Vous avez sûrement déjà joué au jeu des 7 différences, consistant à comparer deux images pour y déceler les détails modifiés. Jusqu’au 1er juin, il est possible de faire une partie en grand format à l’Hôtel Goüin de Tours. Le monument de la Rue du Commerce, propriété du Conseil Départemental, expose les œuvres hyperréalistes de l’artiste tourangeau Jacques Bodin. Amusant et réflexif.
Lorsqu’on visite l’exposition de Jacques Bodin, on croise un autre visiteur tout fier de nous dire que des crayons taillés comme ça cela n’existe pas dans la vraie vie. Ou que l’artiste a eu la paresse de peindre la totalité des étiquettes de boîtes de conserves reproduites sur un tableau grand format. Evidemment que si l’on pinaille, on peut trouver à chaque fois un détail qui fait que l’œuvre de Jacques Bodin n’est pas 100% fidèle à la réalité. En réalité, peu importe. Déjà, de loin, l’illusion est réelle. On a bien l’impression d’avoir une corbeille de fruits géante face à nous, et le design des tubes de Smarties a été excellement copié. Il faut aussi s’approcher de très près pour vérifier que ce chignon a été peint et non simplement photographié puis tiré en grand format.
Au fil des salles de l’Hôtel Goüin, Jacques Godin nous invite à jouer avec notre regard, et nos perceptions du monde. Trouver une petite « erreur » c’est prouver que l’on a observé le tableau avec attention, donc qu’on lui a accordé du temps. Et en 2025, quand est-ce qu’on prend vraiment le temps de scruter une image dans ses moindres détails ?
En exposant en grand format des objets et des scènes de la vie quotidienne à priori peu significatifs (aliments, enfant dans la nature, portail…), l’artiste qui fait la navette entre Paris et le village tourangeau de Courçay rend beau ce qu’on a tendance à consommer ou regarder sans s’attarder. Ce monde du zapping, ou du scrolling. Dans le supermarché, on prend dans le rayon en se laissant convaincre par une couleur, un prix promo ou une pulsion. On ne regarde par la liste des ingrédients et leurs substances potentiellement nocives. On ne s’attarde pas non plus sur la beauté pourtant réelle d’un chignon élégamment noué, faussement négligé mais en réalité d’une beauté naturelle inégalable.
Pour réaliser ses tableaux, Jacques Bodin réalise initialement des dizaines voire une centaine de clichés, qu’il retravaille ensuite par ordinateur avant de faire ses tableaux avec de la peinture à l’huile. Certains grands formats peuvent ainsi prendre des mois avant d’être achevés. Qui passe des mois avec un tube de Smarties que l’on peut littéralement avaler en 5 minutes avant de le jeter sans vergogne ? Qui s’intéresse encore au design de ce portail que l’on voit surtout comme un obstacle à la liberté de circulation ?
Si le parcours de l’Hôtel Goüin est ludique, il n’en est donc pas moins moralisateur dans le sens où il nous invite à réfléchir sur l’importance que l’on accorder aux images surgissant du monde qui nous entoure. Aller au-delà de ce qui s’affiche en premier plan, ou de ce que l’on nous incite à voir. Regarder ce qui se cache derrière, ou ce que personne d’autre n’a vu pour s’extraire de la masse. C’est tout ça que l’on perçoit dans cette exposition qui nous dévoile également les œuvres de quelques autres artistes hyperréalistes (superbe tableau d’un siège d’autobus) ainsi que des préfigurations de tableaux de Jacques Bodin réalisées au crayon. Certaines photos de l’artiste sont également accrochées au mur pour réellement comparer avec ses productions. Prévoyez d’y passer du temps.
L’hyperréalisme, peinture haute définition par Jacques Bodin est complétée par des affiches didactiques dédiées aux enfants de 6 à 12 ans afin de leur expliquer les différentes techniques du mouvement. Elle est à découvrir jusqu’au 1er juin du mercredi au dimanche de 14h à 18h avec une entrée plein tarif à 3€, ou 2€ en tarif réduit (pour les 7-18 ans, les étudiants ou les personnes en situation de handicap). C’est gratuit pour les demandeurs d’emploi.
