Caroline Forestier, donneuse de voix

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Jamais rassasiée de projets, celle que certains connaissent via ses groupes passés (Les Morfolles, Maramiaou, Les Cocottes Minute) et d’autres par son travail au sein de la Compagnie Off, s’est épanouie en solo ces dernières années avec son spectacle «lyrico-optimiste» La Bavarde (au Léon), et en duo avec All That Glam’. Au cours d’un long entretien qu’elle nous a accordé, elle nous a en plus alléchés avec un projet en trio autour de Thiéfaine qui devrait voir le jour dans quelques semaines.

La Bavarde

37° : Comment est née la Bavarde ?

DSC_1117Caroline Forestier : C’est un aboutissement, un passage de travaux collectifs où je me fondais dans le groupe à un travail individuel dans lequel je n’ai pas d’autre choix que d’assumer ma présence, mes textes et mes chansons. Cette évolution a été très progressive. J’ai démarré comme violoniste dans des orchestres symphoniques, dont l’Orchestre des Jeunes du Centre, puis à six dans le groupe Les Morfolles entre 1996 et 1998 où je me suis évidemment sentie plus exposée. De là, je me suis retrouvée en duo dans Maramiaou, on a fait plein de premières parties (Arno, La Tordue, Blankass, Nonnes Troppo…), c’était un duo de filles, très déconnant, autour de reprises de vieilles chansons réalistes.

37° : Vous avez fait un petit break par la suite ?

Caroline Forestier : Au début des années 2000, j’ai travaillé quelques temps en bibliothèque. Puis je suis repartie sur d’autres projets artistiques, entre Tours, où je bossais avec les Cocottes Minute, et le Gers, où je travaillais avec le groupe de rock Les Pères Lacrampe, et avec le conteur Frédéric David et sa compagnie Monde à Part. Parallèlement, je commençais à écrire des chansons que je gardais pour moi et que je ne chantais pas.

37° : C’est à ce moment-là que vous vous êtes fait un nouvel ami important…

Caroline Forestier : Oui, mon Léon, qui m’accompagne sur la Bavarde ! J’ai acheté un accordéon pour me permettre de chanter seule. C’est un peu mon troisième poumon, une extension corporelle. Mais je ne suis pas accordéoniste. Ma formation classique au violon et au piano, et le fait d’avoir travaillé pendant de nombreuses années avec Servane Guittier, accordéonniste des Morfolles et de Maramiaou, m’ont aidée à comprendre cet instrument assez rapidement. Dans La Bavarde, je m’accompagne uniquement de la main gauche, pour les harmoniques. Pour moi, le texte prime avant tout, et je ne veux pas que Léon prenne trop de place… (sourire). C’est un compagnon fidèle, mais un peu encombrant !

«Sur scène, j’ai eu pendant longtemps l’envie de m’excuser d’être là.»

37° : C’est un peu grâce à lui que vous vous êtes enfin décidée à monter seule sur scène ?

Caroline Forestier : A lui et à mon entourage aussi. Pendant des années j’ai eu un gros problème d’ego à gérer, une sorte de conflit narcissique : j’avais d’un côté envie d’être sur scène, d’être écoutée, applaudie; mais d’un autre côté, le réflexe, sans doute dû à mon éducation judéo-chrétienne, de ne pas me mettre en avant, parce que c’est prétentieux. J’ai eu du coup pendant longtemps l’envie de m’excuser d’être là. Il y avait cette dualité permanente en moi, et puis j’adore le travail d’équipe, se mettre au service d’un projet commun. Ce qui n’est pas du tout la même chose que d’être au service de son propre projet. Aujourd’hui, je l’assume enfin et j’ai même commencé à franchir l’étape suivante : celle de proposer à d’autres personnes d’être au service de mes projets.

37° : Comment décririez-vous simplement La Bavarde ?

Caroline Forestier : Le spectacle s’intitule « Quelques maux d’amour ». C’est une déclinaison en textes et chansons de la communication amoureuse. Certains textes viennent de mes expériences personnelles, d’autres sont plutôt à l’opposé de ce que je suis, même s’ils sont tous à la première personne du singulier. Certains pour lesquels j’ai composé ne sont pas de moi, mais résonnent profondément. Il y a un côté théâtral très fort. La Bavarde est avant tout un personnage, qui aborde les différents type d’amoureux : ceux qui en disent trop, ceux qui n’en disent pas assez, ceux qui ne savent pas dire, ceux qui ne veulent pas entendre, ceux qui ne parlent qu’avec leur corps, ceux qui sont violents pour dire leur amour, ceux qui écrivent plutôt que de parler… Ce spectacle est un encouragement à s’exprimer, à parler à l’être aimé.

«La Bavarde s’adresse directement aux spectateurs et c’est sa particularité et sa force»

37° : Vous poussez d’ailleurs cette idée d’encouragement assez loin dans une forme plus interactive du spectacle. Vous pouvez nous en dire un peu plus ?

Caroline Forestier : J’échange beaucoup avec le public dans la forme «scènique» de La Bavarde. La Bavarde ne reste pas dans son univers, elle s’adresse directement aux spectateurs et c’est sa particularité et sa force. J’ai beaucoup travaillé la mise en scène, notamment lors d’une résidence à Vaugarni. Mais il y a une version «rue» ou «événements privés» dans laquelle je prends des spectateurs individuellement à parti, en grande promiscuité, dans un principe de séduction, en accrochant leur regard sans un mot avant de susurrer un texte ou une chanson, pour les bousculer et générer une émotion dans l’instant et l’échange. J’appelle ça de la «chanson bulle», c’est du «un pour un». Certains rient, d’autres pleurent parfois, mais je sais aussi « libérer » rapidement la personne que j’ai choisie quand je sens que ça va être émotionnellement trop douloureux et/ou compliqué pour elle. Ce travail m’a aidée à ne plus redouter le regard du public sur scène, à m’en nourrir pour faire passer les émotions.

37° : Vu sous cet angle, La Bavarde sur disque, c’est un peu comme un papillon épinglé sur une plaque de liège ?

Caroline Forestier : C’est autre chose, bien sûr, mais c’était important pour moi « d’accoucher » de cet album, pas seulement pour la promotion du spectacle. C’est un aboutissement et un repère.

37° : Vous présentez La Bavarde comme un spectacle à part entière, plus qu’un concert. Cela veut-il dire qu’il n’y aura pas de suite, pas d’autres albums ?

Caroline Forestier : Le spectacle a beaucoup évolué entre 2010 et 2012. Depuis, il est dans une forme aboutie qui me convient. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne bouge pas : j’écris encore des chansons, je n’ai pas encore épuisé le sujet, loin de là. Je pourrais aussi le rallonger un peu car actuellement il dure une heure et je pourrais passer à 1h15, mais avec beaucoup de précaution et pour de bonnes raisons car les courbes rythmiques et la manière de toucher les gens sont très travaillées et structurées, donc il ne s’agit pas de bousculer tout ça au risque de perdre l’essentiel.

 > Prochain spectacle de La Bavarde : le samedi 27 juin à la Guinguette de Tours-sur-Loire (gratuit)

 All That Glam’

37° : Vous avez une formation classique en violon et en chant au Conservatoire de Tours, comment vous en êtes venue au jazz ?

Caroline Forestier : J’ai découvert le jazz par le cinéma, quand j’étais adolescente. Je dévorais des vieux films aux Studios, des comédies musicales avec Fred Astaire, Gene Kelly, Rita Hayworth, mais aussi des films noirs ou des comédies. En terminale à Paul-Louis Courier, je séchais mes cours d’allemand le vendredi pour aller à la séance de 16h, et cet univers musical si particulier m’a beaucoup plu. C’est très ancré en moi et All That Glam’ est un écho à ces années-là dans mon parcours.

37° : Vous reprenez des standards de jazz des années 30 à 50, tels que «My Funny Valentine», «Somewhere» ou «Stormy Weather», avec le pianiste Ludovic François. Peut-on vous qualifier de «chanteuse de jazz» ?

Caroline Forestier : J’ai eu aussi beaucoup de mal avec ça, car je ne me sens pas forcément légitime au départ. C’est comme pour le théâtre, j’ai longtemps eu du mal à dire que j’étais comédienne, car j’ai appris sur le tas. Aujourd’hui, j’assume enfin, mais cela a été le fruit d’un long travail sur moi et d’un long travail tout court. Chanson, rock, jazz, théâtre ou cinéma… avant tout je me sens interprète.

Nous avons fait quelques dates fin 2014 et allons reprendre en avril. J’aimerais pouvoir aller plus loin en présentant ce répertoire avec d’autres musiciens. J’aime aussi l’idée que ce concert puisse être donné dans des bars et des restaurants, ce que je peux difficilement faire avec La Bavarde.

> Prochain concert de All That Glam’ : le samedi 18 avril pour l’Inauguration du Point Haut à Saint-Pierre-des-Corps

Projet autour de Thiéfaine

37° : Aucune date n’est prévue pour l’instant mais on devrait pouvoir découvrir ce répertoire avant ou pendant l’été… Pouvez-vous nous en dire deux mots ?

Caroline Forestier : C’est une idée de Guillaume Berthet-Garnier (Polémix et la Voix Off), qui m’a proposé une collaboration à trois, avec Miloud Amrane (Emile Pilas). Ce sont des reprises très libres d’Hubert-Félix Thiéfaine, avec des influences diverses, bossa nova, rock ou jazzy, avec des clins d’oeil à Metallica, Jesse Garon ou la Panthère Rose… En gros, on s’amuse à mélanger nos références musicales ! Nous en sommes à quelques répétitions, mais nous avons des pistes pour quelques dates, dont une fin mai et sans doute une autre en juin… ça devrait s’appeler «Autorisation de délirer».

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