A Tours, l’agence Lyum illumine villes et monuments depuis 20 ans

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On lui doit le Parcours Lumière du centre-ville de Tours, l’éclairage nocturne du Pont de Langeais, celui du Château de Chaumont-sur-Loire mais aussi des créations à Paris, Rouen, Montauban et jusqu’en Martinique. En deux décennies, l’agence Lyum (ex Neo Light) de Tours s’est fait une belle renommée grâce à des projets prestigieux. Son patron Sylvain Bigot revient sur son parcours pour 37 degrés.

« Je ne vends rien, je n’installe rien. Je suis comme un architecte mais pour la lumière. » Voilà comment Sylvain Bigot résume son travail depuis la salle de réunion de son agence Lyum, située dans un espace de coworking de Tours-Nord, à deux pas de Decathlon. 20 ans que cet ingénieur en éclairage travaille pour des municipalités ou des monuments qui lui commandent une rénovation de leurs installations lumineuses. Sur son site, il revendique ainsi 452 projets réalisés et 14 prix ou récompenses (la dernière en 2017 pour un château de l’Eure et son moulin).

Avant de se lancer en solitaire, l’entrepreneur était salarié du groupe Vinci où il s’est fait suffisamment de contacts pour décrocher de premiers contrats. Il a également performé en remportant quasi immédiatement un double appel d’offres rouennais pour l’illumination de la Tour des Archives et le schéma directeur lumineux de la commune sur 20 ans (un plan qui arrive à échéance mais qu’il espère poursuivre s’il produit de nouveau le meilleur dossier aux élus normands). « Lors de l’entretien ils m’ont demandé combien on était dans l’entreprise. J’ai dit deux alors que j’étais seul. A l’époque ils ont pris un risque car c’était un projet à presque un million d’euros » rembobine Sylvain Bigot. « Maintenant ils sont contents car la Tour des Archives est un élément phare de Rouen. »

Etablir de telles scénographies demande un gros travail en amont. Deux ans par exemple pour une réfection totale du parcours touristique nocturne du centre-ville de Montauban actuellement en gestation. Et bien autant pour le Parcours Lumière du centre historique de Tours, « une référence au niveau national que je fais encore visiter à d’autres villes » assure le créateur qui fait lui-même une large enquête avant de passer à la phase de conception :

« En général, le client n’a pas vraiment d’idée de ce qu’il veut donc on part d’une page blanche. Pour m’inspirer, je visite les villes jour et nuit, j’imprime des photos, je cherche des anecdotes, des articles de presse, des plans – voire j’en fais moi-même. Je veux comprendre comment ça s’est construit, s’il y a eu des extensions…

Parfois on découvre des détails. Par exemple il y a un dragon au sommet du Beffroi de Béthune, à 80m de haut. Quand on regarde le bâtiment on pense à un coq, mais non. Ce dragon représente le protecteur de la ville, qu{i l’aurait sauvée au Moyen Âge. Si je n’avais pas lu ça je n’aurais pas fait gaffe : ça m’a aidé à imaginer la projection d’un dragon plus grand sur le monument. Sinon j’aurais mis l’accent sur la verticalité, le système de défense, l’horloge, le repère dans l’espace mais pas sur lui. »

Pour réaliser ses plans, Sylvain Bigot griffonne, « au crayon de couleur ou au feutre, et après on fait une simulation, souvent sur Photoshop. » Le moment de décider s’il met en place des effets en plongée ou contre plongée, avec ou sans animation, en frontal ou à contre-jour… « Je peux aussi réaliser des animations pour représenter de l’eau de manière symbolique. » L’idée reste toujours de faire écho à l’histoire du lieu, mais sans axe « trop intello » qu’il déplore chez certains concurrents : « Mon ambition de départ est que même si les visiteurs ne comprennent pas, ils doivent trouver ça beau et s’arrêtent quelques instants pour observer la lumière. »

Un exemple avec le Château de Chaumont-sur-Loire en Loir-et-Cher, pour lequel il a été primé. Les tours sont illuminés avec un blanc froid « pour symboliser la défense », une couleur « agressive » qui ne donne pas très envie de rester dans le secteur, tandis que la façade des logis est sertie de teintes plus chaleureuses, pour monter qu’il s’agissait d’un lieu de vie. Une mise en scène assumée. Une sorte de théâtre. « Mais s’il n’y a pas de lumière, il n’y a pas de théâtre » professe le fondateur de Lyum dont les projets ont une durée de vie estimée « de 12 à 15 ans, ou jusqu’à 35 ans pour les espaces publics ».

Sylvain Bigot vit donc au rythme du renouvellement des villes ou des bâtiments, ce qui nécessite de passer pas mal de temps dans les démarches administratives, « environ 20% de l’activité ». Et dans ce domaine, le professionnel ne manque pas d’anecdotes, expliquant comment il incite parfois des commanditaires à « contourner » les normes édictées « par des gens qui ne savent pas de quoi ils parlent et pondent des trucs aberrants. Il arrive que les normes mises bout à bout amènent à des non-sens. On passe notre temps à leur dire de se calmer. Je rédige parfois 3 pages pour expliquer ce que je fais » s’agace Sylvain Bigot qui cite l’exemple de la différence d’intensité lumineuse exigée pour une place (8 à 10 lux) et celle réclamée pour un cheminement dédié aux personnes à mobilité réduite (autour de 25 lux). « Si je fais ça sur une place, ça forme une sorte de piste d’atterrissage et c’est dangereux car les yeux ont du mal à s’accommoder à ces changements. En plus on impose des chemins aux gens qui n’iront pas dans les zones moins éclairées car ils auront peur. »

Comptant aujourd’hui 2 salariés, une comptable à mi-temps et des stagiaires, Lyum se doit de s’adapter aux évolutions du secteur. « Je passe mon temps à suivre la technologie » commente le dirigeant qui dit essayer « tout ce qui sort » pour l’appliquer rapidement si c’est concluant. Il s’intéresse par exemple aux lampadaires à détecteurs de mouvements, actuellement prisés à Tours (pour le Pont Wilson, le Pont de Fil, ou le quartier Colbert). Objectif : n’allumer les ampoules que quand il y a du mouvement et les laisser éteintes le reste du temps. Sylvain Bigot n’est pas foncièrement contre mais « seulement pour les déplacements doux – marche, vélo, trottinette » et sans tout couper : « il faut laisser 10% d’intensité sinon cela crée un sentiment d’insécurité. »

Cet argument, très en vogue à droite, est réfuté par les partisans de la mesure qui mettent en avant le repos des animaux. Sylvain Bigot répond avec un discours aux accents politiques, lassé aussi qu’on lui interdise telle couleur pour protéger une espèce de chauve-souris, mais telle autre couleur pour une chauve-souris différente : « Je me bats un peu contre ce discours. L’éclairage a été mis en place pour la sécurité des humains. C’est pour lui qu’il est fait en priorité. Si on éteint, cela fait un couvre-feu et un déséquilibre social : dans le noir, il vaut mieux être un homme qui voit bien. Les autres ne sortiront pas. »

Malgré ces agacements, et des réunions parfois « tendues » avec les arcanes administratives, l’entrepreneur assure conserver « la flamme » pour son métier, même s’il mène en parallèle deux autres activités (la gestion de son espace de coworking et une carrière de thérapeute holistique). « Je ne pensais pas que ça allait durer aussi longtemps et me plaire toujours autant. Malgré un trou au moment du Covid il y a toujours des choses à éclairer et de la création à proposer », comme le défi de la réduction de la consommation ou celui de l’interactivité des lumières qu’il espère relever à Montauban avec une scénographie lumineuse évolutive reliée à une application mobile touristique.

Un degré en plus :

Jeudi 12 juin, l’agence Lyum fête ses 20 ans dans ses locaux de Tours-Nord. Pour l’occasion elle a prévu un cycle de conférences et des rencontres entre professionnels. Un livre a également été imprimé pour répertorier les principales créations de la société.

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