Il est fréquent que des œuvres réalisées en Centre-Val de Loire réussissent la performance d’une nomination en compétition au festival de Cannes, ainsi qu’aux Césars, la cérémonie annuelle de récompense du cinéma français. Cela est lié notamment aux qualités de l’agence Ciclic, l’organe du Conseil Régional dédié au financement du 7e art. Et souvent, il s’agit de courts-métrages d’animation grâce à l’existence de studios dans la ville de Vendôme en Loir-et-Cher.
C’est en partie là-bas que Beurk a été préparé. Dessin animé de 12 minutes narrant les premiers émois amoureux des enfants, il a été acquis par France Télévisions qui le diffuse gratuitement sur sa plateforme Internet France.tv. Il est également au cinéma depuis ce 5 février, diffusé par le réseau Cinéma Public Films Au générique, on découvre que c’est une production tourangelle via la société Ikki Films basée dans la tour de l’ancienne imprimerie Mame, Boulevard Preuilly.
Beurk est un chef d’œuvre dans son domaine. Un film drôle et sensible, avec une idée malicieuse : quand deux personnes sont attirées l’une par l’autre, leurs lèvres deviennent roses et scintillantes. De quoi inciter à se faire des bisous. D’abord écœurés par les adultes qui s’adonnent à ce plaisir de la vie, les enfants d’un camping finissent par y céder eux aussi, non sans subir les moqueries de leurs camarades.
Malgré son procédé fictionnel, cette réalisation de Loïc Espuche semble très fidèle à la réalité de l’enfance. De quoi toucher de façon très large. Avec une trentaine de prix, l’œuvre a été très remarquée dans les festivals où elle a été sélectionnée au point d’obtenir une nomination aux Oscars 2025, la plus prestigieuse des cérémonies cinéma au monde. Les Césars l’ont également sélectionnée pour un prix potentiel dans la catégorie court-métrage d’animation.
Un tel doublé c’est une prouesse pour le projet d’une petite société comptant seulement un bureau d’environ 20m² en centre-ville de Tours. Cela dit, c’est déjà la 2e fois qu’Ikki Films emmène ainsi un film jusqu’à Hollywood. « Le réalisateur est le compagnon de notre collaboratrice Juliette Marquet. Cela voulait longtemps que l’on voulait travailler avec lui et c’était l’occasion pour elle de monter sa première production » explique Nidia Santiago, la responsable de la société.
« Nous faisons peu de projets pour les enfants mais là c’est différent car c’est un film qui parle aussi aux adultes, avec un graphisme qui nous plaisait beaucoup » détaille la productrice, touchée par l’accueil assez unanime autour de cette réalisation « intemporelle et universelle » qui devrait profiter de son exposition aux Etats-Unis et aux Césars pour multiplier ses ventes dans le monde. Voir se retrouver primée. Pour cela, il va falloir faire campagne pendant plusieurs semaines en Californie, ce qui ne sera pas simple car les sociétés indépendantes ont souvent du mal à exister face aux mastodontes que sont Disney, Pixar ou Dreamworks, « mais cette année ils n’ont pas trop de nommés donc ça nous laisse plus de chances » glisse Nidia Santiago.
Parmi les atouts de Beurk : le fait d’avoir demandé aux enfants de réaliser le doublage avec une technique particulière. Ces derniers étaient en mouvement, permettant par exemple de capter leur essoufflement. « Il les a fait jouer comme si ils vivaient l’expérience, c’était un vrai jeu ce qui rend l’ensemble très réaliste, très juste » relève la productrice. Le tout avec un graphisme « très joli, très touchant », et un scénario très travaillé (plusieurs dizaines de versions avant de trouver le texte final).
Le succès de ce court-métrage est évidemment une grande chance pour Ikki Films, et plus globalement pour les productions indépendantes françaises. « Cela montre ce qu’on est capables de faire » insiste Nidia Santiago qui prépare son prochain grand projet pour dans quelques mois : un long-métrage adapté d’un roman de la star Amélie Nothomb, Amélie et la métaphysique des tubes. Il sera diffusé en salles, et a déjà été vendu à Canal+ ou France Télévisions.
