« Stadium », l’amour foot

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La performance scénique de Mohamed El Khatib fait trembler le parquet du Théâtre Olympia pendant deux jours. Le documentaire vivant fait intervenir les supporters du RC Lens, réputé « meilleur public de France », et dresse en filigrane le portrait touchant d’une région victime de la récession.

Stadium

Sous la lueur bleuâtre et le grésillement des néons de la friterie de chez « Momo », une mascotte perroquet gratte sa guitare électrique, lancinante, sur fond d’images d’archives footballistiques. Sur la scène du Centre Dramatique National de Tours, l’odeur de la bière tiède se mêle à celle de la merguez de soir de match. Des gradins, sur l’estrade, font face aux strapontins dans la salle. Bancs de supporters contre fauteuils de spectateurs sur fond d’écharpes aux couleurs rouge et or : les cocardes fièrement brandies du club de foot de Lens.

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Sur la feuille de match, le deal est simple. L’amour fou des supporters pour leur club fétiche n’a rien à envier à celui de Roméo pour Juliette. Fi du chômage et des ravages qu’il cause. Fi de ces maudites fermetures d’usine qui ont plongé des générations dans l’incertitude. Le stade Bollaert de Lens est le refuge, le temple fédérateur, où le tohu-bohu de la réalité est laissé à la porte comme un vulgaire coupeur d’orange. Stadium, c’est l’histoire de ces multiples visages qui peuplent les tribunes, le conte curieux de ces âmes vissées aux drapeaux et aux fanions et des relations toute particulières qu’elles entretiennent avec l’Histoire.

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Certains ne verront que le folklore et la passion naïve du ballon rond. D’autres seront émus par la sincérité des témoignages. Tour à tour, les individus se succèdent et narrent leurs histoires. De réelles histoires. Celle où l’on compatit à l’écoute du désarroi de l’arbitre qui s’entraîne assidument la semaine pour subir les injures personnelles le week-end. Celles où l’on rit quand la mascotte tente d’expliquer son métier à sa fille songeuse. Celle qui nous empoigne quand une mère, pourtant loin de l’enthousiasme des pelouses, confectionne durant cinq ans ce drapeau géant pour son fils avant de s’éteindre, le laissant brandir l’héritage tous les dimanches. Et ce moment de grâce lorsqu’il réitère ce geste sur scène sur l’air du Cum Dederit de Vivaldi.

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Mohamed El Khatib, artiste aux techniques multiples, se veut à la croisée du documentaire sociologique et de la performance théâtrale, quelque part entre Strip-tease et Raymond Depardon. Il s’est lui-même déplacé pour aller à la rencontre de ses personnages. Il les a filmés. Et les projette sur écran durant la représentation. Le rythme jongle entre les séquences filmées et le spectacle vivant qui décloisonne le monde du théâtre où les vidéos et les textes scandés se mélangent au même titre que le public footeux et théâtreux. Véritable épopée dans le monde ouvrier, la « pièce » propose une exploration du réel et questionne intelligemment notre société. C’est notamment le cas avec le témoignage du « capo », leader des ultras lorsqu’il se demande si « l’art a encore une préoccupation sociale » ou s’il est encore en mesure de critiquer le système économique quand il est subventionné par ce dernier. Une création originale et un partenariat de Mohamed El Khatib avec le Théâtre Olympia dont on a hâte de savourer la saison nouvelle.

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Le CDNT donne encore une représentation ce vendredi, puis « Stadium » reviendra à l’hiver 2018 à l’espace Malraux. Si vous n’avez rien contre les corons et les refrains de Pierre Bachelet, n’ayez pas peur de tomber le maillot.

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