons sont aussi conçus, un pour chaque taille existante. « À partir du travail des stylistes, nous concrétisons et nous préparons la production. Nous construisons les différents morceaux de la chaussure, en tenant compte de tous les paramètres, comme la possibilité de fabrication ou le prix. C’est ici que l’on fait naître le modèle », explique Ména. Des ajustements sont souvent à prévoir avant de lancer la chaîne de production car, comme le précise Ména, « il est très rare de réussir une paire du premier coup ». Le bureau d’études fournit par ailleurs une nomenclature aux différents services, afin que ces derniers connaissent les différentes pièces qui vont composer l’article. « Nous donnons un maximum de renseignements : la matière et les fils utilisés, les coloris, les semelles… »

« Il n’y a plus tellement d’acteurs qui maîtrisent toutes les actions »

Ces deux premières étapes sont primordiales. « Sans les designers et le bureau d’études, il n’y aurait pas de fabrication », assure Charlotte Philibert. Il est cependant rare que la conception et la production soient réalisées au même endroit. « En France, il n’y a plus tellement d’acteurs qui maîtrisent toutes les actions. Nous, nous savons tout faire. C’est important de le montrer et de le transmettre », déclare celle qui est aussi la petite-fille des fondateurs de la maison Arche, Pierre-Robert et Andrée Hélaine. Car c’est bien cela, l’objectif de l’entreprise : faire perdurer le savoir-faire à la française mais aussi du castelrenaudais, là où plusieurs tanneries étaient auparavant installées.

De nombreux corps de métiers sont aujourd’hui représentés dans les ateliers de la société. Au total, cent cinq salariés travaillent main dans la main pour réaliser les quelque 120 opérations nécessaires à la fabrication d’une chaussure. Depuis cinq ans, les équipes se renouvellent à la suite de départs en retraite. Les artisans capables de maîtriser les techniques à la perfection ont alors un rôle à jouer dans la transmission de leur savoir-faire et le partage des valeurs de la maison. « Nous avons besoin de personnes résilientes, qui ont un regard technique. Nous avons beaucoup de modèles, l’attention doit être optimale. Nous fabriquons des produits haut de gamme, nous attendons donc une certaine exigence tout au long de la chaîne de production », mentionne la fille de Catherine Hélaine, la présidente de l’entreprise.

Sept paires des chaussures Arche sur dix sont fabriquées à Château-Renault et le reste dans les ateliers croates de la marque. (Crédit : Maison Arche)

Des histoires de famille

Cette transmission de compétences se fait parfois entre frère et sœur, entre oncle et neveu, entre mère et fille ou entre cousins. Et s’il y a de jolies histoires de famille au sein des ateliers, ce n’est peut-être pas un hasard. Entreprise familiale depuis ses débuts, Arche a vu la troisième génération rejoindre l’aventure en 2019, avec l’arrivée de Charlotte Philibert. « La maison est née en 1968, après la rencontre entre mon grand-père, alors artisan bottier, et ma grand-mère. Ma mère aime dire que c’est la rencontre entre le cerveau droit et le cerveau gauche, entre une âme créative et un esprit entrepreneurial », raconte la responsable RSE. Dans les années 2000, Catherine Hélaine et son frère, Pierre-Emmanuel, reprennent le flambeau. Ils poursuivent depuis le travail de leurs parents.

Retour dans les ateliers, là où sont contrôlés et stockés les tissus. Il y a essentiellement du cuir, puisque 95 % des chaussures sont fabriquées avec cette matière. La qualité des tissus est essentielle. « Nous produisons des chaussures simples, il faut donc que les matières premières soient vraiment qualitatives. Nous sommes très exigeants au niveau du cuir. La matière doit s’adapter à la forme du pied, commente Charlotte Philibert. Le but est d’avoir une chaussure qui soit comme une seconde peau. Mon grand-père travaillait avec du cuir de ganterie, il voulait qu’elle s’enfile comme un gant. » Arche achète du cuir épais souple – de vachette, de taurillon, de cerf ou de mouton –, chez des fournisseurs impliqués dans des engagements durables et éco-responsables. « Nous prenons la partie noble des cuirs. Ils sont tous de provenance européenne, pour la proximité et pour limiter l’impact carbone de nos articles. »

Les peaux sont préparées pour la prochaine phase : la découpe. Placées sur une machine, elles sont coupées selon des points prédéfinis, au cutter ou à l’emporte-pièce. « C’est un travail super minutieux. Nous coupons toujours une paire sur une même peau car nous cherchons une unicité. Avec deux peaux, il risquerait d’y avoir des différences. » Si les artisans essaient d’obtenir le moins de déchets possible, les chutes de tissus semblent inévitables. Mais elles ne finissent jamais à la poubelle. « Nous les utilisons pour faire des pièces de maroquinerie et nous avons aussi mis en place un processus de dons pour les artisans qui pourraient en avoir besoin », détaille la Castelrenaudine.

« Il y a toujours quelqu’un derrière une machine »

Les morceaux découpés sont ensuite rassemblés, par paire. Après le parage pour affiner les bords, puis le marquage pour apposer le logo, ils sont prêts à être piqués, c’est-à-dire assemblés afin de former la tige (partie supérieure de la chaussure). Alors que Corinne, experte en piqûre, s’occupe de coudre une paire, la petite-fille des fondateurs de la maison Arche souligne : « Il y a toujours quelqu’un derrière une machine, quelqu’un qui fait un geste. Nous faisons du semi-artisanal. » À quelques pas de là, Séverine se charge du galbage (photo principale). Elle pose un contrefort pour façonner l’arrière de la tige, ce qui apporte le maintien au niveau du talon.

Dernière destination : « la salle des mariages ». C’est ici que le montage des chaussures est effectué. Lorsqu’elle arrive dans cet atelier, la tige est chauffée pour être assouplie. Puis elle est placée dans une forme de pied en plastique, à laquelle est ajoutée la première de montage (partie inférieure de la chaussure, visible depuis l’intérieur). Une machine vient alors plaquer le cuir sur la forme et fixer les bouts sur la première. S’ensuivent l’encollage, le verage pour retirer les résidus de colle et désépaissir le cuir et le cadrage, qui consiste à poncer la matière pour que les semelles adhèrent lors du collage. Ces dernières sont fabriquées en lait d’hévéa par un artisan de Virieu-sur-Bourbre, en Isère. Cette matière, à 99 % d’origine naturelle, apporte souplesse et confort de marche.

Jusqu’à 600 paires par jour

Une fois les semelles collées, il ne reste que le bichonnage. La forme est retirée, les chaussures sont nettoyées, cirées, puis déposées avec soin dans leur boîte – préalablement montée à une vitesse impressionnante par l’une des employées. Les artisans de la maison Arche peuvent produire jusqu’à 600 paires par jour. Des paires qui rejoignent ensuite les seize boutiques françaises et les vingt-deux situées à travers le monde (New York, Beverly Hills, Anvers, Pékin, Osaka…) mais aussi les rayons des 320 partenaires revendeurs, là encore localisés dans le monde entier (Allemagne, Espagne, Portugal, Japon, États-Unis…). Les ventes à l’international représentent d’ailleurs 70 % du chiffre d’affaires de l’entreprise.

Arrivées en bout de chaîne, les chaussures sont prêtes à se faire « bichonner ».

Pour fournir les magasins et le site web, les employés travaillent sur trois collections en même temps : les réassorts de la collection printemps/été 2023, le début de production de la collection automne/hiver 2023 et la création de la première saison 2024. Ce qui pousse finalement Charlotte Philibert à présenter la maison Arche comme « une horlogerie suisse ». Qui n’a pourtant jamais quitté la Touraine.

Un degré en plus

En savoir plus sur Arche : www.arche.com

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