Bizutages et violences sexuelles à la fac de médecine de Tours : la direction de l’Université a-t-elle failli ?

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Ce lundi 24 mars, le président de l’Université de Tours présentait les conclusions d’un rapport concernant les dérapages lors de soirées étudiantes à la fac de médecine. Ce travail faisait suite à la polémique de l’automne 2024 : le déploiement d’une banderole glorifiant le viol sous GHB lors d’une soirée de l’association des Carabins de Tours. Cette affaire très relayée suivait celle des accusations d’agressions sexuelles contre un ancien étudiant de l’Université jugé et condamné pour des actes envers des camarades entre 2017 et 2020. Aujourd’hui, il apparait clairement que tout cela n’était que « la partie émergée d’un iceberg ». Mais pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps pour s’en rendre compte ?

Des abus d’alcool « au-delà de ce qu’on pouvait imaginer », des collectes de dons encouragées avec des spectacles de strip tease, des inscriptions sexistes dans les locaux associatifs et possiblement des rapports sexuels oraux non consentis, assimilables à des viols… Voici ce qui ressort du rapport commandé par l’Université de Tours après l’affaire dite « de la banderole » à l’automne 2024. Au moins 4 soirées problématiques ont été identifiées sur une période d’un an entre octobre 2023 et fin 2024.

« Malgré un discours de façade bien rodé sur la prévention du bizutage, l’Association des Carabins de Tours a couvert des pratiques délictuelles à répétition » commente le président de l’Université de Tours Philippe Roingeard qui a convoqué une conférence de presse au ton grave sur le site du Plat d’Etain à Tours-Centre. Selon lui, l’enquête menée ces derniers mois a permis d’identifier une vingtaine d’étudiantes et d’étudiants qui auraient organisé des soirées à problèmes en médecine. Il s’agirait d’élèves de 3e et 4e année, qui n’ont donc pas encore commencé à exercer à l’hôpital ou en cabinet médical.

Face à l’ampleur du phénomène, l’Université annonce une série de réactions : interdiction des galas jusqu’à nouvel ordre en médecine, contrôle renforcé des locaux associatifs et des soirées étudiantes, y compris avec le recours des forces de l’ordre. En médecine, les subventions et l’accès aux locaux sont suspendus pour toutes les associations, à l’exception de deux structures dédiées au tutorat. Il faudra des engagements fermes de lutte contre le bizutage et les violences sexistes et sexuelles pour les récupérer, cela incluant signature de charte et formation obligatoire.

« Les étudiants nous ont menti » déplore Philippe Roingeard qui doit gérer ce dossier sensible alors qu’il vient tout juste de prendre ses fonctions à la tête de l’Université. Les faits incriminés se sont déroulés avant son élection mais « je prends toute ma part de responsabilité » dit-il devant les médias.

Justement, on se demande comment de tels faits ont pu se dérouler de manière répétée sans alerter plus que ça. « Il y a sans doute eu une dérive progressive » analyse Philippe Roingeard. « Le rapport constate la mobilisation de l’Université en matière de prévention mais estime qu’il faut renforcer ces actions car il y a un décalage avec la réalité du terrain. On doit engager des résolutions plus fortes pour mettre fin à ces pratiques illégales. C’est impératif et urgent » détaille-t-il, admettant par exemple que la direction aurait dû organiser des visites inopinées dans les locaux d’associations (ce qu’elle fera « dans les prochaines semaines »).

Pour éviter que ça se reproduise, des questionnaires anonymes seront désormais envoyés après les soirées étudiantes, afin de recueillir d’éventuels témoignages. En cas de soirée clandestine, une commission de discipline sera automatiquement saisie. Les signalements au procureur seront systématisés. Les campagnes de prévention seront multipliées.

Cet arsenal de mesures apparait aujourd’hui essentiel alors qu’il y a en moyenne une centaine de soirées d’intégration ou galas étudiants par an dans le cadre universitaire (des chiffres communiqués par le Service de Santé Etudiant qui peut aider à la mise en place d’un service de sécurité, fournir des kits de prévention avec éthylotests et préservatifs ou donner jusqu’à 2 500€ de subvention pour la mise en place de navettes par exemple).

A l’avenir, il faut donc s’attendre à une vigilance plus stricte en amont et en aval des événements, tout en faisant en sorte de conserver une certaine souplesse pour éviter que les choses ne se fassent en dehors de tout cadre universitaire, échappant ainsi à toute supervision. « C’est le risque » reconnait Philippe Roingeard. Mais la direction doit aussi, sans doute, revoir profondément son système d’alerte car c’est la 2e fois en quelques années qu’elle est prise en défaut.

Ainsi, en mai 2022, la précédente équipe dirigeante réagissait à l’affaire Nicolas W. s’exprimant en ces termes après un rapport gouvernemental : « Malheureusement, un enchaînement de « maladresses » et d’« incompréhensions » – selon les termes du rapport – a conduit à cette situation. L’équipe présidentielle comprend l’affliction et le désarroi des victimes, de leurs proches et de toute la communauté universitaire ». Elle promettait alors un protocole revu et corrigé pour davantage de réactivité et d’efficacité lors de problèmes de ce genre avec par exemple des formations du personnel. 3 ans plus tard, a-t-on avancé ? C’est peut-être ce que l’enquête administrative demandée par le nouveau président va devoir se demander en remontant le temps et les éventuelles erreurs.

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