Regards #84 « Deux fils » et « Minuscule 2 »

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Dans Regards, retrouvez l’avis de Stéphanie Joye sur quelques films à l’affiche dans les cinémas tourangeaux. Histoire de vous donner envie, à votre tour, d’aller passer un moment dans les salles obscures.


Deux fils (Comédie dramatique française)

De Félix Moati

Avec  Benoît Poelvoorde, Vincent Lacoste, Mathieu Capella, Anaïs Demoustier, Noémie Lvovsky

Paris, de nos jours. Un père et ses deux fils se soudent, se cherchent, et cherchent – aussi – à se comprendre. Trois générations, que représentent Joseph, la cinquantaine, Joachim, la vingtaine, et Ivan, jeune collégien. Trois êtres qui s’aiment et réalisent qu’ils s’épaulent. Joseph, dépressif, portant le deuil de son grand-frère, décide d’abandonner son métier de médecin – réputé – pour se consacrer tant bien que mal à l’écriture. Joachim étudie la psychiatrie mais ne s’investit guère dans ses études, focalisant sur ses déboires sentimentaux. Quant à Ivan, il observe les choses d’un œil interrogatif, ce qui le plonge dans la rébellion à tendance délire mystique …

Quel bonheur de découvrir Félix Moati réalisateur, et, qui plus est, d’un très bon premier film. On le connait d’abord acteur de talent, notamment dans Gaspard va au mariage d’Antony Cordier. Et au cours de cette même année 2018, il nous a fait rire dans la comédie à l’immense succès Le grand bain de Gilles Lellouche, en champion d’apnée. Dans ce film, il donnait la réplique au grand Benoît Poelvoorde, qu’il vient donc maintenant de faire tourner. Même chose pour Vincent Lacoste, avec qui il jouait dans Hippocrate de Thomas Litli (2014), et Anaïs Desmoutier dans A trois, on y va de Jérôme Bonnell (2015). Le cinéma semble donc être une histoire d’amitié fidèle pour Félix. Mais pas seulement. Pour son scénario de Deux fils, il a écrit une belle histoire de famille dans laquelle il pose un regard tendre et admiratif sur ses trois acteurs principaux – Benoît, Vincent, et le jeune intriguant Mathieu Capella. Il révèle en Benoît une authenticité dans son jeu, un état de douceur teinté de tristesse et de calme qui se maintient sans heurts, sans sursaut d’humeur. Une sobriété touchante. Il met en avant la nonchalance de Vincent, ainsi que son charme, sa mélancolie et sa drôlerie tranquille. Il nous fait découvrir le magnétisme et l’incroyable maturité de Mathieu Capella, âgé de 13 ans. Et, autour de ce trio magnifique, il met en scène des seconds rôles tels que ceux d’Anaïs Demoustier et de Noémie Lvovsky, pour notre plus grand plaisir.

Deux fils est un film d’amour familial exclusivement masculin et très sensible. Une idée de départ déjà forte en soi de la part du scénariste-réalisateur – inspiré par quelques uns de ses souvenirs personnels. Ivan est un collégien atypique, très fin d’esprit, assez silencieux, mais réac’ dans son for intérieur qui, parfois, s’exprime. Au quotidien, il se passionne pour le Christ, Le Nouveau Testament et le latin. Comme les ados de son âge, il connait ses sérieux premiers émois, et c’est sur Mélissa, une fille de sa classe, qu’il a jeté son dévolu. Et, comme les ados de son âge, Mélissa le snobe, bien évidemment. Ce qui fait que, pour Ivan, tout n’est pas facile. Est-ce pour cela qu’il se met à boire et à fumer des clopes ? Ce n’est pas tout. Ivan est au centre du propos du film, le pivot de sa famille. C’est avec lui que les prises de conscience vont finir par germer. Il aurait besoin de s’accrocher à ses deux modèles : son père et son grand frère. Sauf que ces deux là sont en perte de repères, en deuil et en reconstruction. Joseph, un homme bon, était un grand médecin. Il a plaqué son travail pour être romancier. Avec optimisme, pour avancer (il est malheureux à cause de son célibat et de la perte de son frère Jean). Mais, en atteste une lecture publique pathétique de son ouvrage, il est plutôt mauvais auteur. Le frère ainé d’Ivan, Joachim, patauge lui aussi. Cela fait deux ans qu’il est bloqué sur sa thèse de psychiatrie, depuis le début de son grand chagrin d’amour. Du coup, des regards peinés sont posés les uns sur les autres, chacun se sentant impuissant face à ces situations. Ivan voit son frangin dépérir, Joachim ne fait plus attention à son père, Joseph est déphasé.

Mais ces hommes vont s’accrocher et leur filialité se renforcer. Car même s’ils se provoquent, ils s’aiment tendrement et ont en commun le fait de souffrir de l’absence d’un être cher (le frère décédé, l’ex petite amie, la copine de collège qui snobe) : ils sont véritablement en quête d’amour pour aller de l’avant. A trois âges différents, c’est l’homme moderne qui nous est donné à observer, délicatement. Avec simplicité, humanité et profondeur. Le spectateur peut facilement s’identifier à l’un des personnages du film, et ressentir le climat familial, tout en retenue, parfois un peu brusque, souvent très doux. Et dans cette solidarité ambiante, le ton n’est pas tragique. Deux fils ne se classe pas dans un genre précis (c’est ce qui le rend très personnel). Si ce n’est une certaine référence à Woody Allen. Parce qu’on se sent bien, dans un Paris, joli, tendrement filmé – dans des quartiers qu’affectionne le réalisateur. Parce qu’on écoute une très belle B.O. jazzy. Parce que les dialogues sont soignés. Et parce que l’on se sent dans une atmosphère élégante et tranquille, à la fois forte et fragile, entre gravité et légèreté, drame et humour – on rit de nombreuses situations au romantisme burlesque. Plein de fraîcheur, juste, attachant et sincère : c’est un premier film méritant, vraiment réussi.

Un film à l’affiche aux Cinémas Studio (Toutes les informations utiles sur leur site internet).


Minuscule 2 – Les mandibules du bout du monde (Film d’animation français)

De Thomas Szabo et Hélène Giraud

Avec Thierry Frémont, Bruno Salomone …

Isolée dans les montagnes enneigées de la vallée des Alpes, une petite famille de coccinelles est amie avec une colonie de fourmis téméraires. Ces dernières s’aventurent dans l’épicerie du village pour y soutirer quelques victuailles. Papa coccinelle vient à la rescousse, son fils le suit mais il n’aurait pas dû … En effet, la boutique fournit le monde entier en produits alimentaires variés, et, lors de la mise en cartons, coccinelle fils tombe dans celui étiqueté « Guadeloupe ». Papa coccinelle part en urgence à l’autre bout du monde, avec ses amies la fourmi et l’araignée, pour retrouver son fils et le ramener sain et sauf à la maison.

Quelle magie, quelle minutie, quelle beauté, quelle merveille ! Cette création entièrement française, unique, presque « artisanale », n’a rien à envier aux grosses productions américaines de type Pixar. Ici, les images de synthèse, ce sont uniquement les petits insectes et les éléments de décor. Les personnages évoluent dans la nature traitée en prises de vue réelles, ce qui confère à l’ensemble un réalisme teinté de rêve. C’est un travail titanesque, de la broderie haute-couture. De vrais acteurs sont parfois présents. Il n’y a aucun dialogue, aucune voix. Uniquement des sons, fabuleux, entre des « zzzzz », des « ikikikik », des « fffff » et autres … Et la musique, envoûtante, de Mathieu Lamboley. Les yeux des petites bêtes sont de gros ronds blancs avec un point noir dessus, qui prennent une direction …, et hop, la réalité vit, les expressions sont touchantes – émouvantes, même. Les personnages sont ainsi très singuliers, puisqu’ils allient simplicité formelle et puissance expressive grâce à l’émission des sons et aux jeux de regards. Minuscule 2 est sans doute encore plus réussi que le premier volet – La Vallée des fourmis perdues (2014) – une histoire qui se passait en forêt et en campagne. L’image est épurée, l’esthétique est d’une splendeur à la Miyazaki : c’est un éloge de la beauté qu’offre notre Terre. Les réalisateurs nous envoient, plein les mirettes, une galerie d’images paradisiaques depuis les Caraïbes, avec ses plages et ses forêts tropicales. Tout ce vert et tout ce bleu chatoyants … Et le soleil, le voyage, le paradis ! De plus, le scénario est riche et la dynamique efficace. Suspense, course-poursuite et rebondissements sont au cœur d’une grande aventure faite de rencontres qui vont chambouler la vie d’un père et de son fils : avec une mante religieuse, des phasmes, des colibris, des chenilles urticantes, des crabes, des plantes carnivores, une mygale… On s’identifie facilement à tous ces insectes aux attitudes assez humaines, ainsi qu’aux enjeux du film qui traite de l’amour filial, de l’émancipation de l’enfant et de l’amitié solidaire. C’est beau, tendre, jamais mièvre. Drôle, aussi – surtout quand la coccinelle émet ses petits pets verts ! – burlesque et féérique. On ne s’ennuie pas une seconde durant cet incroyable voyage au bout du monde, qui s’effectue à bord d’un bateau pirate (des Caraïbes …), suspendu par des ballons gonflés à l’hélium, volant dans les airs, et se retrouvant un temps dans les mers et dans le ventre d’un requin … Enfin, Minuscule 2, bijou exemplaire du cinéma d’animation, délivre un message écologique très fort et émeut fortement. Destiné aux plus petits tout autant qu’aux plus grands, il éblouit et empoigne vraiment les adultes. Car la fin est d’une mélancolie poétique tellement magnifique qu’elle nous touche en plein cœur. Une perfection.

Un film à l’affiche aux Cinémas Studio (Toutes les informations utiles sur leur site internet) et aux cinémas CGR (toutes les informations utiles sur leur site internet).


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