Château Noir, bombe à retardement

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Après un faux départ et un accouchement dans la douleur, le rap français, et surtout francophone, naissait il y a une trentaine d’années (certains officialisent cette naissance avec la compil «Rapattitude» en 1990, d’autres avec «Paname City Rappin’» de Dee Nasty en 1984 – débat sans fin). Même s’il a été depuis royalement massacré par des armées de pantins commerciaux et/ou de losers qui n’avaient rien à dire (et le disaient mal), ce style sait rester d’une fraîcheur revigorante ou d’une noirceur créative brillamment renouvelée.

Aussi aguerri et éclectique que mûr et déterminé, avec un fonctionnement underground et old school (improvisations, évolution au feeling, mixtapes éphémères, sensibilités à fleur de peau), le jeune (environ 100 ans à eux cinq) collectif tourangeau Château Noir commence enfin à sortir de l’ombre après quelques prods distillées au compte-gouttes et sans tambour ni trompettes, depuis environ deux ans.

Un clip sorti ce lundi pourrait être la première pierre d’un semblant d’installation dans le paysage tourangeau de l’univers complexe d’un projet aussi insaisissable et flou qu’ambitieux et excitant. Soutenu par des connaisseurs aux goûts sûrs comme Chevalien et Valentin Pedler (Mopa), Château Noir pourrait bien être une magnifique réponse à l’écrasante domination locale depuis quelques années des références Nivek et Dees Chan – deux artistes majeurs de la scène locale.

Ses cinq membres, une fois libérés de leurs nombreux projets solo respectifs, pourraient ensemble confirmer leur immense talent aperçu dans leur Soundcloud étonnant et casser la barraque en 2016. Avant cette explosion et cette reconnaissance annoncées, nous les avons apprivoisés, puis kidnappés une petite heure pour en savoir plus.

chateau noir

Line-up d’un club des cinq plutôt barré :

Synaï / Tahity / Yung San / Nacrée / Toad

37 degrés : Tahity et Yung San, vous vous êtes rencontrés au lycée ?

Tahity & Yung San : Oui à l’internat du Lycée Albert Bayet il y a trois ans, on était en industries graphiques. On vient de Paris, Chartres et Vendôme. On a fini nos études et on travaille à Tours, mais pas du tout dans ce domaine. Au départ on avait un trio avec Mollo, Shenrom Armor, on n’avait jamais fait de musique avant. On composait dans notre chambre d’internat, avec le Mac de Tahity, enfin «composer» est un bien grand mot : on rappait sur des prods qu’on trouvait sur internet.

37 degrés : Nacrée, tu viens de Paris, comment tu as atterri à Tours ?

Danslamercedesnacrée : J’ai rôdé par ici à l’occasion d’un concert de Joke, un rappeur de Montpellier au Hurricane’s, puis je me suis installé pour mes études, après un an en école d’ingé son et un an en lettres à la Sorbonne. A ce concert j’ai croisé Toad, on était dehors à plusieurs, on faisait du freestyle ; c’est un classique du genre : tu as un concert de rap, le public est bourré de rappeurs et pas mal d’entre eux préfèrent aller freestyler dans la rue plutôt que rester à l’intérieur à écouter le concert ! On s’est recroisés après à des open mics et puis on est devenus potes et on faisait du freestyle devant chez nous dans la rue.

Toad : Un jour un mec est arrivé et nous a offert un micro, comme ça, sans raison !

37 degrés : Le duo Toad + danslamercedesnacrée n’avait pas de nom au départ ?

Danslamercedesnacrée : Non, on ne se posait pas ce genre de question. On faisait des morceaux avec ce fameux micro, un mac et une carte son. Par la suite, on est devenus le Styx Yacht Club. Puis on a rencontré les autres. J’étais le seul à avoir un appart, qui était devenu une espèce de salle de répétition et un peu un squat des fois. Mollo qui venait de Vendôme passait beaucoup de temps avec nous et un jour il nous a présenté à Tahity et Yung San. On a vite senti qu’on pouvait faire quelque chose ensemble.

37 degrés : Toi Toad tu sors d’où ?

Toad : Je viens de Bourges, mais j’ai grandi à Tours. J’avais un groupe quand j’ai rencontré Nacrée. Je travaille sur un projet solo qui s’appelle Alchimie. Il manque encore quelques sons et il faut payer l’ingénieur du son (GFio studio), donc j’en ai encore pour plusieurs mois pour terminer l’album, 13 titres a priori.

37 degrés : Vous semblez tous très indépendants et très attachés à vos projets solo ou en duo, comment vous arrivez à travailler tous ensemble ?

Château Noir : Mais parce qu’on est potes ! (rires). C’est vrai qu’on est tous sur nos projets solo, on ne se fixe pas trop, mais notre projet collectif se profile peu à peu, même si c’est encore embryonnaire. On a envie de faire un truc ensemble, mais tant qu’on n’a pas de producteurs pour avoir un bon gros son, on ne peut pas vraiment envisager un EP ou un album, donc pour l’instant on balance des «singles» sur notre Soundcloud. Ce sont des sons poubelles, des trucs spontanés, qu’on ne reprendra pas le jour où on entrera en studio. On prend des prods sur i-Tunes et on rappe dessus. On avance comme ça, c’est notre façon d’être.

danslamercedesnacrée : Moi j’ai ce sentiment, qui vient de la culture du rap américain, qu’il faut faire ses preuves en solo, que c’est une sorte de défi permanent. Travailler concrètement et régulièrement comme un «groupe», c’est une démarche vraiment très différente. J’aimerais que dans les prochains mois on parte s’enfermer tous les cinq dans une maison paumée et qu’on enregistre du Château Noir du matin au soir.

37 degrés : Vous avez fait un premier vrai concert à Angers récemment ?

Château Noir : On a déjà joué avec Chevalien au Hurricane’s, mais c’est vrai que ce concert à Angers en première partie de Mopa le 30 mai 2015 a été un super moment pour nous. Nacrée rappe sur deux morceaux de Mopa sur scène donc comme il manquait un groupe pour la soirée, Valentin Pedler nous a invités.

37 degrés : Votre pensez quoi de Chevalien ?

Château Noir : Lui c’est crado, alors que nous c’est plutôt… lugubre (rires) ! Il fait des prods de ouf, s’il arrive à rentrer dans un certain milieu il va cartonner, les mecs vont s’arracher ses prods. Même si c’est bien produit avec un son chiadé qui n’est pas forcément notre truc, ce côté gothique nous plaît.

danslamercedesnacrée : Moi je me vois bien rapper sur des prods de Chevalien…

37 degrés : On peut s’attendre à d’autres sorties signées Château Noir?

Château Noir : Oui, mais sans dates précises. Ce sera des singles balancés au gré de nos rencontres et de nos inspirations, on reste pour l’instant sur ce côté imprévu, au jour le jour.

Un degré en plus

> L’album 9 titres du duo Toad + danslamercedesnacrée Styx Yacht Club sorti en mai dernier :

crédits photos : Laurent Geneix pour 37 degrés

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