« A un moment les banques ne prêteront plus » : le Conseil Départemental d’Indre-et-Loire s’enlise dans la crise financière

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En 2021, la mairie de St-Pierre-des-Corps avait joué la provocation en votant un budget en déséquilibre alors que c’est interdit par la loi. La démarche avait pour but d’alerter sur la situation de ses finances. 4 ans plus tard, la présidente du Conseil Départemental d’Indre-et-Loire n’ira pas aussi loin : si elle ne cesse d’accuser l’Etat d’entraver ses possibilités, elle souhaite assumer sa responsabilité quitte à faire des choix budgétaires très douloureux pour 2026.

Habituellement on commence à parler du budget départemental de l’Indre-et-Loire au beau milieu de l’hiver. Pour 2026, le sujet s’invite dans l’actualité dès le mois de septembre. Plus globalement, la question est sous-jacente à chaque fois que Nadège Arnault ouvre la bouche. Alors que 2025 était déjà synonyme de serrage de ceinture (12 millions d’€ d’économies dont la moitié dans le secteur social, baisse des investissements), « 2026 sera impossible » tonne l’élue qui s’apprête à célébrer ses deux ans à la tête de la collectivité.

On pourrait penser à un alarmisme trop aigu ou à une posture politique obtus. Mais à force d’entendre Nadège Arnault, et de la pousser à préciser sa pensée, on voit bien qu’elle se sent coincée. Clairement si c’est juste une stratégie de communication c’est très gonflé et ça finira par se voir.

« Nous ne prévoyons pas d’excédent budgétaire cette année alors qu’on avait 22 millions d’e en 2024 que l’on avait pu reporter. Il faudra emprunter 10 millions de plus en décembre en plus des 30 millions d’euros de prêts déjà contractés et les taux déjà de 3,6% seront peut-être en hausse » nous détaille la responsable politique au cours d’une conférence de presse de rentrée, à une semaine d’une nouvelle session départementale et à deux mois du votre d’une session modificative du budget printanier. « A force, les banques ne prêteront plus » s’inquiète-t-elle.

Tout bon analyste financier voit bien le souci : tirées par les impératifs sociaux, les dépenses du Conseil Départemental d’Indre-et-Loire sont amenées à augmenter alors que l’institution n’a pas de levier pour augmenter seule ses recettes. Elle dépend du bon vouloir de l’Etat pour la réversion d’une part de TVA et de la bonne santé du marché immobilier pour récupérer une partie des frais de no% taires. « En France cette année les droits de mutation évoluent de 0 à +40% selon les départements avec une moyenne de +20%. Nous on est à +8%, et encore. »

Si Nadège Arnault concède que par le passé le Département n’a pas été « assez attentif » pour éviter de se retrouver dans de telles situations (ses taux d’imposition étaient bas avant la suppression de la taxe d’habitation, entraînant par conséquent de faibles compensations de l’Etat pour la perte des recettes), elle déplore aujourd’hui un étranglement par le prisme des dépenses : « Tous les jours il y a de nouvelles contraintes ». Elle confirme donc qu’en décembre la contribution mensuelle versée à la CAF pour verser le RSA sera amputée de la hausse des pensions décidée à Paris, soit 5 à 6 millions en mois comparé au virement habituel de 8 à 9 millions d’€.

Annoncée dès le printemps, cette mesure sera soumise à des pénalités. Il n’est pas exclu qu’un beau jour l’Etat aille saisir les fonds qu’il estime lui être dus. « Mais si on est beaucoup de départements à le faire ce sera plus compliqué » plaide l’élue qui se sait soutenue par des collègues. Pour autant, elle ne coupe pas le dialogue avec l’exécutif. Après avoir reçu des équipes de Matignon, elle s’était rendue à Paris pour plaider sa cause en vue de la préparation du budget 2026. Entre temps le 1er ministre a changé « mais on peut penser qu’on sera bien considérés par Sébastien Lecornu » qui a lui même occupé un tel poste, et qui vient d’écrire aux maires pour leur dire qu’il souhaitait que leurs fonctions soient mieux reconnues.

Pour autant, Nadège Arnault s’attend au pire tant que le budget 2026 de la France n’est pas acté. Elle confie que ça l’empêche toujours de dormir et se fait des films, des simulations, afin de déterminer où est-ce qu’il faudra couper les vivres. « Il faut penser aux conséquences de nos décisions » explique-t-elle à propos des subventions aux communes qui pourraient se réduire… mais risquent d’empêcher des travaux faisant travailler des entreprises locales.

« Il ne faudrait pas qu’il y ait des pertes d’emploi ce qui reviendrait dans nos dépenses sociales » souligne la présidente du Conseil Départemental qui pense aussi aux associations dont les bénévoles « nous aident dans le social, leur soutien est indissociable ». Pour autant, il faudra s’attendre à des baisses… mais pas sans prévenir à l’avance. « Certaines associations font automatiquement une reconduction de leur demande alors qu’elles n’en ont pas forcément besoin » estime l’élue qui restera ferme sur un point : le Conseil Départemental ne palliera pas des réductions de budgets d’autres acteurs (Région, communes…).

« Notre volonté est de ne pas supprimer » rassure tout de même Nadège Arnault qui évoque un audit en cours pour prioriser les dépenses. Car sur les investissements, en dehors d’engagements contractuels, la collectivité compte bien tailler dans le lard, par exemple sur les travaux routiers (prévoir un étalement du chantier de sécurisation de la D943) : « On va voir ce qui est le plus urgent » annonce la présidente qui aurait bien aimé se passer de payer 5,5 millions d’€ à partir de 2026 pour les nouveaux échangeurs de l’A85 mais se retrouve bloquée par ce qui a déjà été signé.

Autres dépenses en suspens et sensibles : les demandes de rallonges budgétaires des pompiers (25 millions d’€ à trouver ces prochaines années), la rénovation du plan d’eau de Chemillé-sur-Indrois, le budget participatif (2 millions d’€ tous les deux ans)… On comprend bien qu’il y aura des négociations, y compris en interne dans la majorité, et par conséquent des décisions difficiles qui pourront entraîner colère, manifestations ou pétitions. Malgré les écueils à venir, Nadège Arnault reste motivée : « C’est valorisant de passer une crise comme ça. »

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