De l’herpès au coronavirus… Le livre indispensable sur les virus, par un chercheur tourangeau

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2020 restera à jamais cette année où l’on a passé notre temps à lutter contre un virus baptisé Sars-Cov-2, responsable de la maladie Covid-19. Un moment marquant dans nos vies mais seulement un épisode de plus dans la longue histoire des virus. L’universitaire tourangeau Philippe Roingeard vient de sortir un très beau livre à leur sujet. Un ouvrage rempli d’images en couleurs et de textes facilement compréhensibles. Portraits de virus, voyage au cœur des cellules est un dictionnaire des virus illustré à mettre entre toutes les mains pour une information fiable et scientifique sur un sujet complexe qui déchaîne les passions.

Philippe Roingeard travaille avec les virus depuis 35 ans. Pharmacien et professeur de médecine, il a notamment appris aux côtés de Philippe Maupas, un chercheur qui a mis au point le premier vaccin contre l’hépatite B : « C’était une grande personnalité, il a sûrement contribué à mes choix. Quand j’ai voulu faire de la recherche, je me suis tourné vers la virologie à cause de cette rencontre » raconte-t-il aujourd’hui. « Je ne regrette pas. C’est une science en pleine mouvance. »

Au cours de sa carrière, l’universitaire et ses équipes ont observé de très nombreux virus avec leurs microscopes : la grippe, la dengue, le VIH… Et celui de l’hépatite C, ce qui constituait alors une première. Ils les ont pris en photo et ce sont ces clichés – colorisés artificiellement pour faciliter leur compréhension – que l’on découvre dans Portraits de virus, voyage au cœur des cellules. Au fil des pages, le propos est clair, concis : on nous explique ce qu’est un virus, de quoi il est composé, comment il se multiplie, quelles peuvent être ses conséquences sur l’être humain ou l’animal… Le livre a nécessité deux ans de travail et se clôt par deux planches dédiées aux coronavirus, dont une sur le Sars-Cov-2. Seulement deux planches sur 58 : « Au départ je n’avais même pas prévu d’en parler tellement on s’y intéressait très peu. Les deux vrais épisodes ont été ceux du Sars-Cov-1 et du MERS » reconnait le spécialiste. Deux épidémies rapidement jugulées au début des années 2000. Mais devant l’ampleur de la diffusion du Sars-Cov-2, impossible de faire l’impasse :

« Il est sans doute moins agressif que les deux premiers, il tue moins, mais il est extrêmement contagieux. L’intensité à laquelle il s’est répandu n’était pas prévisible. »

Ce qu’il faut bien dire, c’est que le seul objectif d’un virus au cours de son existence est de se multiplier. Il ne peut pas le faire seul, il a donc besoin de s’introduire dans ces cellules pour réaliser cette opération. Le temps nécessaire à cette reproduction est également variable : « Chacun a sa stratégie. Ça va se compter en heures pour les plus rapides, d’autres – comme les hépatites – vont prendre plus de temps » nous dit Philippe Roingeard. Ces virus étant – dans tous les cas – bien plus petits que les cellules dans lesquelles ils s’introduisent, il est possible qu’un seul de ces micro-organismes se transforme en millions d’exemplaires en une seule opération. Ce qui donne quelques-unes des images les plus spectaculaires du livre de l’universitaire tourangeau.

Chaque virus est différent. On parle par exemple de « gros » virus (qui font une taille d’1/5 000e de millimètre) en opposition aux « petits » virus qui font 1/50 000e de millimètre. De même, leur enveloppe n’est pas forcément composée de la même façon. Enfin, certains vont plutôt entrer dans notre corps par la bouche tandis que d’autres le feront par la peau ou le sang. Parfois tout ce processus se fait incognito, et dans d’autres cas ça déclenche des réactions en chaîne : « Certains virus sont pathogènes, certains sont très agressifs mais il y en a certainement qui sont utiles » explique Philippe Roingeard qui raconte aussi, dans son ouvrage, que certains virus sont à l’origine de tumeurs – donc de cancers – mais qu’il s’agit là d’une sorte de dommage collatéral : « Le virus n’est pas là pour rendre des cellules cancéreuses. C’est parce qu’il détourne certains mécanismes que la cellule va devenir cancéreuse mais ce n’est pas son intérêt à lui. »

« On a une assez bonne connaissance des virus, sur le VIH, les hépatites… Même sur le nouveau coronavirus ça va très vite car énormément de gens travaillent dessus en raison de l’impact médiatique de la pandémie. Après, il y a encore des virus qu’on ne connait pas » résume Philippe Roingeard. Ainsi, il y a une question sur laquelle on le fait sécher : combien existe-t-il de virus ? « Je ne sais pas. On en connait quelques centaines : les virus humains, ceux que l’on trouve chez les animaux même dans les plantes… Mais il y en a probablement encore plus comme des virus qui existent chez les animaux et qui pourraient donner des pathologies chez l’Homme. Il y a peut-être même des virus qui nous rendent service sans qu’on le sache à l’image des bactéries sans lesquelles on serait incapables de digérer. »

Le virus de la grippe observé sous le microscope de Philippe Roingeard à Tours.

 « On a obligation de vivre avec les microbes »

Voilà une chose qu’il faut bien intégrer : on cohabite en permanence avec les virus, « on ne vit pas dans un monde stérile » souligne le professeur universitaire. Le genre de phrase qui peut faire écho à la recrudescence de purificateurs d’air dans le monde en cette fin d’année 2020, jusqu’aux Halles de Tours qui se sont équipés de ce type de matériel pour rassurer le public venant y faire ses courses… Que penser de cette surenchère sanitaire ? Réponse du spécialiste :

« Des fois je suis effaré de tout ce qui tourne autour de la Covid. Je ne dis pas qu’il ne faut pas se protéger mais nous sommes entourés de microbes et probablement que là-dedans il y a des virus qui nous rendent service. On doit pouvoir vivre avec tout ça, on a obligation de vivre avec les microbes. Notre système immunitaire doit en rencontrer un certain nombre pour nous protéger ou nous stimuler. »

La difficulté, c’est de faire le tri… D’autant plus que les virus sont les champions de l’inconstance. Selon les saisons ou d’autres caractéristiques biologiques, ils seront plus ou moins présents autour de nous. « Avant même l’épidémie de Covid on commençait à parler de virus émergents ou réémergeant, par exemple des virus que l’on connaissait, dont on n’entendait plus parler mais qui reviennent avec les changements climatiques ou parce que l’on côtoie des animaux pour qui ils sont inoffensifs » détaille Philippe Roingeard. Par exemple la dengue est une maladie tropicale mais elle pourrait se développer en France, transmise par le moustique tigre qui s’y installe de plus en plus (depuis cette année, il est officiellement recensé dans l’agglomération tourangelle). « Il faut être vigilant » prévient l’auteur.

Par ailleurs, la piste scientifiquement privilégiée pour expliquer l’apparition du nouveau coronavirus est celle d’un transfert à l’homme depuis le monde animal : « Ce ne serait pas une première. Pour le Sars-Cov-1 en Chine cela venait de la civette. Là, on ne sait pas. Peut-être le pangolin, la chauve-souris… » expose le chercheur de l’INSERM et de l’Université de Tours. Et que pense-t-il de la théorie selon laquelle le Sars-Cov-2 se serait échappé d’un laboratoire ? « Je ne veux pas accabler les collègues chinois mais ce ne serait pas impossible. » Il est sûrement encore trop tôt pour le savoir précisément.

Après avoir quasiment négligé les coronavirus pour son livre, Philippe Roingeard s’intéresse en tout cas de très près à celui qui est responsable de la Covid-19. Ses travaux doivent être publiés prochainement.


Un degré en plus :

Portraits de virus, voyage au cœur des cellules de Philippe Roingeard est publié aux Presses Universitaires François Rabelais. Tarif : 19€90.

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