Sénégal-Algérie : on a suivi la soirée avec les supporters à Tours

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La ferveur footbalistique a de nouveau envahi Tours vendredi soir : en battant le Sénégal 1-0 l’Algérie a remporté sa 2e Coupe d’Afrique des Nations, 29 ans après un premier triomphe. Un match disputé au Caire en Egypte, et suivi de très près en France où les Fennecs comptent beaucoup de supporters. D’autant plus qu’un de leurs joueurs est originaire du Sanitas (Adam Ounas, passé au FCOT puis par Bordeaux) et qu’un autre a marqué plein de buts avec le Tours FC (Andy Delort). Autant de bonnes raisons de rejoindre une soirée d’abord bien tendue puis hyper festive.

Un petit garçon crie avec toute la puissance que sa gorge peut déployer : « one, two, three… Viva l’Algérie ! » Nous sommes Place Jean Jaurès, il est 23h45. Sans doute que d’habitude il dort déjà à une heure si tardive. Sa mère le regarde avec un air amusé, appuyée sur une poussette. Elle repère notre regard dirigé vers son fils et répond à notre interrogation : « il a 5 ans et, oui, il connait déjà bien l’hymne des supporters ! »

A ce moment précis, ça fait une heure que l’Algérie est championne d’Afrique pour la deuxième fois de son histoire. Victoire 1-0 des Fennecs avec un but marqué à la 2e minute de la rencontre, sur une bourde du gardien sénégalais. Un peu de chance, donc, d’autant que les Lions ont souvent dominé dans le jeu. Eux aussi auraient mérité de gagner, après un premier échec en finale de la compétition en 2002. Ils en avaient la volonté, mais ils ont manqué de réussite. Et les Algériens ont tenu bon.

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« Il n’y a que le foot qui rassemble comme ça »

Pour les supporters, pas question d’attendre les images de la remise du trophée. Dès le coup de siffler final, les rues sont envahies, les klaxons se multiplient. Un tram passe Place de la Liberté, il emmène tout le monde à la gare puis cortège à pied vers Place Jean Jaurès dans une euphorie générale. Des jeunes, des mamans, des papas, des anciens… Beaucoup ont suivi la rencontre depuis le centre social Pluriel(le)s : « on a organisé ça à la dernière minute hier, et c’est une première. Ça s’est su par le bouche-à-oreille » nous explique un responsable, heureux de voir cette foule chanter, danser, et taper sur ses djembés. « Il n’y a que le foot qui rassemble comme ça. Et ça nous donne des idées : on va essayer d’organiser des tournois dans le quartier, avec quelques personnes motivées. »

Au centre social Pluriel(le)s
Au centre social Pluriel(le)s

A quelques centaines de mètres de là, Place Anne de Bretagne. On y trouve encore quelques fans des Fennecs, un drapeau est accroché à un balcon, une jeune fille en a noué un autour de sa taille pour en faire une jupe. Cependant, ici, c’est surtout le QG de la communauté sénégalaise. Depuis le début de la compétition Ben organise des soirées en extérieur pour regarder les matchs, « et j’avais fait pareil l’année dernière pour la Coupe du Monde, il y avait encore plus de monde. »

Sur un arbre, le drapeau de l’Algérie. Collé à un immeuble, celui du Sénégal. Au-dessus des deux emblèmes, un carton : « que le meilleur gagne ».

Un câble descend du premier étage vers un camion dans lequel trône un écran plasma d’un format plus que raisonnable branché sur beIN. On a descendu les chaises en plastique du balcon, des glacières pleines de bières et d’Oasis sont calées dans un coffre de voiture et vendues 1€. Les enfants jouent dans le parc juste à côté, quelques femmes proposent des grillades avec les sauces qui vont bien, certains discutent au lieu de regarder le match. Le plaisir de se retrouver ensemble pour une belle soirée de sport, quel que soit le camp défendu. D’ailleurs on aperçoit un maillot du Portugal, un de l’OM et un autre avec le nom de Messi dans le dos. Bref, on aime le foot avant tout.

L’immense liesse des Algériens

T-shirt du Sénégal sur le dos, Soumina tchatche avec son copain Diaby et d’autres jeunes hommes : « nos deux équipes se sont déjà rencontrées en phase de poule, l’Algérie avait gagné 1-0. Aujourd’hui c’est le vrai match ! Faut booster, faut bouger ! On est meilleurs sur le terrain, on maîtrise la possession de balle, mais on craint que les Algériens fassent de l’antijeu. Si on marque un but dans les dix premières minutes de la seconde période, c’est jouable. Sinon ce sera compliqué… »

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Quelques instants plus tard, reprise du jeu : des clameurs descendent des immeubles. Petit décalage et l’action en question arrive sur l’écran de la place. Pas un but, mais un gros cafouillage dans la surface de réparation. Les Sénégalais espèrent un pénalty qui ne vient pas. « Je n’ai jamais vu ça ! » s’emporte Soumina, en colère contre l’arbitrage.

« L’Algérie va mal, elle avait besoin d’un coup de pouce »

Au centre Pluriel(le)s, la température se réchauffe un peu plus à chaque action, dans une salle déjà étouffante. Pas de grillades au menu, mais on fait circuler les kebabs. Lumière éteinte, tous les yeux sont rivés vers le mur sur lequel se reflète le rétroprojecteur. Une fois la coupe acquise, sur la passerelle, un homme nous prend dans ses bras : « pour le premier titre en 1990 j’avais 20 ans, j’en ai 50 aujourd’hui. Je suis heureux pour toute cette génération de jeunes, c’est l’avenir de l’Algérie. » Ce supporter fait naturellement référence à la situation politique délicate du pays du Maghreb, qui se cherche une nouvelle direction politique après le renoncement du président Bouteflika, son incapacité à organiser une nouvelle élection présidentielle rapidement, et de nombreuses manifestations monstres depuis plusieurs mois.

Plus tard Place Jean Jaurès, entre deux tirs de feu d’artifice, au milieu des tamtams et de la foule qui danse sans s’arrêter, un autre homme ne dit pas autre chose : « l’Algérie va mal. Le peuple avait besoin d’un coup de pouce. Et le foot peut nous l’apporter. » Il repart immédiatement se mêler au groupe qui grossit au fil de la soirée. Au moins un millier de personnes selon notre estimation. Peut-être plus. Sur les visages : des sourires. Autour du cou : des drapeaux. Quelques tensions parfois, des imprudences aussi à moto, en quad, à vélo ou avec les fumigènes. Plusieurs poubelles ou barrières renversées. Mais surtout des jeunes et moins jeunes qui exultent ensemble.

Une heure plus tôt, dans le tram, deux passagers semblaient regarder tout ça avec un peu de distance, en tout cas un certain étonnement. Deux hommes calmes au milieu d’un joyeux bazar. Alors on entame la discussion, voici ce qu’ils nous ont dit, sans hésiter : « c’est beau à voir, on va aller faire la fête avec eux ! » Ç’aurait été dommage de s’en priver.

Photos Léa Péruchon et Pascal Montagne.

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