[On vous a retrouvée !] Régine Charvet-Pello, jamais très loin de la politique

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Quand vous montez dans un bus ou dans un train, il y a de bonnes chances pour que le design ait été imaginé par son entreprise RCP… que ce soit en France, en Europe ou en Asie. C’est indéniable : Régine Charvet-Pello est à la tête d’une société au savoir-faire mondialement reconnu. Souvent en voyage, elle tient à rester basée à Tours, en l’occurrence aux Deux-Lions. Ce vendredi 21 juin, elle doit recevoir l’Ordre National du Mérite, un rendez-vous honorifique et protocolaire pour une femme qui n’est pas seulement cheffe d’entreprise mais aussi ex élue de Tours (elle a appartenu à l’équipe de Jean Germain jusqu’en 2014, en tant qu’adjointe au maire en charge de l’éducation). Malgré un éloignement de cette vie locale depuis 5 ans, elle a encore plein de choses à dire…

« Pour moi, designer c’est faire de la politique. » Régine Charvet-Pello a sa devise, et elle l’explique : « ce qu’on fait, c’est s’occuper des gens. Et nos clients commencent enfin à le comprendre. La notion du public a augmenté : aujourd’hui on ne pense pas seulement au côté esthétique, on apporte une vision globale avec le travail sensoriel. Il faut des choses jolies mais le plus important c’est l’usage. On ne s’installe plus de la même manière dans les transports en commun, on ne rentre plus de la même façon non plus. Aujourd’hui on pense les bus, les trams ou les trains comme des espaces à vivre. Des lieux publics partagés, comme une place. Alors il faut du plaisir à s’y retrouver. »

Elle dessine les transports en commun du futur

« J’aime bien regarder les gens positivement, et les politiques devraient tous être comme ça », lâche Régine Charvet-Pello entre deux explications sur le fonctionnement de son activité.

Ce mantra, la Tourangelle de 62 ans a pu le mettre en application au cours d’un chantier récent pour le nouveau tramway de Nantes : « la première chose que j’ai faite c’est de travailler avec un groupe de 60 personnes pour montrer que ce qu’on réaliserait en commun ne serait pas moins bien que si on l’avait pensé seul. C’était une démarche collaborative très intéressante : il a fallu penser comme un compositeur et un chef d’orchestre. Ça, on ne le faisait pas il y a dix ans : la manière d’appréhender notre métier a énormément changé. Et les donneurs d’ordres sont perturbés. Surtout que dans le même temps ils raccourcissent les temps de travail. »

« On était très en avance quand on a dessiné le tram de Tours »

Le projet nantais a ainsi débuté au mois de mai 2018, pour une réalisation livrée en septembre. L’angoisse ? « J’aime bien les challenges un peu durs » relativise Régine Charvet-Pello qui a des clients dans les transports urbains, l’aéronautique ou de grands groupes industriels.

Elle collabore au projet de nouveau métro du Grand Paris, est engagée dans les chantiers de nouvelles lignes de transport de Lyon, de Rennes, de Marseille ou de Toulouse, sans oublier la conception d’un bus chinois : « à chaque fois ce sont des compétitions internationales » souligne-t-elle depuis son bureau situé dans le bâtiment voisin du siège de Tours Métropole.

« Pour Nantes, il fallait trouver comment innover avec le tramway là où il a fait son retour il y a 30 ans. Mais il n’y a pas que le tram qui compte. L’irrigation d’une ville c’est un ensemble de modes de transports qui répondent à différents besoins » explique Régine Charvet-Pello. « Le tram c’est bien mais si le bus est de seconde catégorie ça ne m’intéresse pas. Au final c’est comme un tapis roulant dans la ville mais dont on n’a pas besoin tout le temps. C’est un élément parmi d’autres » dit-elle, en expliquant concevoir des espaces globaux : « notre mission consiste à travailler autant sur la technique que la durabilité. Mon plaisir, c’est quand on se rend compte qu’un projet ne sent pas la sueur, mais qu’il est naturel. »

La petite phrase :

« Il faut que Tours soit plus dynamique »

« Il faut toujours donner le meilleur de soi-même dans une société qui vieillit et où le jeunisme monte. Il faut à la fois que la ville plaise aux actifs et aux séniors, ceux qui j’appelle les silver. Tours est une ville de respiration et il faut continuer à exploiter ça au maximum, ne pas essayer de mettre des habits dont on n’a pas besoin. On ne sera jamais Nantes : ce n’est pas nécessaire de chercher à faire de la haute couture, en revanche nous sommes une grosse couveuse et nous avons des pépites à développer. Nous devons mettre en avant notre propre identité, notre nonchalance. Être dans le TOP 15 des villes de France avec la nonchalance, c’est possible ! Si nous arrivons à être provocants de cette manière-là, ce sera intéressant… »

Cette réflexion, Régine Charvet-Pello l’avait d’abord appliquée à Tours, son entreprise ayant remporté l’appel d’offres pour l’aménagement du tramway. Près de 6 ans après la mise en service de la ligne A, elle ne cache pas une demi seconde sa fierté de voir que cet équipement a été visité par de nombreuses délégations étrangères, voire copié ailleurs, de Pau au Japon :

« On était très en avance quand on l’a dessiné. Pas au point de vue de la technologie mais sur la conception d’un paysage correspondant à l’identité de la ville. C’est une œuvre urbaine de 15km et ça n’avait jamais été fait. Depuis Tours s’est ouverte, elle est plus équilibrée. Désormais on traverse plus facilement le Pont de Pierre (Pont Wilson, ndlr). Il parait plus court et il y a moins de vent. On monte aussi plus facilement la Tranchée… Ça a étendu la ville. »

De premiers signes qui ne font pas tout : « il faut au moins dix ans pour installer une ville et 20 ans pour que ça devienne vraiment intéressant dans le corridor de 500m autour du tramway » selon la designeuse qui ajoute aussi que « cela dépend des impulsions données. »

L’occasion d’évoquer le projet de ligne B à Tours : « c’est nécessaire, et ça aurait déjà dû être lancé » lâche-t-elle. Sur le tracé, « j’aimais bien les deux propositions par le Boulevard Jean Royer ou Béranger. Jean Royer était plus prospectif car il supposait plus de constructions autour de la ligne. Celui de Béranger a l’avantage de desservir une autre partie de Tours mais un jour il faudra faire un Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) de l’autre côté. On ne doit pas seulement penser au tram, mais globalement à ce que l’on veut faire de cette ville dans 20 ans. »

« A Tours, la période des critiques sur le tram a été très difficile »

Cette urbanité de demain, Régine Charvet-Pello la voit moins centrée sur la voiture : « c’est obligatoire, sinon comment vous allez vivre ? » demande-t-elle. « Mais cela dépend des collectivités » ajoute dans la foulée la cheffe d’entreprise qui cite comme référence le travail de la maire de Paris Anne Hidalgo – pourtant hautement décrié par les pros-voitures : « ce n’est pas anormal ce qui se fait. Quand on sera passé de l’autre côté de la force vers un autre modèle on comprendra que c’est bien. En attendant tout le monde a une grosse inertie au changement. Mais regardez : aujourd’hui de quelle ville s’inspire la métropole coréenne de Séoul : c’est Paris. » Et pour appuyer cette analyse, la designeuse se réfère à ce qu’elle a vécu ici à Tours, toutes les critiques envers le projet de tram qui fait aujourd’hui la quasi-unanimité : « ça a été une période très difficile… » Ainsi, aujourd’hui elle a le sentiment d’avoir plus de capacité à modifier le monde via son statut professionnel que dans une équipe politique.

« Être élue, je n’y suis pas allée pour le pouvoir ou pour la notoriété mais pour faire. »

portrait regine

Ça ne l’empêche pas de s’intéresser de près à des affaires locales, comme la rénovation des Halles : « j’adore ce type de projets, je travaille un peu comme ça à l’étranger ou en région parisienne où j’accompagne pendant 4 ans Île de France Mobilités sur le design urbain, comment penser la ville autour des transports, avec de la souplesse pour laisser les autres travailler autour. »

Bref, Régine Charvet-Pello affiche sa disponibilité, évoquant le réveil de l’association Valessence dont l’ambition est de créer – en Touraine – « une filière sensorielle avec d’autres entreprises du secteur des cosmétiques, de la mobilité ou de l’énergie. J’aimerais ainsi créer un label HQS pour Haute Qualité Sensorielle, que l’on pourrait comparer aux bâtiments HQE à Haute Qualité Environnementale. »


Portraits : Léonard de Serres.

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