Ce jeudi 5 décembre à 10h, le 28e magasin français de l’enseigne low-cost Primark a officiellement ouvert ses portes au public à Tours. Plus de 1 200 personnes étaient à L’Heure Tranquille dès la première heure pour découvrir les lieux. Comment un magasin de vêtements et de déco peut attirer autant de monde dès son inauguration ? Reportage.
Avant l’ouverture des portes du magasin programmée à 10h, on comptait déjà 300 personnes qui attendaient dans le froid. Beaucoup de jeunes mais aussi des parents avec enfants ou des personnes plus âgées. Tous et toutes patientes avec leur cabas distribués au préalable par les employés de Primark. Et une hâte : se ruer sur les 8 000 références de vêtements (homme, femme et enfants), de maquillage ou encore de décoration qui composent le magasin.
10h. C’est le moment. Sur la musique festive d’un DJ set organisé spécialement pour l’événement, les premiers curieux passent les portes avec un grand sourire. Certains avancent même en filmant avec leur téléphone pour marquer l’instant. Les premiers clients attendaient depuis 8h30, signe que ce moment était attendu.
C’est le cas de Eleanor et Ilana, en première position dans la file : ”On est venues dès le premier jour parce qu’on sait qu’ils ont très rapidement des ruptures de stocks sur certains produits.” Avant que Primark débarque à Tours, les deux jeunes femmes allaient jusqu’à Angers voire Paris pour acheter dans le magasin. Car oui, l’enseigne ne propose aucun système de livraison, ni même de “click & collect”. Seul un site vitrine classique est accessible.
“Si j’avais eu le temps j’aurais fait des gâteaux traditionnels pour les remercier d’ouvrir” glisse une cliente le sourire aux lèvres. Auparavant, elle allait à Paris. Maintenant, elle compte venir “tous les 2-3 mois, surtout pour les enfants”.
Premier magasin du genre implanté dans la région Centre-Val de Loire, Primark compte aujourd’hui 28 points de vente sur le territoire national. Plus de 330 en Europe et aux Etats-Unis. D’ailleurs, Tours fait partie des 4 villes à accueillir le même jour un nouveau Primark, avec New-York, Madrid et Londres.
Il n’y a pas débat, l’empire Primark ne fait que s’étendre au fur et à mesure des années. Selon le site Statista.fr, hors Covid, le chiffre d’affaires n’a cessé d’augmenter en 15 ans. En 2007, il était de 1,6 milliard de livres sterling (l’équivalent de 2,3 milliards d’euros à l’époque). En 2023, il est passé à 10 milliards d’euros.
Quartier des Deux Lions : un placement stratégique
Pour Primark, le choix de localisation de ses magasins est loin d’être le fruit du hasard. Tout est pensé pour que chaque établissement attire le maximum de clients potentiels. “Comme on propose des produits à très bas prix, on fait des petites marges donc on est en quelque sorte obligé de choisir des lieux stratégiques pour nos commerces”, explique Christine Loisy, Directrice Générale de Primark France.
Pour choisir le lieu idéal, plusieurs critères : que la ville d’accueil compte plus de 150 000 habitants (135 000 à Tours mais 300 000 dans l’agglo) ; cette dernière doit également être parfaitement desservie en matière de transport. Tramway, parking, autoroute… tout doit être là pour rendre le lieu de commerce le plus accessible possible.
Par rapport à ses homologues d’autres villes, Primark Tours est un petit magasin. D’une superficie de 2 700 m2, il se positionne en dessous de la moyenne nationale qui est de 3 500 m2. Et il est bien derrière Primark Créteil (en région parisienne) qui mesure plus de 8 000 m2, le plus grand en France.
Il a fallu quasiment 6 ans et 11 millions d’euros d’investissements pour que l’enseigne ouvre officiellement ses portes aux Deux Lions, permettant la création de 100 emplois en CDI. 80 des 100 salariés étaient précédemment au chômage ou occupent ici leur tout premier emploi. 13 sont en situation de handicap.
Une offre à bas prix et populaire
Une équipe qui a accueilli la foule en formant une haie d’honneur, avec cris et petits drapeaux arborant le logo de la marque. Parmi les clients, certains prennent tranquillement leur temps pour découvrir les rayonnages, d’autres donnent l’impression d’une course contre la montre. On a pu voir, par exemple, un couple se jeter sur le rayon de produits dérivés de la licence Hello Kitty pour remplir deux sacs entiers (soit presque 4 kilos de marchandise). “On veut tout !” s’exclament-ils en ramassant des articles à terre.
A quelques pas, une dame remplissait son panier de gourdes en plastique à l’effigie de Stitch, un des personnages emblématiques de la licence Disney. “Ma soeur est dans la queue plus loin. Je les prends pour elle et je les reposerai si nécessaire.”
C’est aussi pour cela que Primark attire sa clientèle. Une très grande partie de ses produits est dérivée de licences très appréciées dans la culture populaire. Sweat-shirt à l’effigie des Lakers, pyjama Le Roi Lion, chaussons avec la tête du Grinch,… il y en a pour tous les goûts et tous les styles.
Les personnes avec un faible revenu sont le cœur de cible de Primark. Dans ses rayonnages de vêtements à prix bas, la moitié contiennent des produits décrits comme “basiques” selon Christine Loisy : “Ce sont des pièces qui demandent des patrons très simples et très peu de travail de couture et c’est en partie pour cela qu’ils sont à bas prix.”
Ces vêtements ne coûtent pas cher aussi parce que le magasin sous-traite à des entreprises de fabrication dans des pays d’Asie du Sud comme le Bangladesh ou encore l’Inde. Pour chaque collection (élaborée un an avant la mise en vente), l’enseigne partage ses partenaires avec d’autres chaînes de fast-fashion mais adopte une stratégie bien spécifique pour réduire encore plus le coût de fabrication : “Nous nous basons sur le calendrier de production de ces entreprises et nous faisons fabriquer nos produits lors des périodes creuses.” Pour plus d’économies, le transport des marchandises se fait par bateau. Un moyen moins polluant que l’avion mais qui reste loin d’être écologique.
Les prix bas attirent une clientèle fidèle, qui préfère largement payer moins cher malgré des produits de plus ou moins bonne qualité. Une observation qui se manifeste d’autant plus aujourd’hui avec la baisse du pouvoir d’achat des Français : « Quand les allocations familiales tombent, on sait que des gens vont venir au magasin le lendemain » explique Alexandra Wagner, responsable de la communication de Primark France.
Proposer une offre adaptée aux personnes ayant des revenus modestes, c’est aussi le crédo de la municipalité qui a bataillé aux côtés de L’Heure Tranquille pour faire venir Primark à Tours, plutôt qu’à Orléans, également candidate. Et tant pis si son modèle ne colle pas vraiment à l’image qu’on se fait d’une ville écologiste. S’il a évoqué le sujet dans son discours d’inauguration, l’adjoint au maire Iman Manzari, en charge du commerce, l’a fait avec des mots polis.
“Beaucoup d’enseignes d’habillement sont sur le même sujet. Notre rôle c’est de travailler avec elles” nous dit l’élu en aparté, revenant sur “les heures et les heures” de réunion avec l’équipe Primark pour obtenir de sa part des engagements sur l’amélioration de son bilan environnemental. Mais pourquoi les Irlandais écouteraient-ils la ville de Tours ? “Ce n’est pas que moi qui leur dit. Les clients aussi sont en attente de davantage de responsabilité” répond-il en espérant que les promesses, comme l’animation d’ateliers réparation ouverts à tous, ne seront pas du simple Greenwashing.
Au-delà, l’arrivée de Primark est surtout vue comme une locomotive pour d’autres enseignes, comme peut l’être la Fnac pour la Galerie Nationale, Nike à Ma Petite Madeleine ou Pandora aux Atlantes.
Ainsi, à L’Heure Tranquille, on espère bénéficier d’un report dans les autres boutiques, dont plusieurs distribuaient des flyers promotionnels dans la file d’attente. En préparation, la direction avait également pris soin de rénover les abords de sa fontaine, et annonce encore d’autres aménagements d’ici le printemps 2025. Avec l’espoir qu’on arrête de blaguer sur “L’Heure Tranquille, vraiment tranquille” alors qu’elle revendique pourtant déjà 4 millions de visiteurs par an.
Audrey Lecomte & Olivier Collet