Basé à La Chapelle-aux-Naux, près de Langeais, le centre équestre Touraine Cheval est dirigé par Jessica Londe. A 36 ans, cette cheffe d’entreprise s’occupe d’un domaine sans box, où les animaux passent donc leur temps au grand air. Avec 14 ans d’expérience, la Tourangelle souhaite aujourd’hui mettre l’accent sur le partage de ses compétences. Elle le fait de deux manières : l’accueil de jeunes en formation, et la publication d’un livre baptisé Tu as le droit d’être ambitieuse sorti le 7 janvier 2025.
Qu’est-ce qui vous a encouragée à écrire un tel ouvrage ?
Ça fait 14 ans que j’accompagne des milliers de femmes au centre équestre. A force de discuter, je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas forcément de lieux pensés par des femmes pour des femmes afin de discuter de ces sujets. De plus, en 2022, j’ai fait une fausse couche lors d’un parcours de fécondation in vitro. J’ai alors eu la chance d’avoir une personne, Sandrine, qui m’a pris au téléphone et m’a dit : « Moi aussi ça m’est arrivé, ça va aller, par contre je te conseille de faire ça, ça, ou ça ». J’ai alors constaté que beaucoup de femmes ne pouvaient parler de leurs difficultés, se sentaient seules. Je voulais leur dire qu’elles n’étaient pas seules, qu’elles avaient le droit de réaliser leurs rêves et le droit de parler de leurs difficultés.
Que contient ce livre ?
On y trouve tous les conseils que j’ai appris au fil du temps, et le témoignage de 27 femmes qui racontent leurs parcours. C’est pour dire qu’il n’y a pas qu’un seul modèle. Je détaille également la vie de femmes marquantes comme Rosa Parks, Michelle Obama ou JK Rowling. C’est un mélange de différentes expériences de vie, avec notre sensibilité féminine.
Ça veut dire quoi pour vous être ambitieuse ?
Avoir des rêves et avoir le droit de les réaliser pour mener la vie que l’on a décidée. Si l’ambition est d’aller élever des chèvres dans le Larzac, c’est magnifique. Si c’est de dire « je t’aime » à son père, c’est pareil. Ou d’être riche et célèbre. Peu importe. Chaque femme a le droit de vivre la vie qu’elle veut. J’ai beaucoup de femmes qui viennent me voir et disent qu’elles ne savent pas à qui parler de leurs victoires de peur de créer des jalousies. Et puis la pression d’être une femme parfaite, une mère parfaite, une épouse parfaite, une professionnelle parfaite. Il faut s’enlever cette pression qu’on se met parfois à nous-mêmes.
Alors ça y est vous n’avez plus de pression ?
Il y en a toujours, mais moins qu’avant. Et dans dix ans j’en aurais sans doute encore moins. C’est le chemin qui est intéressant. Pour ma part j’ai toujours des rêves à réaliser.
Est-ce que ça veut dire que quand on est ambitieuse on n’est jamais complètement satisfaite ?
Pas du tout. Justement le but est d’apprécier le chemin. Pendant des années j’attendais de réaliser mon rêve pour être heureuse. J’ai appris ça aussi : c’est pendant qu’on est en train d’avancer qu’il faut savourer les réussites, les rencontres, les échecs aussi. Sur le coup c’est difficile mais on se rend compte après à quel point ça nous a aidés. Ils nous permettent de changer notre façon de faire et d’évoluer vers une meilleure version de nous-mêmes.
Un exemple, pour vous ?
Quand j’ai créé mon entreprise, ça fonctionnait bien mais pendant plusieurs années je ne me suis pas versée de salaire. Ça m’a permis d’apprendre que j’avais des croyances sur l’argent et que j’avais le droit d’avoir et un métier qui me passionne, et d’aider mes clients, et de gagner ma vie.
Votre activité est d’ailleurs très tournée vers la transmission… Vous avez ainsi l’habitude d’accueillir des stagiaires dès la 3e. Alors que beaucoup d’entreprises refusent de les prendre…
On a même des jeunes qui demandent des conventions avant la 3e pour passer quelques jours au centre pendant les vacances scolaires. C’est tellement enrichissant d’avoir des jeunes avec nous. Bien sûr ça prend du temps, bien sûr il faut un membre de l’équipe qui s’en occupe. Mais chaque stagiaire vient avec sa personnalité, ses questionnements… Ça nous permet de rester tout le temps en mouvement. D’apporter une vague d’air frais dans la société. Nous on transmet ce qu’on fait, on leur montre la réalité du terrain face au fantasme, et nous, à chaque question, ça remet en cause ce qu’on fait. De voir si on le fait pour une bonne raison ou d’évoluer.

Ça arrive que des remarques vous fassent évoluer ?
Oui. L’année dernière un élève étudiant graphisme nous a suggéré une nouvelle présentation de nos supports. Ou une assistante manager qui nous a proposé une nouvelle gestion administrative. Ça a été super. Parfois des jeunes de 3e nous disent « Pourquoi vous ne faites pas comme ça ? Car dans mon sport c’est ce qu’on fait ». Ils ne sont pas juste là pour observer ce qui serait triste. Pour autant ils ne sont jamais seuls.
Faites-vous face à des préjugés de la part des stagiaires que vous recevez ?
Tout le temps. Même les jeunes qui font de l’équitation et ont conscience que ce stage ce n’est pas pour caresser des chevaux toute la journée ne s’attendent pas à la réalité. Ce qui les choque c’est de marcher beaucoup. Qu’il faut toujours sourire avec le public. Être calme et maîtriser ses émotions face aux chevaux. On leur explique qu’on travaille avec du vivant. On ne range pas le cheval à 18h et on verra demain matin. Une fois j’ai emmené un cheval chez la vétérinaire à 18h. Et j’explique à la stagiaire de 3e que je peux en avoir pour la nuit. Elle me demande à quelle heure on commence le lendemain, car j’aurais sans doute envie d’une grasse mat’. Bah non. Comme une maman qui a des enfants. C’est le métier. Parfois on fait des nuits blanches.
Qu’est-ce que vous retenez depuis le début de votre carrière ?
J’ai grandi. On a appris de chacun : les chevaux, les cavaliers, les collègues, les stagiaires…
Crédit photos : Touraine Cheval
Un degré en plus :
Le livre Tu as le droit d’être ambitieuse de Jessica Londe est disponible en librairie sur commande, ou par Internet au prix de 19€90.