Et si le principal atout de rayonnement de la ville de Tours était la santé ? Pionnière dans le développement du vaccin contre l’hépatite B, la ville pourrait prochainement réussir un nouveau coup de force grâce au projet de la start-up médicale Lovaltech. L’entreprise de 8 salariés vient d’obtenir l’autorisation de débuter les essais humains de son vaccin contre le Covid par spray nasal. Si le test est concluant, il pourrait avoir des conséquences mondiales sur le traitement de plusieurs maladies.
Des prises de paroles multiples, une forêt de kakémonos publicitaires et la citation d’acronymes en tous genres. Ce vendredi 14 mars, le CHU de Tours accueillait un moment protocolaire important en présence de sa directrice Floriane Rivière, de médecins, du sous-préfet Guillaume Saint-Cricq, du président de l’Université de Tours Philippe Roingeard ou encore de la région Centre-Val de Loire. Le rendez-vous avait pour but d’officialiser publiquement l’autorisation de débuter les essais cliniques sur l’homme du vaccin par voie nasale anti-Covid Mucoboost développé par la société tourangelle Lovaltech.
Attribué administrativement le 27 janvier dernier par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament, le sésame est une étape capitale dans le processus de création de ce nouveau type de traitement préventif contre le coronavirus Sars-Cov 2 apparu en Chine fin 2019 avant de causer une pandémie mondiale obligeant de nombreux Etats à décréter un confinement de leur population pendant de longues semaines à la fin de l’hiver 2020.
« C’est une victoire » commente sans ambiguïté la docteure tourangelle spécialiste de la vaccination Zoha Maakaroun-Vermesse. La preuve que les tests sur les souris et les hamsters ont non seulement prouvé que le produit était efficace pour empêcher de développer des formes graves de la maladie… mais aussi qu’il était capable d’en bloquer la transmission. Or, aujourd’hui, les vaccins anti-Covid sur modèle intramusculaire n’ont pas cette faculté.
A partir de fin avril, 36 adultes volontaires vont donc tester ce vaccin novateur. Une partie depuis le centre d’exploration clinique du CHU de Tours et un autre groupe qui sera suivi par l’hôpital Cochin à Paris. Tous devront être en bonne santé, et âgés de 55 ans maximum. L’objectif de cette première phase expérimentale sera de déterminer la réaction du corps humain au produit (soit l’éventuelle présence d’effets secondaires), l’efficacité de la protection et la dose nécessaire pour avoir une efficacité optimale. Ensuite, en 2026, une 2e phase devrait concerner 202 patients à Tours et dans 4 autres villes de France.
Si le processus est validé, le vaccin nasal anti-Covid pourrait être mis sur le marché à l’horizon 2027-2028. D’ici là, Lovaltech devra trouver un laboratoire intéressé pour en racheter la formule et assurer sa mise sur le marché. La startup disposant actuellement de 8 salariés touchera ensuite « des royalties » sur les ventes comme l’explique son fondateur, Patrick Barillot qui voit déjà plus loin. Dans l’absolu, on pourrait imaginer des vaccins par spray pour différentes maladies respiratoires, « comme la grippe ou la bronchiolite », « c’est là tout l’intérêt » résume la directrice du CHU Floriane Rivière.
« Cela nous permet de penser la vaccination autrement » confirme Patrick Barillot qui travaille sur le sujet depuis 3 ans et ambitionne de faire de son entreprise « un acteur innovant de la santé ». Clairement, un éventuel succès du Mucoboost permet d’envisager, à terme, une supplantation des vaccins à seringue ce qui aurait trois avantages : réduire les risques de contagion, vacciner plus facilement les phobiques de la piqûre (notamment les enfants) et fournir des vaccins qu’on n’a pas forcément besoin de garder au frais, donc qui peuvent facilement s’exporter dans des pays aux températures élevées comme ceux du continent africain.
Des perspectives qui restent encore au stade d’hypothèses, tant le chemin est long pour développer ce type de produit médical. Le fondateur de Lovaltech a d’ailleurs pris soin de préciser que « la vie industrielle et réglementaire n’est pas un long fleuve tranquille » tandis qu’en face on saluait la « pugnacité » de sa société pour avoir réussi à slalomer entre les différents obstacles depuis l’amorce du processus il y a 3 ans.
La question de son coût final entrera aussi dans l’équation pour un éventuel succès et pour savoir si Tours réussit un coup de maître mondial dans le traitement des maladies infectieuses, un peu plus de 50 ans après les découvertes de Philippe Maupas sur l’hépatite B. Une potentielle avancée majeure qui a nécessité pour l’instant 17 millions d’€ d’investissements, une somme pas encore totalement utilisée. Un budget dans la moyenne pour ce type de projet. Et finalement pas si élevé quand on le compare aux coûts que peuvent atteindre des projets d’investissements publics pour des bâtiments ou des infrastructures. Ainsi, un vaccin par spray nasal c’est l’équivalent de 2 écoles neuves et moins cher qu’un seul kilomètre de tramway.








