HistLoire, c’est une chronique régulière sur 37° où nous vous proposons un petit focus sur un pan d’histoire tourangelle.
Les commémorations des 80 ans de la rafle du Vel’ d’Hiv, le 16 juillet 1942, qui a conduit à l’arrestation puis à la déportation de de treize mille personnes juives, dont près d’un tiers d’enfants, remettent en lumière le rôle des autorités de Vichy dans le processus de déportation sur le sol français pendant la Seconde Guerre Mondiale. Elles permettent également de se souvenir d’un processus qui ne s’est pas limité à la région parisienne. Partout en France, mais également en région Centre-Val de Loire, plusieurs camps d’internement ont existé en effet à cette époque, gérés par les autorités françaises. Les plus connus sont ceux de Pithiviers et de Beaune-la Rolande où des prisonniers du Vel’ d’Hiv ont été emmenés après la rafle.
En Indre-et-Loire plusieurs camps ont également existé : celui de la Morellerie à Avrillé-les-Ponceaux où furent internés des Tsiganes et des communistes, le camp de la Haute-Barde à Beaumont-la-Ronce où furent des communistes, le camp militaire du Ruchard qui servit aussi à interner des « ressortissants des puissances ennemies » et où 8 résistants (5 communistes et 3 autres résistants) furent fusillés le 16 mai 1942, tout comme 7 membres des Francs-Tireurs le 27 octobre 1942.
Mais le plus important camp dans notre département se situait sur la commune de Monts : C’était le camp de la Lande, d’une surface de plus de 7ha où l’on trouvait une vingtaine de bâtiments.
Ce camp avait été ouvert en 1939 au départ pour les employés de la Poudrerie du Ripault. En 1940, après l’armistice, le camp vide, fut réquisitionné par la Gestapo qui l’utilisa dès lors comme « camp d’accueil pour étrangers ». Un nom derrière lequel se cachait déjà le principe d’enfermement de populations jugées indésirables par le régime nazi. Dans un premier temps, ce furent essentiellement des réfugiés, français ou étrangers (Polonais, Allemands, Belges et Anglais) provenant essentiellement des rafles exécutées par les Allemands dans les grandes villes de l’ouest qui y ont été dirigés. On retrouve alors dans les deux convois de fin 1940 qui ont amené environ 700 personnes à La Lande, de nombreuses personnes principalement d’origine polonaise et en majorité des Juifs. Ces réfugiés habitaient dans le nord-est de la France autour de Nancy, Metz, Strasbourg avant de fuir vers l’ouest et le sud-ouest (la Gironde notamment) en mai 1940, là où ils furent arrêtés.
Le camp de la Lande était stratégiquement commode pour les Allemands, car situé à quelques centaines de mètres seulement de la gare de Monts, qui se trouve sur la ligne ferroviaire Bordeaux-Paris. Mais le camp de la Lande n’est pas qu’une histoire allemande. En effet il était placé directement sous le contrôle de l’administration française avec comme premier directeur un avocat de Tours.
Dans un premier temps, le camp de la Lande reste malgré tout un lieu ouvert, et ses internés gardaient une certaine liberté de mouvement. En revanche à partir de 1941, avec le durcissement des mesures antisémites, le camp est entouré d’un triple réseau de fils barbelés et devient un camp d’internement uniquement pour les personnes juives.
Lors des rafles de juillet 1942 (conjointement faites avec celle du Vel’ d’Hiv), près de 200 personnes furent arrêtés à Tours et conduites à La Lande après avoir été enfermées dans l’ancienne école normale de filles à St Symphorien. En septembre 1942, les 422 Juifs présents dans le camp furent dirigés vers celui de Drancy avant d’être déportés à Auschwitz. 14 personnes seulement survécurent. Au total, le chiffre retenu aujourd’hui est de 603 personnes juives déportées depuis le camp de la Lande entre 1940 et septembre 1942.
Après la déportation des juifs, La Lande devient un camp de femmes où cohabitent des politiques (dont 227 femmes communistes et 2 enfants), une soixantaine de droits communs et quelques prostituées. Les conditions de vie sont particulièrement dures.
Vidé en janvier 1944, le camp de la Lande servira de lieu d’accueil aux sinistrés de l’explosion du Ripault (18 octobre 43). Dans les années 1970, les baraquements ont laissé place à des logements individuels et collectifs. En 1988, une stèle a été érigée en mémoire de toutes les victimes et déportés de La Lande (photo à la Une).