La grande interview de Basile Riboud, le nouvel homme fort du foot tourangeau

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Avec deux victoires et un match nul, l’Union Foot de Touraine réalise un très bon début de saison 2025/2026 dans sa poule de National 3. Fruit de l’alliance entre le Football Club de l’Ouest Tourangeau et les reliquats des clubs de Tours et Joué-lès-Tours (liquidés pour raisons administratives et financières), la nouvelle grande formation de l’agglomération tourangelle marque d’emblée les esprits, réussissant également à attirer un grand nombre de licenciées et licenciés dans toutes les catégories. Avec 850 inscriptions revendiquées, l’association devient d’emblée la première formation du département dans l’univers du ballon rond. Rencontre avec Basile Riboud, l’investisseur à l’œuvre pour faire prendre la mayonnaise.

« Je ne suis pas là pour taper sur ce qui a été fait avant » prévient très vite Basile Riboud. N°1 de l’Union Foot de Touraine, l’homme s’affiche comme consensuel et pragmatique. Lucide sur l’héritage douloureux avec lequel il doit composer, il en tire des enseignements sans faire la leçon. « Ce qui n’a pas marché ? Un ensemble entre les choix effectués, un manque de chance ou des vents contraires. Il y a eu beaucoup d’efforts, d’investissement et de travail. Je ne connais personne qui reprend une entreprise pour l’envoyer dans le mur. »

Quand on sort de longues années marquées par les polémiques régulières autour des déclarations de Jean-Marc Ettori (ex-propriétaire du Tours Football Club disparu en début d’année à cause de ses dettes), cette position constitue un changement radical. Même de savoir que la société du magnat corse sponsorise le club de Montlouis-sur-Loire au point d’afficher le logo Corsicatours sur le torse des joueurs de National 2 ne lui fait pas sortir de propos désagréables en public : « Si ça peut leur filer un coup de main… »

Entre les lignes, on comprend tout de même qu’il n’y a rien eu d’une passation entre les deux hommes. « J’ai échangé une fois avec Jean-Marc Ettori sur le foot. C’était très agréable mais c’était il y a longtemps » nous dit Basile Riboud, manière de signifier que l’UFT ne renie pas l’histoire mais s’appuie sur un tout autre socle : « L’objectif c’est d’agréger les forces en présence pour aller vers un projet sain et solide. Quand on met les bonnes personnes aux bons endroits, avec beaucoup de travail et d’humilité, on a les ingrédients pour que ça marche. »

Pour adopter cette position de sagesse, compatible avec la tradition tourangelle de la mesure et de la concorde, Basile Riboud a passé beaucoup de temps à analyser les situations. « J’étais un observateur malheureux. Ce n’est jamais plaisant de voir qu’un territoire de foot ne va pas bien » dit-il, pensant également aux déboires que peuvent subir d’autres fanions français comme Bordeaux ou Ajaccio, mais aussi Le Mans ou Strasbourg par le passé. Sa volonté : capitaliser sur son énergie pour insuffler une nouvelle dynamique. « Je ne suis pas kamikaze. Je me dis que j’ai des idées et que je veux me lancer avec passion et humilité. Que ça marche ou pas, la suite le dira. »

Avant tout, l’ambition est de ramener de la confiance. Ne plus jamais revivre de honte comme l’annulation du match Tours-Lorient fin décembre 2024, quand on s’est rendu compte à la dernière minute qu’il n’y avait pas assez d’agents de sécurité pour entourer la rencontre à cause d’un défaut de paiement. « Un scénario catastrophe » résume Basile Riboud qui parle alors d’un déclic pour proposer ses services. « Quand j’ai appris que l’association TFC était dans le gouffre financier je me suis dit qu’il fallait qu’on essaie de sauver les gamins car c’est l’âme d’un club. »D’où le montage de l’éphémère association Jeunesse Tours Foot qui a assuré des entraînements jusqu’à la fin de saison, avant l’entrée en fonction officielle de l’UFT.

Si ce plan d’urgence a pu voir le jour c’est parce que Basile Riboud était déjà en embuscade. Cela faisait déjà une bonne année qu’il scrutait de près les circonvolutions footballistiques de l’agglomération tourangelle. Le positif comme l’ubuesque « Sous mon bonnet, je regardais. J’étais ravi de voir la dernière épopée du Tours FC en Coupe de France. Mais à côté il y avait les joueurs et fournisseurs non payés, les équipements manquants… Je me suis dit essayons une dernière solution qui est de s’accorder, se ranger derrière un projet. »

Mais pourquoi lui, fils de l’ancien PDG du groupe Danone, qui n’est pas originaire de Tours ? « Quand on connait un peu mon parcours personnel on comprend mieux » répond-il avant de détailler : « Quand j’étais petit, j’ai joué au foot au centre de préformation du PSG puis au centre de formation de la Berrichonne de Châteauroux. A 14 ans j’étais avec les fédéraux, à 18 ans avec les nationaux puis en équipe réserve. » Suit un départ vers les Etats-Unis avant une fin de carrière avortée : « Mon niveau ne m’a pas permis d’atteindre mes rêves, mais je suis en paix avec ça » philosophe-t-il.

Aujourd’hui, Basile Riboud ne joue plus que pour le plaisir mais il ne s’est jamais vraiment écarté de la galaxie du foot. Ainsi, il a suivi de près l’aventure de sa famille avec le club d’Evian Thonon Gaillard, sauvé de la disparition in-extrémis, dans un scénario qui fait écho à ce qu’on a vécu à Tours. « C’était ni plus ni moins que 300 gamins d’un coup qui allaient perdre leur club de foot. » Et déjà à l’époque, la fusion des entités est vue comme une solution :

« En quelques années ils sont passés de la 5e division à la finale de la Coupe de France avec des bienfaits sur le territoire parce qu’il y a tout un écosystème autour du foot. Pourtant, on était sur un territoire où les amateurs de reblochon et de beaufort se tapent sur la gueule, où il y a une rivalité entre Evian et Thonon qui sont rivales. Alors quand ici on me parle de guerre de clochers, ça se respecte mais c’est bien plus artificiel. »

Le fondateur de l’Union Foot de Touraine veut donc miser sur les talents locaux et l’aura naturelle du foot pour relancer une machine trop longtemps grippée. « Depuis que j’ai 12 ans je sais que Tours est une terre de foot » se souvient-il, synthétisant les déboires récents par la formule « une anomalie malheureuse » en opposition aux « anomalies heureuses » de ces villes moyennes que le foot porte comme Châteauroux, Auxerre, Guingamp… mais aussi Montlouis et le FCOT « des miracles permanents » à leur échelle selon lui.

Et si aujourd’hui Evian Thonon Gaillard a perdu de sa superbe après un malheureux changement de propriétaire, Basile Riboud conserve le souvenir des années fastes du club savoyard comme un cap à viser en y ajoutant les spécificités tourangelles. « A temps plein sur ce projet » il confie y avoir investi beaucoup d’argent mais refuse de donner un chiffre, concédant juste que l’apport s’est fait sans dette, donc avec ses fonds propres auxquels s’ajoutent les subventions publiques et les soutiens de partenaires (une cinquantaine pour le moment, « pas autant qu’escompté mais le tissu économique répond bien »).

L’homme ne le cache pas, l’objectif est de déployer des moyens pour atteindre au moins le 3e échelon du foot français, soit l’actuel championnat de National – amené à être renommé Ligue 3 ce qui le ferait entrer dans le giron professionnel. « Pour ça il faut monter deux fois. Au mieux ça se fait en deux ans, au pire en un siècle. On est lucides : c’est du sport avec son lot d’incertitudes que l’on travaille à réduire » professe l’investisseur qui annonce cette année un budget compris « entre 1 et 1,5 million d’euros » avec un effectif solide lui assurant le statut d’équipe à battre dans sa poule, et des recrutements marquants comme Olivier Pickeu au poste de manager général, un ancien joueur passé un an à Tours mais surtout connu pour ses succès avec les clubs pro de Caen et Angers.

Avec de telles recrues, on sait qu’une forte part de l’enveloppe financière part dans les salaires. Mais même en insistant, impossible d’obtenir des données. « Olivier Pickeu pourrait gagner beaucoup plus ailleurs. Il vient pour d’autres raisons qu’économiques, avant tout car il a une histoire d’amour avec ce coin de France. Il se dit qu’il y a une histoire formidable à écrire, que Tours en N3 c’est une anomalie et que le club n’est pas voué à y rester » théorise Basile Riboud satisfait que cette arrivée « crédibilise » l’ensemble du projet.

Au-delà, l’historique du FCOT – qui a fusionné avec les instances de Tours et Joué pour créer l’UFT – compte aussi énormément. « C’est un club sain dans sa gestion avec des résultats exceptionnels mais qui avait besoin de nouvelles armes pour évoluer car il ne pouvait pas le faire seul » indique Basile Riboud. Et même si, dans quelques semaines, l’équipe première doit déménager du complexe ballanais de La Haye pour faire revivre le Stade de la Vallée du Cher de Tours, pas question d’oublier le point de départ : il y aura toujours des matchs premium à l’ouest de l’agglo, ou une mise en avant des autres équipes à la Vallée du Cher comme les féminines ou les groupes engagés en Coupe Gambardella.

« Il y a des objectifs sportifs mais il y en a aussi sur les jeunes, le pôle féminin avec 200 joueuses pour lequel on va se battre ou le foot adapté avec une cinquantaine de licenciés que l’on veut développer à fond pour en faire une référence en France » nous annonce Basile Riboud revendiquant déjà d’être la première formation footballistique d’Indre-et-Loire avec 850 personnes engagées. De quoi créer « un projet sociétal avec un rôle de prescripteur, mettant des choses en place pour l’éducation à la citoyenneté, sur la prévention santé ou autour de la transition écologique. Des idées on en a à la pelle. On dit souvent que l’équipe première masculine doit tirer tout le monde eh bien je veux l’inverse : que la pyramide ait une base solide qui pousse l’équipe 1 vers le haut. Dans 10 ans, on pourra peut-être bâtir une équipe avec tous les talents du coin. »

Pour parvenir à ses fins, le cofondateur de l’UFT a manœuvré intelligemment : pas de grandes déclarations grandiloquentes, un respect de tous les territoires avec le maintien de l’ensemble des installations (« Hors de question que les 6-12 ans se mettent à faire 20 minutes de voiture pour aller à leur entraînement »), des contacts nourris sans communication dégoulinante, de bonnes relations nouées avec toutes les instances publiques, des compliments aux équipes de jardiniers de la ville de Tours plutôt que des piques à la mairie sur le fait que le terrain d’honneur de la Vallée du Cher et les terrains d’entraînement voisins mettent du temps à retrouver un aspect optimal… De la câlinothérapie qui semble porter ses fruits.

« Bien sûr il y a des gens anti, d’autres qui attendent pour voir ou qui sont dans le deuil des histoires passées. On nous attend sur l’école de foot, la logistique… Il y en aura toujours pour dire qu’on aurait pu mieux faire et on vivra des jours plus sombres mais je vois aussi des sceptiques qui deviennent curieux, des curieux qui deviennent enthousiastes et des enthousiastes qui deviennent supporters » déclare Basile Riboud conscient que « les promesses tenues feront les choses », donc qu’il faudra du temps avant de redorer durablement l’image du foot dans l’agglomération mais déterminé à y parvenir. Ses rêves de gloire sont toujours là.

Propos recueillis par Mathieu Giua et Olivier Collet

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