Brexit en Indre-et-Loire : La vigilance plutôt que l’inquiétude pour les professionnels

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Fixée au 29 mars 2019, la date fatidique des négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne s’approche à grands pas. Aujourd’hui aucune directive ne semble s’en dégager. Dans le département, les affaires continuent pour les professionnels concernés, quitte à devoir s’adapter au dernier moment.

Sous la pluie et le mauvais temps, le château d’Amboise surplombant la ville prend, des allures mystérieuses. Quelques visiteurs dont une sortie scolaire bravent malgré tout le temps pour venir le visiter. Pour plus d’affluence, il faudra repasser lors des beaux jours, durant la saison touristique. Au détail près que les touristes anglais seront peut-être moins nombreux.  L’un des risques rencontrés par le Brexit est une diminution de leur pouvoir d’achat avec la dévaluation de la Livre Sterling. Pour Samuel Buchwalder, le responsable de communication du château, c’est le flou artistique. « On ne sait pas vraiment ce qui va se passer. Cela risque de nous impacter si la Livre est dévaluée. Dans ce cas les Anglais risquent d’avoir moins de pouvoir d’achat pour leur voyage. » Un fait que le responsable préfère relativiser. « La fréquentation par les touristes anglais était déjà irrégulière avant. Avec les attentats du Bataclan, on a connu une baisse des visites. Puis ils sont revenus quand la Livre a été favorable par rapport à l’Euro. Tout dépendra du cours de la monnaie. »

Situé à 500 mètres, le Clos Lucé partage la même situation que le château. Pour Gaël Ibramsah, le directeur commercial du site, tout dépendra du pouvoir d’achat. « La monnaie et l’instabilité peuvent être les deux grands éléments à même de jouer sur la fréquentation. On l’a vu avec les attentats à Paris ». Un problème demeure concernant la concurrence entre les pays européens. Si la Livre se déprécie avec le Brexit, les touristes anglais risquent de privilégier des destinations moins couteuses. « Il restera les Anglais déjà installés et une population touristique qui veulent absolument venir visiter des sites spécifiques dans la région. » résume Samuel Buchwalder.

Le château d'Amboise durant la saison touristique
Le château d’Amboise durant la saison touristique

Une influence anglaise relative auprès des sites touristiques

Tout les deux préfèrent nuancer. Pour M. Buchwalder, les Anglais restent peu à visiter le château d’Amboise. « Une baisse de la fréquentation liée au tourisme, c’est embêtant mais ce n’est pas catastrophique » affirme-t-il. De manière générale, l’affluence des Anglais reste moyenne dans ces infrastructures. « Les clients anglais restent beaucoup dans les campings locaux. Ils dorment dans les grosses structures, viennent en camping-car. Ce sont des grands consommateurs du tout-inclus » affirme Gaël Ibramsah. Bien qu’ils constituent la seconde population à fréquenter la dernière demeure de Léonard de Vinci, derrière les Américains, ils sont peu nombreux.

Pour prévoir le manque, les deux sites touristiques préfèrent miser sur une stratégie de diversification. « Ce n’est pas un problème pour nous car nous communiquons auprès d’une multitude de nationalités. Par contre, quelqu’un qui aurait eu tendance à tout miser sur une seule population aurait des problèmes en ce moment » pour le responsable de communication du château d’Amboise. Des précédents qui auraient déjà eu lieu par le passé. Il poursuit. « Il y a 5-6 ans, il y a eu une forte fréquentation de la clientèle russe. Du jour au lendemain, elle a disparu suite à la crise ukrainienne. Même chose pour la clientèle japonaise. Elle a fortement diminué après les attentats ». D’autres, à l’inverse, sont récemment venus en masse comme les Sud-coréens.

Autre constat : les structures attirent davantage une clientèle mature mais sont boudés par les plus jeunes. Les touristes anglais sont majoritairement constitués de familles. Pour les sites, ils rentrent dans la catégorie du grand public auquel il faut rendre l’histoire la plus accessible.  « On mise sur des œuvres ludiques et interactives avec une histoire la plus pédagogique possible  pour qu’elle puisse être appropriée par tout le monde » explique Gaël Ibramsah.

« Les clients anglais restent beaucoup dans les camping locaux. Ils dorment dans les grosses structures, viennent en camping-car. Ce sont des grands consommateurs du tout-inclus. » Gaël Ibramsah

Chacune des structures préfère rester pragmatique. « À notre niveau, on ne peut rien faire de plus » pour monsieur Ibramsah même si cela n’empêche pas de continuer les actions de communication en Angleterre. « Les gens décident d’aller visiter tel ou tel endroit une fois arrivés sur place. Par contre on continuera à communiquer auprès des structures du tout-inclus dans les agences de voyages. » Affirme-t-il.  En réalité les deux sites se préparent à une année riche en recettes avec les 500 ans de la Renaissance.

Quelques incertitudes pour les vignerons

Du côté des vignerons, on préfère rester stoïques. Avec 270 millions de bouteilles du Val-de-Loire vendues par an, dont 50 millions à l’export et 22% de celles-ci au Royaume-Uni, le marché du vin est essentiel également dans le département. Quant aux exportations anglaises, elles représentent la deuxième nationalité.  « On ne sait pas comment cela va se passer, on est dubitatif et attentif sur le sujet. » explique un vigneron. Le risque vient d’une potentielle demande qui risque de diminuer. « Le vin n’est pas un produit de première nécessité et si leur pouvoir d’achat baisse, ce n’est pas ce qu’ils vont continuer à acheter » poursuit notre interlocuteur.

« Le vin n’est pas un produit de première nécessité et si leur pouvoir d’achat baisse, ce n’est pas ce qu’ils vont continuer à acheter. » Un viticulteur

Une confiance d’autant plus importante que leur millésime leur permet de répondre à une multitude de demandes et de s’adapter. La plupart ne pensent pas être directement touchés. Pour le moment, le sujet semble être peu abordé d’autant plus que certains doutent que le Brexit sanctionne le marché « Je ne vois pas le Royaume-Uni rétablir les taxes douanières à l’importation sinon cela serait le cas pour les pays de l’Union Européenne » tempère un viticulteur. Bien que le brouillard persiste, la vigilance trouve davantage sa place que l’inquiétude dans l’un des secteurs phares de l’Indre-et-Loire.

À l’instar du secteur touristique, celui du vin est directement dépendant des fluctuations monétaires. Une instabilité qui risque de redistribuer les cartes « Les anglais sont très demandeurs en matière de prix » souffle un vigneron. Aussi, la potentielle perte de leur pouvoir d’achat risque de déplacer la demande vers les produits les moins couteux. En attendant, les viticulteurs préfèrent rester optimistes. Après plusieurs années de mauvaises récoltes liées au gel, celle de 2018 s’avère prometteuse en matière de qualité, qu’ils espèrent répercuter au niveau des ventes. « Pour le moment, il n’y a pas d’effet de sous ou de sur commande. » témoigne l’un d’entre eux.

Attendre le moment venu pour l’aéroport de Tours

Parmi les domaines que l’on peut penser menacés, il y a l’aéroport de Tours. Là encore, le flou est total. Avec près de 181 000 passagers par an, les lignes entre la ville et Londres constituent près d’un tiers du trafic de l’aéroport. Bien que la date butoir soit dans quelques semaines, tout continue comme si de rien n’était. Il n’y a pas de mesures prises au cas où. Nicolas Destouche, le directeur de l’aéroport, doute des perturbations potentielles. « Pour le moment on n’en sait rien mais on peut se préparer pour réagir au dernier moment. »

L’aéroport de Tours est déjà équipé pour desservir les pays hors zone de l’Union Européenne. Aussi en cas de basculement, il est tout à fait possible de faire passer le fonctionnement de l’Angleterre vers une zone d’un pays tiers nous affirme le directeur.

 « Pour le moment on n’en sait rien mais on peut se préparer pour réagir au dernier moment. » Nicolas Destouche, directeur de l’aéroport de Tours

Si changement il y a, celui-ci serait davantage au niveau des normes douanières avec des temps d’attente plus long. Une autre possibilité concerne la diminution potentielle du nombre de passagers anglais par crainte d’une perte de pouvoir d’achat. Là encore, rien ne permet de le dire. Bien qu’il soit encore trop tôt dans l’année, les demandes de réservation restent stables. Rien n’augure d’un effet Brexit pour le moment.

Dans tous les secteurs, l’incertitude est de mise. Alors que les négociations se poursuivent entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne, les directives restent floues pour tout le monde. La date limite des délibérations, fixée au 29 mars, approche à grands pas. En Indre-et-Loire, que ce soit dans le tourisme, la viticulture ou le transport aérien, les structures ne semblent guère inquiètes mais plutôt vigilantes pour s’adapter le moment venu. Aussi, en cette période brumeuse, chacun navigue à vue, préférant maintenir le cap.

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