Finir six pieds sous terre, c’est le destin immuable. Et avant le repos éternel, nous passons toutes et tous entre les mains de thanatopracteurs, pour que les proches puissent se recueillir et commencer leur deuil avec une dernière image apaisée. Parmi les professionnels aguerris de la mise en scène de votre dernière apparition, il y a Léa, 36 ans, thanatopracteur en Indre et Loire. Un métier plutôt rare puisqu’on en compte seulement 4 sur le département.

Sous un soleil estival, elle arrive, sourire aux lèvres, manteau jaune pétant, elle n’a rien d’un croque-mort. Les deux grands cartables noirs qu’elle traîne ne permettent pas d’en deviner plus sur son métier. Ce n’est qu’une fois arrivé dans son “bureau” que l’on comprend : grands carreaux blancs, ambiance clinique, température contrôlée, et sur le côté, une grande armoire froide, métallique, qui renferment les corps sur lesquels elle va porter attention ce matin. On se croirait dans une scène de la série “Six Feet Under”

Avant d’ouvrir le casier où sa première patiente l’attend, elle lit attentivement les consignes précises données par la famille : maquillage, coiffure, vêtement : chaque détail est important. Lecture faite, le travail commence, Léa ouvre alors la chambre froide ou 7 corps reposent ce matin là. Si certaines personnes se sentiraient mal à l’aise, ce n’est pas le cas de Léa “je n’ai pas de mal à être détachée par rapport aux défunts, alors que je suis très en empathie avec les vivants.” C’est donc sans émotion mais avec attention qu’elle examine la charmante vieille dame dont elle va s’occuper, passée à trépas il y a quelques jours.
La nature réservant le même sort à chacun, on voit déjà les stigmates de la mort. Léa commence alors son office : d’abord, elle injecte du Formaldéhyde, un produit de conservation pour retarder la décomposition du corps. Le produit se répand dans l’organisme, aidé par le massage de Léa, les tissus retrouvent les couleurs de la vie en quelques minutes.

Ainsi, elle vide le maximum de fluides du défunt, retardant ainsi sa décomposition. Ensuite, Léa vérifie également la présence de pacemakers, qui peuvent être dangereux lors des crémations. Puis viennent les soins qui impressionneront beaucoup d’entre nous : sans vie, les muscles sont relâchés, il faut donc “mêcher” le nez et la bouche, notamment.



Si l’opération peut sembler surprenante, l’introduction de coton dans les orifices évite que des fluides s’échappent au moment inopportun. Elle place également de discrètes lentilles, qui vont préserver le volume bombé de l’œil. Dernière opération, Léa réalise un “point de bouche” pour maintenir la mâchoire fermée, précaution esthétique évidente, mais également pour éviter toute transmission de bactérie aux proches qui viendront rendre leur dernier hommage.
Si certains aspects de la tâche ne sont pas très séduisants, ces soins sont essentiels d’un point de vue médical et sociétal. “Ce métier c’est aussi dans les odeurs et toutes choses désagréables que l’on peut imaginer” note Léa, concentrée sur sa patiente du jour.

Ainsi est le travail d’un thanatopracteur, se maintenir sur un fil, entre les exigences sanitaires, le geste médical qui peut impressionner et l’esthétique exigée pour que le corps soit présenté.
A chaque étape, Léa manipule le corps pour pouvoir travailler. Une activité qui peut être fatigante : “On manipule environ 75 défunts par mois, des corps de 30 à 130 kg, donc la première chose pour un thanato, c’est d’avoir un bon kiné !”
Vient enfin l’ultime étape : la toilette et la préparation de la défunte. Chaque détail compte, et Léa prête un soin particulier à respecter les consignes de la famille : elle habille délicatement la tenue préférée de la défunte, la maquille, la coiffe, pour une dernière mise en beauté. Cette mignonne petite mamie, qui fut jeune femme, mère, puis grand-mère durant les neuf décennies de son existence, s’en va sous ses plus beaux atours. “C’est très important pour les familles, ils veulent la voir aussi belle que quand elle était en vie. Ayant moi-même préparé les corps de ma grand-mère et de mon père, je mesure l’importance de mes gestes” confie Léa.

Suivant les cultures et les goûts, Léa habille les gens selon leurs désirs : “Quand c’est un Saari indien, je m’aide de Youtube pour le nouer, quelquefois c’est un motard qui veut partir avec son casque sur la tête. Quelquefois ce n’est pas facile, quand un militaire veut partir dans l’uniforme de ses 20 ans, ou qu’une personne souhaite être enterrée dans sa tenue de mariage.” Quelque soit les demandes, Léa fait en sorte que ses clients soient les plus beaux possible.
Ainsi ses proches pourront se recueillir auprès d’elle dans les meilleures conditions. Cette dernière représentation est essentielle : c’est la dernière image que l’on garde du proche décédé, le dernier à celui ou celle que vous avez connu des décennies durant. “On aide les proches à dire au revoir dans de bonnes conditions” note avec fierté Léa.