Tours Métropole, 2014-2020 : que retenir du mandat de Philippe Briand ?

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Quand il a pris les rênes de l’agglomération en 2014 à la suite de Jean Germain, Philippe Briand était président de Tour(s)Plus. 6 ans plus tard, le maire Les Républicains de Saint-Cyr-sur-Loire achève son mandat en tant que président de Tours Métropole Val de Loire. Un changement de nom qui n’est pas seulement cosmétique.

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Au printemps 2014, faire de Tour(s)Plus une métropole ne figurait pas vraiment dans le programme des différents candidats aux élections municipales. Clairement, le sujet ne faisait pas la Une. Néanmoins, petit à petit, il s’est imposé dans l’actualité et dans les discours. Le premier qui en a parlé sérieusement c’était un préfet : Louis Le Franc, persuadé que l’agglomération avait un coup à jouer en répondant à l’appel de l’Etat qui envisageait de faire progresser le nombre de métropoles en France. Alors un vaste plan de lobbying politique s’est engagé pour convaincre un ministre tout sauf motivé (Jean-Michel Baylet). Il fallait absolument montrer que Tours avait les atouts d’une très grande ville même si elle ne rassemblait « que » 300 000 habitants avec sa banlieue et qu’elle était relativement proche de Paris ou de Nantes.

Cette affaire a duré de longs mois, le dossier transitant par l’Assemblée voire l’Elysée. Le président Philippe Briand a fait chauffer son répertoire, le député socialiste de l’époque Jean-Patrick Gille aussi ! Comble : au même moment la rivale historique du Val de Loire Orléans s’engageait dans la même démarche. Deux métropoles à 100km de distance et dans la même région ? sacré caillou dans la chaussure… Certains trouvaient ça complètement incongru. Une raison de plus pour que Jean-Michel Baylet dise non. Ou qu’il n’y en ait qu’une des deux qui reparte avec le sésame.

L’espoir de toucher des millions qui ne sont jamais arrivés

A force d’insistance, de réunions, de beaux discours, Tours a obtenu cette autorisation de devenir une Métropole après un passage par le statut intermédiaire de communauté urbaine. Même scénario à Orléans. Dans quel but ? Le prestige, l’argument principal étant de se glisser dans le top 15 des grandes villes de l’hexagone. Mais pas que. Être Métropole au quotidien cela signifie que l’agglomération prend beaucoup plus de poids dans la vie et qu’elle a le dernier mot sur plein de sujets. Elle gère les routes, l’eau, les parcs et jardins en plus de ce qu’elle pilotait déjà (transports, économie, gestion des déchets). Parfois ça se fait au détriment des mairies, avec le risque de se couper d’une certaine proximité pourtant indispensable à cet échelon local.

La croisade pour passer en Métropole, les élus l’ont aussi engagée avec l’espoir de bénéficier d’une carotte de l’Etat : une enveloppe financière de plusieurs millions d’euros à l’heure où l’exécutif avait plutôt tendance à réduire les crédits pour les collectivités locales.

Ces millions, Tours Métropole n’en a jamais vraiment vu la couleur. A défaut, elle a lancé une dynamique de territoire en profitant de cette nouvelle entité pour démarcher des entreprises (donc des emplois), attirer des établissements d’études supérieures, faire de la promotion touristique ou renforcer sa visibilité internationale.

Une nouvelle organisation à trouver pour le personnel

Trois ans plus tard, est-ce efficace ? Il est trop tôt pour tirer un bilan définitif. Indéniablement, on sent une certaine motivation politique ou dans les services pour faire briller le territoire mais ce n’est pas si simple tant il existe une robuste concurrence entre les territoires. L’objectif est de se faire remarquer par des initiatives et du volontarisme afin que l’on pense à Tours le plus souvent possible. Bénéficier de cette vitrine est donc un atout et quelques entreprises s’installent déjà. Pour que ce soit efficace à long terme, il faut que tout roule dans l’arrière-cuisine. Objectivement, ce n’est pas encore le cas. Le changement de statut a entraîné le transfert de centaines d’agents qui ne travaillent plus directement pour leur mairie mais pour la métropole. Il a fallu négocier les salaires, les droits sociaux… Ça ne s’est pas fait sans agitation, et ça remue encore ponctuellement car le dialogue n’est pas toujours simple entre les différents étages de la pyramide.

Quelques difficultés relationnelles avec les voisins

Tours Métropole rassemble 50% de la population d’Indre-et-Loire et on évoque parfois son agrandissement vers l’Est (jusqu’à Vouvray-Montlouis voire Amboise ?). Devenu un mastodonte, la Métropole tourangelle déclenche ponctuellement une vague de craintes dans son entourage immédiat : ne va-t-elle pas tout absorber au détriment des communautés de communes voisines (Sorigny, Loches, Chinon, Château-Renault, Pays de Racan…) ? Les crédits de l’Etat ? La notoriété ? Le prestige ? Malgré la signature de documents de coopération, les fameux contrats de réciprocité, des tensions se sont faites sentir. On pense en particulier à ce moment de 2018 où les élus de l’agglomération se sont vertement opposés au projet de village des marques de la Vallée de l’Indre. Pour l’instant avec succès, puisque le projet a été retoqué jusqu’aux instances nationales (en attendant un potentiel retour sous une autre forme). A l’inverse, la Métropole a récemment poussé pour qu’une entreprise qu’elle ne pouvait pas accueillir faute de place s’installe à Neuillé-Pont-Pierre.

Bref, Tours Métropole est dans une zone grise. Si les relations sont cordiales avec le Conseil Départemental d’Indre-et-Loire, elles sont, disons, discrètes avec la voisine orléanaise et parfois tendues avec la région Centre-Val de Loire. Un exemple : Tours Métropole n’a pas consommé toute l’enveloppe de subventions allouée par l’exécutif régional pour ses projets. D’ailleurs, elle-même n’est pas parvenue à boucler tous ses plans d’investissements : seulement 48% du budget consommé l’année de sa création (contre un peu plus de 50% les années précédentes). Depuis, les chiffres ont tout de même progressé (ils ont dépassé 60% en 2018 et 70% en 2019, ce qui devient plus commun).

Un nouveau modèle de gouvernance à expérimenter

Ce qui peut expliquer cette situation c’est que le passage en Métropole n’a pas modifié la situation financière de l’intercommunalité aux 22 municipalités. Sa dette diminue régulièrement mais reste conséquente, plombée par les emprunts réalisés pour la construction de la première ligne de tramway. Au point qu’on se pose des questions sur sa capacité à en financer une deuxième si elle ne réussit pas à lever de grosses subventions pour ce chantier.

Ses défis d’avenir sont colossaux : le tram, donc, mais aussi la requalification de la zone aéroportuaire que l’armée va quitter, la rénovation de plusieurs quartiers (Sanitas à Tours, Rabaterie à Saint-Pierre, Rabière à Joué, Maryse-Bastié à Tours), la transition écologique et enfin l’évolution de son mode de fonctionnement. A partir du mois d’avril, le conseil métropolitain ne rassemblera plus 55 élus mais plus de 80 dont 38 pour Tours et 10 de Joué quand de nombreuses communes n’auront qu’un, deux ou trois représentant(e)s. Pas simple d’exister de cette façon-là, et de faire valoir ses intérêts. Surtout que rien ne dit que le mode de gouvernance actuel avec des responsabilités pour tous les maires, même les plus petits, soit préservé. Certains de ces élus cessent d’ailleurs leur carrière à l’issue de ce mandat : Berthenay, Saint-Genouph, Saint-Etienne de Chigny ou Notre-Dame-d’Oé. Tours Métropole est à l’aube d’un bouleversement dont personne ne peut anticiper toutes les conséquences ce qui rend sa manœuvre d’autant plus délicate.

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