Un test immunitaire du Covid-19 élaboré à l’Université de Tours

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Après des mois de crise sanitaire liée à l’apparition du coronavirus Covid-19, la capacité de la France à tester sa population est présentée comme un des grands enjeux à mener pour réussir le déconfinement… et éviter une 2e vague de l’épidémie. Actuellement, on ne pratique que des tests dits PCR, en introduisant un écouvillon dans le nez. Ils permettent de savoir si l’on est présentement infecté(e) par le virus et le gouvernement espère être capable d’en réaliser 700 000 par semaine pour tester toutes les personnes qui présentent des symptômes + leur entourage.

La prochaine étape consiste à développer des tests sérologiques (= tests sanguins), capables de déterminer si quelqu’un a été en contact avec le virus par le passé, développant alors des anticorps pour s’en protéger. De nombreux scientifiques travaillent à une mise au point de ces tests, dont deux à l’Université de Tours.

En ce moment il n’y a plus grand monde dans les couloirs et les salles de l’Université de Tours : les étudiants travaillent à distance pour cause de confinement et les cours ne reprendront pas avant la rentrée de septembre. Cela dit, quelques équipes de recherche poursuivent leurs travaux, exclusivement concentrés sur l’étude du Covid-19. Par exemple, la fac de médecine le cultive pour l’examiner en profondeur. Et à Grandmont, le Pr Antoine Touzé se concentre sur la façon de détecter son passage dans le corps humain.

Le Pr Touzé fait partie de l’équipe de biologie des infections à polyomavirus (UMR – INRAE) de l’Université. « Nous ne sommes pas spécialistes des coronavirus mais nous avons une expérience pour les papillomavirus ou l’hépatite B sur lesquels nous avons déjà développé des tests » nous dit-il par téléphone, depuis son bureau. Dans le cadre de ce travail, il est en lien avec le Dr Etienne Brochot virologue au CHU d’Amiens, un hôpital touché par l’épidémie dès les premières semaines, lorsque le département de l’Oise devient un cluster du Covid-19. « L’Oise n’avait pas de laboratoire pour faire les tests. Ils ont tout dirigé vers le CHU d’Amiens puis Etienne m’a contacté pour me proposer de travailler avec lui » poursuit l’universitaire tourangeau. C’était il y deux mois.

L’espoir de résultats en 3h

L’enjeu des recherches menées à l’Université de Tours ce n’est pas de mettre en évidence le virus en lui-même mais de détecter les anticorps que le corps humain fabrique pour s’en protéger. Les identifier permet d’affirmer qu’une personne a été infectée par le Covid-19, même si elle n’a pas déclenché de symptômes de la maladie. En temps de déconfinement, c’est une opération capitale si on veut déterminer quelle proportion de la population a été infectée. Pour apporter une réponse, Antoine Touzé et ses collègues ne travaillent pas directement sur le virus mais sur des protéines qui le composent (obtenues par expression dans une bactérie). Ainsi, les matières qu’ils manipulent sont totalement dépourvues d’agent pathogène : il n’y a aucun risque de contamination des chercheurs.

Ce qu’ils veulent établir c’est un test sérologique. On analyse le sérum et on obtient le résultat « en 3h ». Le processus repose sur la recherche d’anticorps qui peuvent lutter contre une protéine présente dans la composition du nouveau coronavirus. L’équipe tourangelle a choisi la protéine N, pour nucléoprotéine. « Contrairement à la protéine S, cette espèce de champignon qui bourgeonne à la surface du virus, celle-ci est interne. Elle emballe le génome du virus » détaille Antoine Touzé.

En analysant les prélèvements de 200 patients d’Amiens guéris et précédemment testés par un écouvillon nasal, ils sont parvenus à mettre en évidence les anticorps dirigés contre la protéine N. Deuxième étape : s’assurer qu’elle est bien spécifique au Covid-19. Et pour ça, « nous avons récupéré le sérum de patients atteints par d’autres coronavirus, des coronavirus saisonniers responsables seulement de rhumes. Les tests effectués ont monté qu’il n’y avait pas de réactivité avec notre protéine. » Un premier pas, mais à écouter le scientifique il faut aller plus loin :

« Le meilleur test sera probablement celui qui mélangera la détection des anticorps dirigés contre les protéines S et N. »

Un fragment important de cette protéine S vient d’ailleurs d’être produit et les résultats de son utilisation pour la sérologie sont attendus cette semaine.

Une société intéressée pour produire le test à grande échelle

A ce jour, les autorités de santé n’ont pas encore homologué de test sérologique pour le nouveau coronavirus mais 8 d’entre eux ont déjà été validés par le centre national de référence Pasteur. Celui qui est développé à Grandmont n’en fait pas partie car son élaboration n’est pas terminée. Ce sera peut-être le cas d’ici un mois. Signe de l’intérêt suscité par ses travaux, une société a approché l’équipe pour prendre en charge le développement du produit à grande échelle. Le Pr Touzé refuse d’en donner le nom tant que rien n’est signé.

Une précision s’impose : identifier la présence d’anticorps générés par les patients infectés ne signifie pas qu’ils sont définitivement immunisés contre la maladie. « Ce test ELISA permet de mesurer une réponse globale. Il ne permet pas de dire si ces anticorps sont capables de neutraliser le virus » insiste le chercheur tourangeau. Outre les travaux sur les tests de diagnostic, son équipe travaille également sur un projet de vaccin avec Isabelle Dimier-Poisson de l’équipe BioMap (UMR INRAE), également rattachée à l’Université de Tours. « Un challenge plus important » commente Antoine Touzé, même s’il a déjà été relevé pour le virus SARS apparu en 2003 ou le MERS en 2009. Le procédé consiste à reproduire une structure appelée pseudo-particule virale qui ressemble au coronavirus, mais sans disposer de son matériel génétique. Lui aussi devrait être achevé d’ici deux mois, ouvrant la voie à des tests sur des souris puis – plus tard – à des essais sur l’homme.

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