Histoires de parfums, parfums d’Histoire

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Candes-Saint-Martin compte à peine plus de 200 habitants. Un village touristique à la confluence de la Vienne et de la Loire. On y trouve un caviste, de quoi manger et dormir… et puis un parfumeur, installé face à la collégiale. Nous l’avons rencontré.

La D751 traverse Candes de part en part. Dans le bourg, elle porte le nom de Route de Compostelle. Au N°31, une petite maison de pierre. On entre par la boutique qui ne doit pas faire 20m². Une petite marche et voici l’atelier, plus grand, orienté vers le fleuve, pas aussi lumineux qu’on aurait pu le penser malgré le grand soleil qui brille à l’extérieur. Nicolas de Barry nous y attend, nous prévient de ne pas trop porter attention au chien qui tambourine sur une porte en verre. Quand il n’est pas en voyage à l’autre bout du monde, le parfumeur passe quatre jours par semaine ici, en duo avec son assistant : « je m’y plais bien avec la double protection symbolique de la Loire et de Saint-Martin. »

Revoir également notre diaporama photos sur Candes-Saint-Martin

Autour de nous, des étagères remplies d’huiles essentielles : « il y en a 2 000 » annonce Nicolas de Barry avant même qu’on pose la question. On ouvre de grands yeux, il s’en amuse : « je dis ça pour vous en mettre plein la vue ! Si vous me mettez sur une île déserte avec 100 produits je me débrouille. J’ai 10 roses, 10 citrons mais 90% de mon temps de travail se fait avec une centaine de matières premières. »

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Un nez formé auprès des plus grands, à Grasse

L’homme parle avec sérénité, aplomb… et malice. « Fasciné par la dimension olfactive » il s’est mis en tête de devenir parfumeur à un carrefour de sa vie, lorsqu’il vivait au Brésil. C’était il y a une petite trentaine d’années : « mon contrat de diplomate se terminait et j’avais envie de changer. Je voulais rester au Brésil mais je devais trouver autre chose à faire. » Également journaliste, il propose de partir en reportage à Grasse, capitale française du parfum. Pour raconter ce qu’il s’y passe tout en s’informant lui-même. Il s’y sent bien et y va au culot : « j’ai envoyé mon article à trois grands parfumeurs pour leur demander un stage… les trois ont dit oui. »

Après quatre mois de formation expresse, Nicolas de Barry retourne à Sao-Paulo et joue la carte francês avec tout le romantisme qui va avec : il fait venir ses matières premières du sud de la France et se lance dans la confection de parfums individuels personnalisés. « J’ai peut-être fait 2-3 bourdes au début, les premiers clients ont dû faire les frais de mon audace » s’amuse-t-il avec le recul. Bon communicant, il attire l’attention de la presse et de quelques vedettes locales de télénovelas en leur offrant des fragrances.

Revenu en France en 1999, le parfumeur y développe une seconde spécialité : la reconstitution de parfums historiques. Il commence avec George Sand, parce qu’un ami organisait un festival de musique dans son château. On apprend que l’écrivaine qui a vécu de 1804 à 1876 faisait appel à un parfumeur artisanal, qu’elle entretenait avec lui une riche correspondance autour de la composition des flacons, s’inquiétant par exemple d’une dose trop importante de patchouli. Mais les lettres ne font pas tout : « une descendante de George Sand a sorti de son armoire un pendentif avec un peu de son parfum d’un siècle et demi d’âge. C’était précieux, j’ai eu une grande émotion. J’ai alors mis mon nez en activité pour décoder les matières premières qui s’y trouvaient » raconte Nicolas de Barry.

Son parcours…

Nicolas de Barry a 70 ans. Il a étudié la sociologie des relations internationales à l’université Paris I avant de diriger des revues professionnelles lors d’une première carrière de journaliste puis de virer vers la diplomatie en tant qu’attaché culturel à l’étranger. Titulaire d’un Prix d’Histoire de l’Académie Française, auteur d’une quinzaine d’ouvrages, il est resté longtemps au Brésil avant de regagner la France en 1999. Il s’installe dans le Val de Loire, attiré par ses atouts historiques et sa proximité avec Paris. Il vend finalement son château du Loir-et-Cher en 2015 pour rejoindre Candes-Saint-Martin en 2016. Depuis, il fait la navette avec Tours où réside sa famille. Il travaille également avec des professionnels du coin, dont un voisin apiculteur pour la cire d’abeille de ses produits.

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Le parfum de la Reine Margot reconstitué grâce à sa comptabilité

Après ce premier essai, les expériences s’enchaînent : l’Egypte ancienne, l’époque napoléonienne, Louis XV voire même une fragrance inspirée d’un mythique couple d’empereurs indiens… Au total, depuis 2003, une douzaine d’assemblages en baume (la forme traditionnelle) ou en eau dont le parfum de la Reine Margot, qui a vécu à la Renaissance : « là je n’avais aucune lettre. Je me suis basé sur sa comptabilité parce qu’elle achetait régulièrement les mêmes matières premières, dans les mêmes quantités. Du jasmin, de l’ambre, du musc… Et elle faisait elle-même son parfum » se souvient Nicolas de Barry. Il tente une première fois de proposer ce produit aux boutiques de châteaux, sans succès mais profite cette année du 500ème anniversaire de la Renaissance pour lancer toute une collection autour de cette époque accessible en boutique ou sur Internet. Elle contient l’Eau de la Reine de Hongrie (fleur de romarin, lavande, thym…) et l’Eau de Nostradamus (zeste d’orange, ambre, musc, rose) à 90€ les 80ml ou encore les Pomandeurs dont la fonction était de sentir bon autant que d’éloigner la peste.

Extrait des parfums historiques de Nicolas de Barry
Extrait des parfums historiques de Nicolas de Barry

Quand il ne se plonge pas dans les archives historiques, Nicolas de Barry crée des parfums personnels qu’on lui commande depuis l’Asie ou le Moyen-Orient. Le prix ? 15 000€ pièce « mais c’est pour la vie ! » Une centaine de personnes ont fait appel à lui, « je n’ai connu qu’un seul échec avec un homme qui voulait retrouver le parfum de l’armoire de sa mère » signale-t-il, indiquant par ailleurs s’intéresser de près à la confection de parfums exclusivement composés de produits naturels. Autrement dit, à 70 ans, il n’a pas fini son travail de recherche : « m’arrêter est la pire chose qui pourrait m’arriver. Je suis seulement en train de démarrer un ralentissement. »

Crédits photos : Flavie Gentilhomme

Un reportage réalisé dans le cadre du deuxième numéro de 37° Mag, le magazine papier-connecté de 37 Degrés.

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