Signes des Temps #31 : Bad trip à l’Heure Tranquille

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Le pitch : « Signes des Temps » ce sont des images chassées par notre journaliste Laurent Geneix dans les rues, les bâtiments et les chemins de la Touraine ; des traces laissées par l’Homme pour l’Homme, parfois très claires, parfois très floues, violentes, commerciales et/ou drôles, mais toujours signifiantes – que ce soit grâce à des mots, des dessins ou des symboles – et potentiellement visibles par tous.

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Errer à la nuit tombée depuis longtemps, quitter le Temps Mash trop tard, suivre avec 2 grammes les rails du tram comme le petit Poucet suit ses cailloux pour être sûr de retrouver sa couette – fût-ce dans trois heures -, faire un petit écart, lever les yeux au ciel, voir ça, halluciner un peu.

Tant que Fil Bleu persistera à décréter le couvre-feu vers minuit-et-demi dans notre belle endormie en couchant son tram-citrouille à l’heure où les gens dans les bars, les clubs, les salles de concert et les soirées privées en tout genre commencent enfin à dire des trucs bien, on pourra se retrouver obligé de faire de longues marches à pied nocturnes à travers la ville, comme celle-ci. Merci donc, je t’offre ce slogan gratos pour la peine : «Don’t feel blue. Fil Bleu».

«L’heure tranquille», un concept qui, en choisissant ce nom à double tranchant, a sans doute voulu tendre la joue bien avant de se prendre sa première claque. Pour faire court : un joli centre commercial qui pousse comme un champignon sur d’anciens marais où commencent vaguement à germer des logements, des bureaux et un futur tramway, et où on atterrit le plus souvent par accident quand on a perdu son chemin (oui je suis de mauvaise foi, et alors ?). Certaines enseignes y seront décédées desséchées pendant quelques années, capitalisant naïvement (oui, oui, c’est possible) sur d’hypothétiques habitants et visiteurs qui commenceront péniblement à pointer le bout de leur nez en 2015.

N’empêche que lever les yeux au ciel et voir écrit «l’heure tranquille» en lettres lumineuses qui scintillent, ça fait son petit effet quand même, parce que dans notre société haletante et sans répit ça n’existe tellement pas, les heures tranquilles, qu’on sent la métaphore du paradis à trois kilomètres et là je vois en écrivant ça que les concepteurs du projet me bénissent : «Enfin un gars qui a compris notre message subliminal profond, faites péter le Vouvray !»

Pendant que moi, couché à l’entrée, immortalisant l’instant le regard dans les étoiles, sentant mes milligrammes d’alcool quitter un à un mon corps fourbu, je pense pêle-mêle à Mimile – oui vous savez, celui de l’expression de votre Tonton Robert, « Tranquille, Mimile », qu’il répète à l’envi depuis votre tendre enfance à l’apéro au camping des Pins après avoir pété un grand coup tout en attaquant son 7e Ricard, enfoncé dans sa chaise longue -, je pense au temps suspendu, au temps retrouvé (qui doit toujours être suffisamment long afin d’avoir le luxe inouï de se taper du Proust pour de vrai, je veux dire sans être un étudiant de lettres modernes à qui on force à le faire), je pense à la dichotomie latente entre la notion de tranquillité et celle de consommation dans un centre commercial.

Enfin, envahi au petit matin naissant par une sobriété débandante teintée de gueule de bois, je vois s’illuminer l’immense radinerie de la chose au final, l’arnaque intégrale, la promesse facile : pourquoi juste une heure tranquille, hein ? Pourquoi pas «des heures tranquilles» ?

Posez vos verres de Vouvray, les gars, vous êtes tous virés.

Un degré en plus

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