Pour ravir la mairie de Tours à la gauche écologiste, les partis de la droite et du centre savent qu’ils ont intérêt à s’unir dès le premier tour. Pour l’instant on en est loin avec 4 listes potentielles sur la ligne de départ, celle du député du Lochois Henri Alfandari s’étant ajoutée aux projets de Christophe Bouchet, Olivier Lebreton et Benoist Pierre. Officiellement investi par le parti Horizons d’Edouard Philippe, le centriste a lancé sa campagne ce dimanche 5 octobre.
L’histoire retiendra que la campagne des élections municipales d’Henri Alfandari a commencé par une confusion d’adresses. Annoncée au 14 Place Gaston Paillhou, sa permanence est en fait située au 14 Place des Halles. Les deux adresses sont à 100m mais les connaisseurs font la différence. C’est amusant mais cela ne suffit pas à faire un procès en méconnaissance de la ville au candidat. Si son concurrent lepéniste Aleksandar Nikolic est un authentique parachuté débarqué d’Eure-et-Loir pour revigorer l’image locale du RN, le centriste est né à Tours et y a longtemps travaillé.
Tout de même, son arrivée dans la bataille pour la mairie fait désordre, peu goûtée par les figures locales de la droite et du centre. Très vite Christophe Bouchet a juré qu’il ne voyait pas d’accord possible entre eux. Quant à Benoist Pierre, il s’est laissé séduire avant de claquer la porte. A son propos, Henri Alfandari est amer : « Je trouvais positif d’avoir quelqu’un capable de choisir l’intérêt général. Cette personne préfère choisir son intérêt personnel mais les Français goûtent peu la transhumance politique. »
On se demande si cette phrase ne pourrait pas s’appliquer à lui-même, lui qui déplace son centre de gravité politique du Lochois vers le cœur de la Métropole.
Il répond sur la défensive, coupant rapidement court aux questions sur le sujet. « Sur le marché de Loches, je ne vois que des gens qui me disent d’y aller. Tours ne se limite pas à la pancarte d’entrée ou de sortie de ville. Le principe d’une ville centre est de rayonner très largement » affirme Henri Alfandari qui assure qu’il ira « jusqu’au bout » de son projet, et ne se représentera donc pas à la députation si jamais il y a dissolution de l’Assemblée Nationale avant la fin de son mandat prévue en 2027.
Mais alors avec qui va-t-il partir ? Pour l’instant personne n’a été présenté et on doit se contenter de bribes. Tout juste apprend-on qu’il y a « pas mal de juppéistes » autour de lui au détour d’une blague, quand on lui fait remarquer que sa commande d’une pêche à l’eau nous fait penser à l’ancien 1er ministre qui disait avoir « la pêche, la super-pêche ». Pour le reste, Henri Alfandari assure que sa candidature investie par Horizons est le prélude « à un rassemblement qui sera plus large » et coupe court pour commencer à développer ses projets pour Tours.
« Je me prépare depuis 6 mois. Je veux amener l’expérience que j’ai du privé, celle acquise en tant que maire de Genillé et au niveau national. Quand on est bien préparé on peut faire des choses en l’espace de 6 ans. Le problème de l’équipe en place c’est qu’ils n’étaient pas prêts » lance le centriste avec donc une première pique cinglante envers la majorité d’Emmanuel Denis. Une autre suivra plus tard quand l’homme s’attribue la réussite des négociations entre les instances locales et l’Etat pour décrocher des fonds en faveur du développement du SERM (le RER métropolitain) : « C’est moi qui l’ai obtenu avec Christophe Béchu (ex-ministre des transports, ndlr) car Tours n’avait pas préparé son dossier. » La Métropole et la Région apprécieront.
Henri Alfandari est d’ailleurs assez directif dans ses propos, sous-entendant que lui saura mettre la pression sur la SNCF pour relancer enfin une liaison Tours / St-Pierre-des-Corps en 5 minutes (ce que personne n’arrive à faire depuis plus d’une décennie), le tout en espérant récupérer par ailleurs des terrains de la compagnie ferroviaire pour créer une forêt urbaine dans le secteur du Sanitas.
3e candidat à amener des propositions concrètes après Christophe Bouchet et Alain Dayan, Henri Alfandari fait dans le grandiloquent voire le sensationnel. Il ne promet pas seulement la construction d’une aréna, mais envisage un complexe de 20 000 places qui pourrait porter un club de foot de retour dans le giron professionnel. Un équipement « modulaire » qui pourrait aussi accueillir d’autres disciplines sportives et des concerts. « J’envisage un partenariat public-privé » explique le candidat qui table aussi sur une restructuration du Parc Expo. Un projet qui mettra forcément de longues années à aboutir : il en a conscience mais il y croit.
Dans la série des serpents de mer qu’Henri Alfandari espère débloquer en cas d’élection on trouve aussi les sujets de la redynamisation des bords de Loire et du quartier de la gare. Pour le 1er, le candidat ressort l’idée d’un bâtiment jumeau de la Bibliothèque Centrale déjà évoquée sous Jean Germain pour la Cité de la Gastronomie, mais qui ferait ici davantage office de grand pavillon dédié au fleuve. Pour la gare, il espère une requalification complète. Et dans les deux cas promet des référendums locaux.
Ainsi, il assure qu’il fera mieux que l’équipe actuelle en termes de démocratie participative mettant fin à « la politique du fait accompli ».
Cela dit, sur le sujet du tram, le centriste ne parle pas de référendum mais plutôt d’une décision radicale et unilatérale : stopper le processus de construction en cours pour redéfinir le tracé qu’il trouve trop cher et inadapté. Il espère raboter le projet de 200 millions d’euros qu’il verrait bien rebasculer sur son chantier d’aréna. « On ne peut pas rester à faire dodo et continuer à se laisser déclasser face à Angers, Orléans ou Le Mans » tonne le politicien.
La sécurité faisant aussi partie de ses priorités, il se dit capable de faire passer les effectifs de la police municipale de Tours à 120 agents « immédiatement », alors que les deux dernières majorités peinent à atteindre la centaine. Comment ? Henri Alfandari sous-entend l’idée d’une hausse des salaires mais promet aussi « davantage de considération et un dialogue réel entre les différentes forces de police » pour rendre les postes plus attractifs.
Son plan sécuritaire se doublerait d’une généralisation de la vidéosurveillance à tous les quartiers (avec l’usage de nouvelles technologies comme l’infra rouge) et de la mise en place de lampadaires LED à détecteurs de mouvement pour ne plus avoir des quartiers plongés dans le noir la nuit tout en faisant des économies.
La réouverture du Pont Wilson à la circulation automobile est aussi dans ses plans, en conservant des possibilités de fermeture les week-ends ou l’été. Les pistes cyclables des rues Marceau et Buffon ou la vélorue Rue d’Entraigues subiraient, elles, des changements même si « il ne s’agit pas de tout défaire, je peux que vous puissiez prendre votre vélo et soyez en sécurité » assure le candidat.
Ce dimanche 5 octobre Henri Alfandari a donc sorti ses premières cartes espérant marquer les esprits et lancer une dynamique autour de sa campagne, faisant en parallèle le pari que dans une ville comme Tours « un bout de politique nationale » s’invitera en complément des débats locaux, ce qui pourrait clairement arriver, entre l’enjeu de maintenir une grande ville dans l’escarcelle des écologistes, celui de redonner des lettres de noblesse au camp macroniste en décrépitude au niveau national où l’incursion d’une personnalité du RN dans la course.
C’est un peu pour ça qu’Henri Alfandari pense avoir sa chance, pensant qu’un maire de Tours doit avoir des appuis plus hauts placés pour réussir à obtenir de réelles avancées. Il promet alors « une ville plus belle, plus sûre, plus attractive » dans laquelle il imagine aussi une reconfiguration des immeubles « pas très beaux » via la construction de nouveaux logements ou des travaux d’isolation extérieure. Il parle même des Halles, où il verrait bien l’installation de bureaux dans les étages pour dynamiser les commerces en dessous.
Cela fait beaucoup de coups de pieds envisagés dans la fourmilière. Parfait pour lancer des débats qui parlent au grand public. Sauf qu’Henri Alfandari n’est pas le premier à avoir ce genre de discours. D’autres se sont ensuite cassé les dents sur la réalité. Pourquoi lui y arriverait plus facilement ? Il a 6 mois pour répondre à cette question. Et rendre cette réponse convaincante.