La grande interview de la nouvelle préfète d’Indre-et-Loire

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Ça faisait longtemps que l’Indre-et-Loire n’avait pas changé de préfète… Arrivée à l’automne 2017, Corinne Orzechowski a quitté les bords de Loire en fin d’été pour rejoindre l’Oise. De son passage, on retiendra un style direct, une fermeté assumée et assez peu de langue de bois. Sa remplaçante nous vient de Charente et elle s’appelle Marie Lajus. 3 semaines après son arrivée, on fait le point sur son rôle au quotidien et sur les dossiers chauds du moment.

Marie Lajus prend ses marques. Elle n’a pas encore rencontré tous les parlementaires du département ni eu le temps de s’emparer de l’ensemble des dossiers. La Covid et une visite ministérielle ont chamboulé un emploi du temps déjà bien dense. La nouvelle préfète va tout de même pouvoir se mettre au goût du jour ce jeudi lors d’une rencontre avec les maires du département. De la Touraine, elle ne connaissait que les châteaux de la Loire visités à hauteur d’enfant :

« Je ne voudrais pas activer trop de clichés mais j’avais de l’Indre-et-Loire la vision d’un département magnifique où il fait bon vivre. Il m’apparait évidemment nécessaire d’aller au-delà car je crois que c’est un territoire qui cache des réalités sociales contrastées avec de fortes inégalités sociales et territoriales sur lesquelles il faut intervenir pour tendre à les réduire. »

Lors de sa nomination, on lui a parlé du département comme d’un endroit « où l’on travaille efficacement, où le dialogue n’est rompu avec personne. Ce descriptif se confirme. On sent l’importance des ressources naturelles, économiques ou humaines. C’est aussi un département équilibré dans sa relation avec Paris : suffisamment proche pour accéder facilement aux ressources centrales et assez loin pour disposer d’une certaine autonomie sur ses projets et ses ambitions. » A contrario, la nouvelle représentante de l’Etat pouvait avoir plus de mal à activer certains leviers depuis la Charente, territoire plus excentré par rapport au pouvoir central.

Le débat sur les éoliennes déjà à l’ordre du jour

Ça fait partie du rôle d’une préfète (ou d’un préfet) : faire remonter les informations, peser auprès de Paris pour faire avancer son territoire. Pas uniquement. Selon Marie Lajus, « c’est d’abord un métier de management, de pilotage, d’animation des équipes de l’Etat pour coorodnner les différents services. faire en sorte que les orientations soient lisibles pour l’extérieur et homogènes en interne. » Cette ex-communicante au sein de la police nationale complète :

« Le rôle de préfet est très mal connu, quasi exclusivement associé aux interventions régaliennes sur les questions de sécurité. Mes amis pensent que je passe mon temps à m’occuper de la police et de la gendarmerie. La crise Covid a fait évoluer ce préjugé en montrant qu’on intervenait sur des champs plus vastes comme l’économie. Nous sommes des acteurs du montage économique des projets. J’aimerais mieux partager cette dimension d’accompagnement et de coconstruction avec les collectivités locales ou les acteurs privés. »

Dans le détail, la nouvelle préfète d’Indre-et-Loire dit souhaiter s’impliquer au maximum « dès l’origine des projets », citant pour exemple les constructions de lycées ou les chantiers d’aménagement urbains. « Le rôle de l’Etat est de soutenir plus que de contrôler à postériori d’autant qu’il finance en grande partie certaines actions » nous dit-elle. Sur des dossiers sensibles comme les éoliennes (aucune implantation en Indre-et-Loire malgré des tentatives multiples, sans cesse attaquées en justice), elle fait du « en même temps » : « Je souhaite que l’Etat accompagne le développement des énergies renouvelables dont les éoliennes font partie. On verra les dossiers au cas par cas. Il n’est pas certain qu’on arrive au consensus mais il faudra qu’on soit le plus proactif possible pour écouter tous les acteurs. » A voir quel avenir elle accorde au projet de huit éoliennes au Petit-Pressigny, récemment validé par l’enquêteur public mais farouchement contesté par un groupe de riverains.

Plus de concertation avec les habitants

Marie Lajus verra inévitablement défiler les banderoles devant son grand portail. Est-elle du genre souple ou ferme ?  « Je suis ferme dans mes décisions, totalement insensible à la pression, mais extrêmement souple dans l’écoute et l’élaboration de la décision. J’ai toujours essayé d’avoir une approche la plus humaine possible notamment sur des situations individuelles. Il ne faut jamais se priver d’entendre l’émotion et les souffrances au risque de se couper du monde. Je n’ai aucun à priori et ça m’arrive de changer d’avis. » « Je souhaite essayer de faire vivre une logique globale d’ouverture » ajoute encore la représentante tourangelle de l’Etat, citant des exercices comme le Grand Débat post-Gilets Jaunes en 2019 ou les réunions publiques organisées sur la sécurité. On lui parle donc de la défiance d’une partie de la population envers l’ensemble des femmes et des hommes qui représentent une forme de pouvoir :

« Je crois qu’il y a un besoin des citoyens d’être entendus par les autorités. On a une tradition française de verticalité dans l’exercice de l’autorité qui se justifie dans des prises de décisions opérationnelles mais peut s’ouvrir à des logiques de concertation plus poussées. Je ne sais pas s’il y a besoin de restaurer l’autorité – c’est sans doute un terme fort – mais l’asseoir passe par une modernisation de l’autorité, qu’elle montre une certaine capacité d’ouverture. »

Cette méthode, Marie Lajus a pu commencer à l’exercer avec le dossier du commissariat de police de Tours. Des mois, des années que les syndicats déplorent un manque de personnel et ils ont sauté sur l’occasion de sa nomination pour faire en sorte de voir le sujet inscrit le plus haut possible sur sa to do list. Résultat : « J’ai tenu à partager avec le ministère les difficultés d’organisation et de fonctionnement du commissariat. L’évolution des effectifs n’est pas allée vers la hausse alors qu’on a créé de nouvelles unités. Il y a une fatigue générale des policiers avec une succession d’épisodes sociaux et sanitaires. je sens une fatigue réelle, des difficultés réelles. Je ne sais pas si la réflexion engagée sera suivie par l’arrivée de nouveaux effectifs mais le dialogue est constant. On ne se prive pas non plus de travailler sur d’autres sujets comme l’organisation des vacations horaires. »

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Ce jeudi, les élus tourangeaux parleront sans doute des gens du voyage à leur nouvelle préfète. Pas une semaine sans que des communes se plaignent d’intrusions illégales dans des parcs ou sur des terrains de foot (dernière en date aux Douets à Tours ou à Ballan-Miré). « Il faut que les services de l’Etat soient extrêmement attentifs sur l’application du droit pour tous. Si on veut faire baisser la pression il faut être capable de répondre de façon ferme à des comportements inacceptables et en même temps regarder quelles adaptations sont possibles (aires d’accueil, terrains familiaux). » Marie Lajus a également été mise au parfum très tôt des enjeux concernant l’aéroport de Tours (essentiel pour le CHU, critiqué pour son accueil de la compagnie low cost Ryanair moyennant 13€ de subventions par billet) : « C’est un sujet de long terme important pour l’activité économique du département mais il est aussi essentiel de construire un projet qui prenne en compte les enjeux environnementaux. C’est aux élus et aux acteurs de construire leur schéma. Quelle part de lignes régulières ? Quelle part pour le voyage d’affaire ? Ensuite, ce que je souhaite, c’est que l’Etat soit au rendez-vous pour le rendre possible. »

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