[Journal de bord #1] Une semaine de confinement en Touraine : il y aura un avant et un après

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Ce lundi soir cela fera une semaine qu’Emmanuel Macron a annoncé la mise en place de mesures drastiques pour confiner la population française dans l’espoir de ralentir la propagation du coronavirus Covid-19. Retour sur les événements des derniers jours sous forme de journal de bord…

Jeudi 12 mars nous remettions les prix de la Cuvée Scène Locale 2019 au Temps Machine de Joué-lès-Tours. Au même moment, Emmanuel Macron annonçait la fermeture des écoles pour une durée indéterminée afin de lutter contre l’épidémie de coronavirus. La première annonce d’une longue série pour forcer la France à ralentir drastiquement son rythme de vie et limiter la propagation de l’épidémie. Ce soir-là, on commençait à prendre conscience que la situation n’était pas seulement préoccupante mais vraiment grave. Pour autant, pas facile d’accepter brutalement de changer son mode de vie. On espère encore que le faire par étapes sera suffisant. On ignorait qu’il s’agissait là de notre dernier concert « jusqu’à nouvel ordre », expression par ailleurs officiellement élue phrase de l’année.

Vendredi 13 mars une partie de l’équipe de 37 degrés se réunit autour d’un verre sans se soucier des gestes barrière. L’occasion de marquer la fin de la longue campagne précédant le 1er tour des élections municipales. Des mois d’efforts pour disséquer le programme des candidats, analyser les enjeux de ce scrutin majeur à l’échelle locale… Malgré la maladie qui frappait à nos portes on n’osait pas imaginer reporter ce moment démocratique qui aurait rendu caduques, d’un coup, des dizaines et des dizaines d’articles. Des piscines, des bibliothèques… pouvaient bien fermer mais en faisant un peu attention, aucune raison de ne pas mettre ce scrutin à la Une le temps d’une journée quitte à consacrer ensuite tout le temps nécessaire à cette crise sanitaire. On était dans une bulle.

Samedi 14 mars l’ambiance n’était déjà plus la même. Les annonces de fermetures de lieux tombaient par grappes, les rues du centre de Tours s’avéraient plus calmes que d’habitude. On s’offre une promenade et une galeriste du Vieux-Tours suggère que c’est sans doute la dernière fois qu’elle ouvre ses portes avant un long moment. On a haussé les épaules, geste signifiant qu’on verrait bien, qu’il était peut-être encore un peu prématuré d’y songer. Le journaliste est cartésien, il attend de voir pour croire. Bon… le soir-même tous les commerces « non essentiels » devaient fermer leurs portes à minuit et jusqu’à nouvel ordre. On n’est pas prêt de recevoir la moindre invitation pour un vernissage, de commander des lasagnes au restaurant et une pinte Place Plumereau. En revanche les garages automobiles restent ouverts et c’est fou le nombre de gens qui s’en inquiètent.

Dimanche 15 mars les bureaux de vote ouvrent comme prévu à 8h. Les électrices et électeurs ne s’y bousculent pas de peur d’y attraper le virus, certains s’expriment sur les réseaux pour justifier leur abstention. Mais dehors le soleil brille, les températures sont douces et les attroupements nombreux. C’était le « En même temps » du peuple. Dans la soirée on se plonge dans les chiffres et les pourcentages, ça change des décomptes morbides des dernières semaines. Néanmoins si l’on se pose 5 minutes on voit bien que la politique n’est plus la première des priorités.

Lundi 16 mars le journal de 20h redevient la Grand-Messe. Devant leur écran, 35 millions de personnes apprennent que dès le lendemain midi il leur faudra une autorisation sur papier pour quitter leur domicile. Cette fois elles n’ont pas trois jours pour s’y préparer comme après l’annonce de la fermeture des écoles. Il reste désormais moins de 16h avant l’inéluctable. « Jusqu’ici tout ce que mon frère m’avait dit s’est réalisé » constate une femme que l’on ne reverra pas de sitôt. Malgré leur lot d’exagérations et d’inexactitudes, les rumeurs avaient vu juste.

Mardi 17 mars le trafic routier a enfin commencé à baisser mais le réseau bus-tram Fil Bleu circule encore comme si de rien n’était… juste, il est désormais interdit de monter par la porte avant des véhicules. Il faut donner de la voix pour saluer la personne qui conduit. A la mi-journée la liberté d’aller et venir se voit affuble d’une sacrée béquille et les questions s’enchaînent. En fait personne ne comprend vraiment quelles sont les consignes, qui peut sortir quand et pour faire quoi. La règle consiste à rester chez soi mais est-elle contournable ? Voilà un réflexe bien français que d’adapter la loi à son propre cas. Dans nos boîtes mail les messages s’enchaînent : « Puis-je aller à la pêche ? », « Ma fille peut-elle se déplacer chez son grand-père pour monter à cheval ? », « Puis-je partir chercher une amie pour passer l’après-midi chez moi avec elle ? »… On répond systématiquement que, non, ce ne sont pas des activités prévues par le confinement. Il faut expliquer, justifier, faire de la pédagogie.

Mercredi 18 mars le boulevard Wagner de Tours est désormais aussi calme à 14h qu’à 2h du matin. On essaie de ne pas s’agacer face aux mails d’un lecteur. Il demande plusieurs fois par jour si des enfants ou ados sont atteints par le Covid-19 alors qu’on sait bien que cette partie de la population est celle qui court le moins de risques face à cette maladie, même si elle peut en accentuer la diffusion. Dehors, le nombre de joggeurs semble augmenter aussi vite que la bourse a chuté depuis quelques jours. Sur Internet les messages sarcastiques se multiplient pour faire constater que « Vous voyez c’est possible en 24h la transition écologique ! » ou « Bah oui les humains, maintenant vous comprenez que c’est dur d’être enfermés H24 comme le sont déjà les animaux que vous mangez ». A côté de ça, même confinés, les internautes ne perdent pas leur humour et les initiatives solidaires se diffusent presque aussi vite que le virus (visites virtuelles de lieux culturels, cours de sport en vidéo, astuces pour occuper les enfants, recettes de cuisine, livraisons de repas aux soignants, aide aux courses pour les personnes isolées…).

Jeudi 19 mars on n’a toujours pas réussi à savoir de façon sûre et certaine si les entreprises du BTP devaient ouvrir ou fermer, si les papas pouvaient assister aux accouchements et si les associations caritatives pouvaient poursuivre leurs maraudes. Chaque nouvelle journée de confinement entraîne son lot de questions : comment les assistantes maternelles vont se sortir de la crise ? Que faire pour les chômeurs en fin de droits ? Qui va nettoyer mon hall d’immeuble ? J’en fais quoi des emballages recyclables qui ne vont plus être ramassés jusqu’à nouvel ordre ? Certaines interrogations finissent par trouver une réponse précise, mais dans beaucoup de cas le système D devient la règle. On nage en pleine zone grise et on prend vraiment conscience que le peuple français digère difficilement le chamboulement de sa routine et manque parfois de facultés d’adaptation. Il faut dire que les signaux parfois contraires envoyés par le gouvernement ne facilitent pas les choses : restez chez vous mais allez travailler quand vous le pouvez… La terrible impression qui ressort de tout cela et que l’on navigue à vue : ce n’est pas rassurant.

Néanmoins, ce schmilblick a le mérite de nous rapprocher de notre lectorat : jamais vous n’avez été aussi nombreuses et nombreux à nous lire, à nous écrire et à nous suggérer des idées de sujets à traiter. Faute de partir en reportage nous devons inventer de nouvelles solutions pour vous informer de façon fiable tout en poursuivant notre première mission qui est de vous aider à vous ouvrir vers de nouveaux horizons. Nous recevons beaucoup de messages d’encouragements et de remerciements, et nous souhaitons également vous remercier de venir ainsi vers nous.

Vendredi 20 mars c’est le printemps mais les parcs, les bords de Loire ou chemins de randonnée sont désormais totalement interdits à cause des personnes qui ont eu du mal à rester chez elles et à sortir toutes seules. Le soir on entend de plus en plus d’applaudissements pour les soignants mais dans la journée tout le monde ne les écoute pas quand ils répètent de plus en plus sèchement la consigne : « restez chez vous ! » Il n’y a plus de pâtes et de PQ au supermarché mais les stocks de chocolats de Pâques sont intacts. Netflix réduit son débit pour ne pas faire buguer Internet, dans le même temps Skype subit un retour de hype puisque les groupes d’amis séparés s’y réunissent en visio pour trinquer. On organise une raclette, on visite des apparts à distance, on partage les horaires de films sympas à voir sur Canal+ tant que c’est gratuit. On peut aussi prendre sa douche à horaires variables et écrire des articles en peignoir. Ce n’est pas si grave, le confinement.

Samedi 21 mars le Pr Louis Bernard du CHU de Tours exprime en 12 minutes d’interview la détresse de tout un service hospitalier qui se demande combien de temps il va tenir avant d’être complètement saturé. Son message bénéficie d’un certain écho sans éteindre les polémiques ou les fausses informations (non, les tests de malades ne sont pas suspendus le week-end). Il y a encore des couples qui vont faire leurs courses presque main dans la main quand les infirmières libérales, les équipes d’EHPAD ou les médecins de ville cherchent des masques ou un moyen de soulager les établissements hospitaliers. C’est fou ce que les voisins peuvent être bruyants… Pourquoi ce père crie-t-il si fort sur ses enfants ? Les associations redoutent une forte hausse des violences intrafamiliales…

Dimanche 22 mars tout le monde se demande désormais combien de temps ça va durer. Évoquer la perspective d’un report des Jeux Olympiques de Tokyo c’est imaginer que cet été le Covid sera encore dans toutes les têtes. Le ministre de la santé confirme que ce confinement drastique durera probablement plus de 15 jours. Plus le temps passe, plus on sait que le retour à la normale ne se fera pas subitement mais progressivement, et avec dommages collatéraux. Il faudra compter les points : aspects positifs et négatifs de cette situation. Quelques semaines d’isolement peuvent-elles modifier durablement la façon de vivre d’un peuple entier ? Le temps de l’analyse et des critiques viendra et il sera nécessaire. En attendant patientons, observons, apprenons… depuis chez nous.

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