Guy Rimbault : guidera bien qui guidera le dernier

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Les enfants demandent souvent à leurs parents s’ils peuvent avoir un chien avec qui s’amuser, se balader, rire. Mais pour Guy Rimbault, aveugle, cet animal est bien plus qu’un ami. Sans lui, se déplacer devient plus compliqué. Son chien apporte à Guy une certaine autonomie.

Dans un village près de Tours vit Guy Rimbault. Assis sur son fauteuil, le visage ridé et le regard dans le vide, cet homme de 92 ans aime partager son vécu et raconter ses différentes aventures.

En 1953, un événement a radicalement changé sa vie. Alors militaire dans le service santé de l‘armée française, il décide de profiter d’une permission pour aller faire un tour en moto avec des amis. Mais un accident lui perdre perdre la vue. Il avait 26 ans. Après une hospitalisation de plusieurs mois, Guy ne se décourage pas, bien au contraire. Il prend la décision de poursuivre des études de kinésithérapeute dans une école spécialisé pour aveugle à Paris. Formation qu’il terminera avec brio. “Comme j’étais en permission le jour de mon accident, je n’ai pas eu le droit à une pension de l’armée et c’est tant mieux. Ce que j’ai aujourd’hui, je ne le dois qu’à mon travail et à celui de mon épouse. C’est peut-être plus dur mais le jour où je mourrais je ne devrais rien à personne”, explique-t-il avec fierté.

Un handicap qui ne lui a pas empêché de fonder une famille. Diplômé le 2 juillet 1956, il revient à Tours le jour même. Une semaine plus tard, il se marie, ouvre son cabinet de kinésithérapie le 8 août et devient père de famille un an après. Guy n’a pas de temps à perdre. Il travaillait le matin à l’hôpital Bretonneau et l’après-midi à son cabinet. Pour se déplacer chez lui, il a appris à utiliser une canne. Sa femme, institutrice en ville, venait le chercher le midi pour l’emmener de l’hôpital à son cabinet, rue Charles Gille. “À l’époque on ne parlait pas beaucoup des chiens guides en France. Par contre, quand j’ai été hospitalisé, j’étais avec un militaire qui revenait d’Indochine. Il m’avait lu un article sur le développement des chiens guides d’aveugle aux États-Unis. En France il n’y avait pas encore d’école. Mais je me disais qu’un jour j’aurais un chien.”, se rappelle-t-il.

Guy Raimbault

Un ami et collègue

Mais en 1976, son épouse a commencé à travailler à Joué-lès-Tours. Le transport du midi était donc compromis à cause de la distance. C’est alors qu’une des amies de Guy, également aveugle, lui a parlé d’une école de chiens guides à Angers, gérée par l’association les Chiens Guides d’Aveugles de l’Ouest. Il a donc décidé de faire une demande pour obtenir un chien. Une fois qu’elle a été acceptée, Guy a dû effectuer un stage avec son futur compagnon. Cette période dure deux semaines. La première se déroule à l’école. Guy apprend à prendre soin de l’animal, à se déplacer avec et à éviter les obstacles. La deuxième se passe à son domicile en compagnie d’un instructeur. Il effectue les parcours qu’il réalise régulièrement. C’est au maître-chien de connaître par cœur son chemin et de comprendre les informations transmises par le chien.

Au total, Guy aura eu quatre chiens dont il s’est fortement attaché : Linda, Orsia, Orgeat et Berlioz. “Quand je me déplaçais avec ma première chienne, Linda, mes épaules ont souvent frôlé les poteaux. Mais, en général, ça se passait très bien, raconte Guy. Grâce à mes chiens, j’étais très indépendant, je n’avais plus besoin d’un humain, j’étais moi-même.” Guy se souvient de chacun de ses chiens et ne manque pas d’anecdotes à leur sujet. Il se souvient, par exemple, des nombreuses fois où Orcia passait sous les barbelés des champs des vaches pour leur courir après. “Elle faisait son chien de berger. Rien de plus normal pour un berger allemand”, s’amuse-t-il.

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A partir d’un certain âge, le chien pars à la retraite. C’est à dire qu’il devient un simple animal de compagnie. Il est alors temps pour le maître-chien de faire une nouvelle demande à l’école. Comme les techniques d’éducation progressent, Guy pouvait avec chaque nouveau chien se déplacer plus aisément. Son dernier, Berlioz, est désormais à la retraite. Guy se déplace à l’extérieur uniquement lorsqu’il est accompagné par une personne. Cela ne l’empêche pas d’aller se promener de temps en temps avec son compagnon.

Le regard des autres a lui aussi évolué. “Une fois, rue d’Entraigues, quelqu’un m’a demandé si mon chien était malade. Je lui ai dit qu’il se portait très bien et que le malade c’était moi, » se souvient Guy en rigolant. Dans les années 80, peu de personnes savaient ce qu’était un chien guide. Désormais, Guy raconte avec le sourire qu’il entend parfois des gens expliquer leur rôle à leur enfant. Il arrive également que quelqu’un ait envie de caresser l’animal. Mais quand un chien dirige un aveugle, il ne faut pas le déranger. “À ce moment-là,  je leur demandais d’attendre. Je lâchais le guidon du harnais et je disais au chien de s’asseoir. Une fois qu’il est au repos, on peut le caresser”, explique Guy.

Un investissement total

Les chiens guides sont donnés gratuitement aux malvoyants. Mais Guy ne s’est pas contenté d’accepter sans rien dire. Au cours d’un repas chez le secrétaire de l’association les Chiens Guides d’Aveugles de l’Ouest, il a déclaré : “Vous me donnez un chien, je ne vous dis pas merci et je ne vous considère pas comme mes bienfaiteurs. C’est très bien de travailler pour nous mais ce serait encore mieux de travailler avec nous. Je vous propose donc de m’investir dans l’association. Mais je ne veux pas être seul.”

Peu de temps après, une amicale des maîtres-chiens régional est née grâce à lui. Des aveugles ayant bénéficié d’un chien confrontaient leurs expériences et les rapportaient à l’école afin d’améliorer le dressage des futurs guides. Ce rassemblement aura, par exemple, permis la mise en place d’une aide au déplacement en cas de déménagement. Ainsi un instructeur peut venir travailler les nouveaux parcours avec la personne aveugle et le chien. Par la suite, une amicale nationale s’est créée à Paris. Saisissant l’occasion, Guy est allé les rencontrer et s’est joint à eux. Il en aura même été le vice-président durant plusieurs années.

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En 1988, il décide de monter une association départementale, filiale de l’association de l’école des chiens. Aujourd’hui, l’objectif est de sensibiliser le plus de monde possible à l’importance du chien pour un aveugle. Durant la même année, les responsabilités de Guy continuent d’augmenter. On lui demande de devenir le président de la fédération des écoles de chiens guides d’aveugles. Malgré son travail au cabinet, il finit par accepter.

Aujourd’hui Guy ne s’investit plus autant dans les associations. À 92 ans, ses gestes ne sont plus aussi précis qu’avant mais sa détermination à essayer de faire les choses par lui-même n’a pas changé. A ses pieds, Berlioz profite du calme. Après une vie bien remplie, deux enfants, cinq, petits-enfants et deux arrières petits-enfants, le maître-chien profite de sa retraite pour s’occuper de son jardin, lire et écrire. Après avoir fini son autobiographie en quatre tomes, il se concentre aujourd’hui sur un nouveau livre. Mais Chuuut.. Laissons-le travailler.

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