En ce mois de mars 2025 on entre dans la dernière année du mandat de maire d’Emmanuel Denis. Et sans surprise, la campagne a déjà commencé pour lui succéder. A droite, les candidats potentiels Christophe Bouchet, Benoist Pierre et Olivier Lebreton affutent leurs arguments pour tenter de prendre la tête de la principale liste d’opposition. Une bataille qui s’étale dans les médias et sur les réseaux sociaux, obligeant la gauche à réagir pour ne pas laisser trop d’espace disponible à ses adversaires.
Emmanuel Denis n’a pas encore dit officiellement s’il voulait se présenter pour un second mandat à la tête de la ville de Tours mais, parmi ses alliés, personne ne lui conteste la légitimité. Cependant, les différentes composantes de la majorité s’activent pour préparer un terrain favorable au maintien du pouvoir et, au passage, montrer leurs muscules pour avoir les meilleures places au moment de la constitution de la liste ou la répartition des postes clés en cas de victoire.
« Quoi qu’il arrive c’est acté qu’on trouvera les solutions pour s’unir » commente Bertrand Renaud, actuel adjoint au maire en charge de Tours-Nord, et responsable local de La France Insoumise. Son parti est « le premier » à gauche à avoir lancé sa campagne avec l’annonce d’une consultation des électrices et électeurs. « On voulait retourner sur le terrain pour voir quelles sont leurs attentes » décrit l’élu qui annonce une présence sur les marchés, les sorties d’écoles ainsi que les sites et places emblématiques de la ville. L’adaptation locale d’une démarche nationale.
Le Parti Socialiste de Tours a également lancé une « grande consultation citoyenne » par Internet courant février. En 3 semaines, près de 200 personnes y avaient participé. « Cela fait trop longtemps qu’on avait laissé le terrain des idées à l’extrême droite » commente le responsable départemental Franck Gagnaire, également adjoint au maire d’Emmanuel Denis. Et n’allez pas lui parler de doublon avec la démarche d’LFI ou de guerre de clochers pré-électorale : « C’est une démarche ouverte, une étape de projection dans l’union » assure-t-il.
Bertrand Renaud ne dit pas autre chose : « Cela permet l’expression de toutes les sensibilités et cela permet de former les gens de nos partis. » Un moyen aussi de recentrer le débat sur les idées, assure Franck Gagnaire, en opposition « aux élus qui parlent comme des comptes Twitter ». « On ne construira pas la ville de demain sans idées nouvelles » glisse encore le responsable socialiste. « Ce serait orgueilleux de dire que, parce qu’on est aux responsabilités, on connait les priorités des Tourangeaux. Se confronter aux gens est le meilleur moyen de briser un peu ses certitudes » souligne-t-on à La France Insoumise.
Deux discours philosophiquement proches, confirmant la grande probabilité d’une alliance politique pour 2026. Tout de même, on comprend bien que plus ces démarches auront du succès, plus elles feront remonter une adhésion populaire à telle ou telle idée, plus les partis qui soutiennent ce type de mesures seront en position de force pour les intégrer en bonne place dans le programme voire les porter personnellement en cas de victoire.
« Nous ne sommes pas un institut de sondage, on ne sera pas absolument représentatif mais l’idée c’est de dessiner une tendance, voir si certains sujets en écrasent d’autres » déclare Bertrand Renaud qui espère un bilan d’ici l’été. Au Parti Socialiste, on insiste sur l’ouverture du questionnaire, ce dernier soumettant des solutions pas forcément prisées naturellement par le mouvement, « pour ne pas se renforcer dans ses biais » dit Franck Gagnaire. « Chacun a envie de savoir comment se fixent les gens par rapport à leurs priorités » résume Philippe Geiger, adjoint au maire écologiste à Tours, chargé de la tranquillité publique.
Créé en 2020 pour porter la candidature d’Emmanuel Denis, l’association des Cogitations Citoyennes, proche du parti Les Ecologistes, a elle aussi réactivé son dispositif de campagne fin février. « Depuis 2020, causeries citoyennes, actions de recueil de paroles, rencontres et participation aux événements locaux ont drainé environ 400 sympathisants invités à l’élaboration d’un projet municipal impliquant largement les habitants de l’ensemble des quartiers de Tours. Le but est de partager ce projet avec l’ensemble des partis de gauche et écologistes, ainsi qu’avec les collectifs citoyens pour présenter une liste unie aux municipales de 2026 » dit-elle.
Dans tous les cas, l’enjeu est de réussir à faire parler des personnes désintéressées de la politique, ou de réussir à entamer le dialogue avec des opposants. Surtout, ces initiatives visent à fonder les points du futur programme sur un ressenti. Faire en sorte que les idées ne soient pas vues comme technocratiques ou déconnectées du terrain. Signe que le procédé est tendance, plusieurs candidats de droite expérimentent aussi la méthode tandis que le collectif de gauche C’est Au Tours du Peuple s’appuie sur les mobilisations qu’il organise pour faire émerger des sujets dans le débat public.
Absent de l’union de la gauche en 2020, l’organisation est cette fois en bonne voie pour la rejoindre. « Nous avons rencontré tous les partis et nous avons été pas mal écoutés » se félicite sa tête d’affiche Claude Bourdin qui rappelle cependant qu’une alliance « ne se fera pas à n’importe quel prix », notamment pas sans un certain nombre d’engagements programmatiques. Sa première priorité : « 0 personne à la rue. On aimerait que la mairie fasse plus, quitte à saisir la justice pour attaquer l’Etat quand il ne joue pas son rôle. »
CATDP désire aussi une démocratie participative encore plus poussée qu’actuellement avec la possibilité de votations en cours de mandat, un travail sur la gratuité totale des transports en commun, « une meilleure écoute des besoins du milieu culturel » avec la création d’un grand événement populaire gratuit ou la création d’une régie publique de l’eau à l’échelle de l’agglomération.
« Il y a encore du boulot mais on sent que tout le monde a envie d’avancer » se réjouit Claude Bourdin. Seul caillou dans la chaussure de la gauche : Alain Dayan, ancien responsable socialiste, ex-adjoint au maire, ex-soutien d’Emmanuel Denis en 2020, et en campagne depuis déjà près d’un an (avec des déclarations dans lesquelles il a des mots très durs envers la politique de ses anciens amis).
« Je suis sur une ligne sociale-démocrate » nous dit-il pour afficher sa différence assurant qu’il y a à Tours « un problème de confiance » envers la municipalité, redoutant par ailleurs que des « clivages nationaux » se répercutent au niveau local (autrement dit que les bisbilles de la gauche à l’Assemblée Nationale fassent des éclats dans la ville).
Adhérent du parti Place Publique de Raphaël Glucksmann (qui n’a pas encore dit qui il soutiendrait pour les Municipales 2026), le militant politique se démène pour tenter de faire entendre sa voix dans un paysage politique trusté par les poids lourds. « Moi j’ai passé mon temps à discuter sans le dire. Je fais par exemple partie des gens qui pensent que l’écologie doit être pragmatique et ne doit pas être un frein au progrès » assène-t-il en guise de pique à l’action d’Emmanuel Denis qu’il accuse de ne pas avoir « de projet structurant ».
Un discours proche de ce qu’on peut entendre à droite et au centre, par exemple de Benoist Pierre. Alain Dayan n’exclut pas d’ailleurs totalement de renoncer à une tête de liste si sa vision est défendue dans le débat électoral. Mais d’ici là, il compte bien continuer de marteler ses marottes.