« Les corps et les esprits manquent cruellement de liberté »

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Ce mardi 19 janvier à la mi-journée le centre-ville de Tours verra de nouveau défiler les artistes, travailleuses et travailleurs du monde de la culture. Leurs activités sont à l’arrêt ou au ralenti depuis près d’un an et personne ne sait vraiment quand les spectacles et autres ateliers pourront reprendre. Ces questions, Aurore Flaugere se les pose aussi. Prof de pole dance et de yoga à Tours, elle désespère de ne plus pouvoir travailler et entame une grève de la faim doublée de performances vidéo quotidiennes pour marquer les esprits.

Une femme assise en tailleur, attachée au pied d’une barre de pole dance. La nuit tombe rapidement. Elle bouge à peine. Et ça dure comme ça pendant plus de 2h. Dimanche soir, Aurore Flaugere a été ligotée par une amie et elle a diffusée cette performance sur Facebook. Elle a recommencé ce lundi et elle va continuer pendant deux semaines. Tous les soirs, de 18h à 22h, « les horaires sur lesquels notre association bat son plein en termes d’animations et de propositions de créneaux. Les gens sortent du travail et viennent se dépenser avec nous. »

Aurore Flaugere a créé Pole Dance Tours à la fin de l’année 2019. Aujourd’hui la structure revendique 150 adhérentes et adhérents, notamment pour du pole dance et du yoga. Mais en ce moment aucun cours n’est assuré en présentiel à cause de la pandémie. Seules quelques séances sont proposées en visio, dont une chaque midi pour quelques exercices de yoga. Un moyen de proposer autre chose, « pas seulement une vision noire de la situation », mais c’est du bricolage.

« On ne peut pas laisser les gens faire les chimpanzés chez eux »

« Le visio n’est pas une fin en soi, et en aucun cas une solution » déplore l’ancienne bibliothécaire qui a entamé sa reconversion en 2015. « La pole dance est une discipline aérienne et proposer des cours en visio ce n’est pas la meilleure des choses. Les élèves n’ont pas de barre chez eux ni de cerceaux au plafond. Surtout, tout le monde ne vit pas avec 4m de hauteur au-dessus de la tête. On doit donc se limiter à évoluer au sol ou faire quelques tractions. On ne peut pas laisser les gens faire les chimpanzés chez eux, les risques de blessures sont trop importants. »

D’après la performeuse, la situation devient de plus en plus pesante à chaque reconduction des mesures sanitaires : « Je comprends tout à faire la situation délicate mais moi je dois faire face à des élèves en larmes, qui ne pratiquent pas ou mal et qui souffrent de douleurs musculaires ou articulaires. Les corps et les esprits manquent cruellement de liberté. » A force, la pérennité de son association se fragilise :

« On commence à être sans ressources matérielles, financières et même psychiques. Mon trésorier et un autre professeur font une dépression. Notre rentrée avait déjà commencé tardivement en octobre et aujourd’hui tous les adhérents ne peuvent pas maintenir leur abonnement et on ne peut plus demander aux autoentrepreneurs qui font cours de venir. On avait maintenu un matelas jusqu’ici mais là on se retrouve avec le couteau sous la gorge. C’est un monde qui est en train de s’éteindre. »

En bons termes avec le propriétaire du local qu’elle loue à Tours, Aurore Flaugere a réussi à geler les loyers pour le moment mais reste dans le flou quant aux aides dont elle pourra bénéficier : « C’est un énorme ras le bol car le sport n’est presque jamais cité par le gouvernement et les aides sont incohérentes selon les régions ou les différents statuts des salles. Il y a un nuage très vague au-dessus des associations. Ça glisse sur le terrain et pas dans le bon sens. On manque d’informations, ce n’est pas clair et c’est fatiguant. » La jeune femme qui pensait créer un premier poste salarié en 2021 et ambitionnait d’être elle-même embauchée environ 2 ans après le début de l’activité doit repousser ses projets.

« Je voulais organiser une action difficile à regarder »

C’est pour toutes ces raisons que la fondatrice de Pole Dance Tours a initié son mouvement, également avec l’ambition de soutenir d’autres activités muselées par la pandémie comme le parkour ou l’escalade :

« J’ai quelques économies mais elles diminuent au fil des semaines. Avec cette dynamique, je souhaite mettre en place une forme différente de mobilisation. Faire des photos de nu et dire que le gouvernement met les gens à poil d’accord mais j’avais envie de quelque chose de plus difficile à regarder. Une action silencieuse mais qui en dit beaucoup. Je veux voir si des personnes entendent ce que j’ai à dire. Si d’autres veulent nous rejoindre. Je voudrais faire réagir les élus, qu’ils se posent des questions et ainsi relancer la machine de la réflexion. Il faut redonner au sport la place qu’il mérite, même à petite dose et avec des effectifs réduits. Les corps doivent pouvoir se délier. »

Après chaque performance, Aurore Flaugere prévoit un débriefing, ne serait-ce que pour rappeler qu’il ne faut pas faire la même chose chez soi mais aussi pour engager le dialogue avec les internautes, retrouver le lien social qui s’est envolé. C’est d’ailleurs ce que la Tourangelle observe : « D’habitude nous produisons des vidéos vivantes avec beaucoup de joie. Et là, il ne se passe plus rien. »


Un degré en plus :

Pour suivre l’événement sur Facebook ça se passe ici, vous y trouverez également le lien vers une cagnotte de soutien.

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