Le CCCOD fête son anniversaire : c’est l’heure du grand bilan

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Inauguré par l’ex président François Hollande le 10 mars 2017, le Centre de Création Contemporaine de Tours souffle sa première bougie ce mois-ci. Des images restent : la chambre d’huile de Per Barclay et la sensation de vertige qu’elle créait ou encore les longues files d’attente lors de la Nuit des Musées ou des Journées du Patrimoine. De beaux souvenirs montrant un appétit pour l’art contemporain. Mais au-delà de l’effet de curiosité, comment entretenir la flamme à long terme ? Entretien avec Alain-Julien Laferrière, le directeur des lieux.

« Le CCCOD c’est un modèle qui n’existe pas on doit donc affronter les aléas d’un début d’aventure » nous dit Alain Julien-Laferrière en entrant dans sa salle de réunion avec vue sur les toits du centre-ville de Tours. Ce modèle, c’est celui d’un centre d’art qui n’est pas un musée. C’est l’élément de communication principal du Centre de Création Contemporaine de Tours : insister sur la présentation permanente d’expositions temporaires pour susciter la curiosité perpétuelle. Au risque d’en faire trop : « on a eu jusqu’à 5 expositions en même temps, on n’en avait pas forcément besoin. » Et c’est vrai qu’il y en a eu un bon nombre d’artistes passés entre ces murs en seulement 12 mois, au point qu’il était difficile de tout voir. Une façon de rattraper le temps sans proposition contemporaine à Tours entre la fermeture de l’ancien CCC près de la gare et l’ouverture de ce nouveau vaisseau amiral au Jardin François Ier.

5 000 étrangers de 71 nationalités

En 12 mois, 102 000 personnes ont franchi les portes du CCCOD, l’objectif étant de 100 000 entrées annuelles. Si Alain Julien-Laferrière est content d’avoir franchi ce cap, il sait que le plus dur commence maintenant : « pour la deuxième année on s’attend à 20% de baisse comme pour tout nouveau projet. On travaille aujourd’hui pour grignoter là-dessus. Et c’est au bout de 3 ans que l’on saura ce que cet établissement vaut vraiment en terme de public. Mais je n’ai pas d’inquiétude particulière. »

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Les chiffres de fréquentation du CCCOD :

83 000 entrées de mars à décembre 2017
3 300 scolaires
40% d’entrées gratuites
3 500 titulaires d’un pass (solo ou duo)
230 pass étudiants
71 nationalités accueillies
5% des visiteurs en provenance de l’étranger, 53% de Touraine, 14% de Paris

Cité par de nombreux médias nationaux et internationaux, le CCCOD a clairement l’ambition d’attirer un public extrarégional. 5 000 étrangers sont passés devant les œuvres et même si le chiffre peut paraître faible, pour son directeur c’est un bon début : « le capital de l’ancien CCC a joué sur l’international. On a vu beaucoup de couples de plus de 60 ans, comme des Américains qui avaient appris le français en Touraine ou dans le cadre des tournées européennes conseillées par leurs universités dans les années 60-70. Aujourd’hui ils viennent pour retrouver leur jeunesse et c’est un bon relais pour nous. » Une première pierre avant de figurer sur la route des entreprises qui organisent les voyages, « il faut 3 ans pour être inscrit sur les circuits touristiques, on est en train de préparer des offres » souligne Alain Julien-Laferrière.

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Exposition actuelle de Klaus Rinke.

Plus de nocturnes et plus de livres

Quant aux visiteurs français, pas mal de familles : « elles s’accaparent le bâtiment. On a un public qui vient le week-end ou pendant les vacances scolaires. Les enfants font des ateliers en bas et les parents brunchent au Café Contemporain qui est toujours plein. » Alain Julien-Laferrière note aussi une forte présence de « Parisiens enfants de Tourangeaux qui sont abonnés. Pour eux l’art contemporain ne pose pas de problèmes, ils le fréquentent, ils échangent. Ils ne cherchent pas à comprendre, ils prennent ce qu’ils ont envie de prendre. »

Ce public qui consomme l’art en mode zapping, il faut savoir s’adapter à lui :

« On est à morphologie variable, on est très attentifs à la variabilité du temps, à la demande et au ressenti. On se voit tous les lundis pour faire le point et tous les mois on a de nouvelles idées de développement, on voit ce qui marche, ou pas… Par exemple on va développer la terrasse d’été pour le café ou la librairie dans le hall. On réfléchit aussi à étendre les nocturnes du jeudi. 20h c’est un peu tôt… »

De grandes expositions à venir

Employant une vingtaine de personnes, et jusqu’à 27 en comptant les vacataires, le CCCOD « fonctionne comme une entreprise privée mais avec la volonté de garder un accueil pour le plus grand nombre » souligne Alain Julien-Laferrière en rappelant que l’on peut accéder gratuitement aux expositions de la Nef par l’extérieur ou via le Café Contemporain en les regardant de haut : « et puis nous sommes un service public avec des tarifs bas, 7€ (6€ l’an dernier, ndlr) et on a bataillé pour avoir des prix réduits. Du coup c’est bien moins cher que dans d’autres centres d’art ou l’entrée est souvent à 12-13€. » Pour aller chercher toujours plus de nouveaux publics, le CCCOD privilégie les partenariats avec des associations (une quarantaine) mais cible aussi les entreprises pour qu’elles offrent des pass à leurs salariés : « en offrant la culture, elles montrent qu’elles sont partie prenante dans la vie de leur ville. » 42 sociétés ont approuvé le dispositif.

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Sur le plan artistique, de grandes expositions s’annoncent comme la présentation des 6 plus grands tableaux d’Olivier Debré : « ce sera la première et la dernière fois qu’ils seront montrés ensemble » nous dit Alain Julien-Laferrière qui avait commandé 4 grandes toiles au peintre tourangeau dans les années 90, l’artiste en avait fait 6, 4 avaient été exposées dont une achetée par la Banque Européenne d’Investissement qui l’a fait partir au Luxembourg. Les autres sont restées à Tours et n’ont jamais été remontrées. Elles le seront donc à nouveau aux côtés du 6ème tableau déjà vu lors de l’exposition inaugurale l’an dernier et prêté pour 3 ans au CCCOD dans cette optique de présentation commune, « dans une mise en scène rarement vue jusqu’alors dans la Galerie Blanche » promet le directeur.

Autre événement : une fois que Klaus Rinke aura quitté la Nef, et après l’organisation dans la grande salle d’une soirée Kraftwerk l’artiste d’origine égyptienne et adorée aux États-Unis Ghada Amer installera un tableau géant composé de véritables cactus et de plantes grasses, un Cactus Painting. A voir jusqu’en fin d’année.

Des liens avec la Norvège ou la Corée

S’il ne veut pas nécessairement miser sur des expositions internationales prestigieuses, le CCCOD compte bien marquer des points sur la scène internationale. « Tout ce que l’on fait ici c’est l’occasion de se positionner ou de se repositionner vis-à-vis de certains pays avec qui on veut faire des partenariats » pointe Alain Julien-Laferrière se félicitant que ses interlocuteurs norvégiens répondent systématiquement aux sollicitations du Centre depuis la compilation d’œuvres de la jeune génération norvégienne faite en 2017, « on a aussi posé des bases en Corée-du-Sud et au Japon avec Lee Ufan et on travaille en ce moment sur un projet pour un artiste français ici et en Corée. Nous sommes également capables d’emprunter des œuvres que seuls des grands musées peuvent obtenir y compris de la part de Pompidou à Paris dont le conservateur en chef est venu à Tours. »

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« On n’est pas dans l’exotisme artistique et politique » note encore le directeur du CCCOD qui veut privilégier « les monographies d’artistes » dans sa programmation, « ce ne sont pas des rétrospectives c’est une mise en relation de l’œuvre déjà produite avec des œuvres plus récentes pour faire l’expérience du temps déjà passé. Lors de son exposition dans la Galerie Noire Lee Ufan a qualifié 6 ingrédients de sa vie et de son œuvre et le noir est alors devenu un ingrédient nouveau de son travail. »

42 projets pour la Nef

D’ailleurs l’obscurité de cette Galerie Noire du rez-de-chaussée attire les artistes autant qu’elle les inquiète : « ils tiquent au départ mais finalement ils reviennent pour expérimenter. Cécile Bart (à voir en ce moment, ndlr) a toujours travaillé dans la lumière et là elle a choisi le noir alors qu’au départ elle devait exposer dans la Galerie Blanche. Ce sera aussi le cas pour Franck Scurti en fin d’année. » Mais au-delà de la Galerie Noire, c’est bien sûr la Nef et ses proportions exceptionnelles qui suscitent l’envie des artistes : « nous avons 42 projets » révèle Alain Julien-Laferrière, dont celui de la Polonaise Alicia Kwade qui y fera prochainement sa première grande exposition française. « Tout ça ce sont de bons indices pour nous. Notre rôle c’est de réinterroger, de réinventer tout ce qu’il peut y avoir » conclut le directeur du CCCOD.

 

Un degré en plus :

Voisin du chantier Porte de Loire en Haut de la Rue Nationale, Alain Julien-Laferrière est pressé de voir les travaux démarrer : « c’est un gros handicap, aujourd’hui les touristes ont du mal à nous trouver. » « Heureusement qu’on est là pour l’entrée de ville » souffle également le directeur qui voit par ailleurs l’hypothèse de modification du projet d’un bon œil. Selon les dernières informations, des hôtels 4 et 5 étoiles pourraient se substituer aux établissements de 3 et 4 étoiles initialement prévus : « ce serait capital, un vrai plus pour l’accueil. Aujourd’hui certains invités font l’aller-retour dans la journée depuis Paris car il n’y a pas l’équivalent des hôtels parisiens ici. »

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