Du « CHU-Tours-bashing” du côté d’Orléans ?

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Une faculté de médecine au centre hospitalier d’Orléans ? Certains en rêvent pour faire face à la pénurie d’installation de médecins dans le Loiret. Le collectif CiTLab fait circuler une pétition auprès d’élus de l’aire urbaine incitant le vote d’une motion réclamant un CHU. Le maire d’Orléans n’y croit pas. Le doyen de la faculté de médecine de Tours a aussi son avis sur la question.

Une enquête récente montrerait que, sur 1023 médecins en fin d’études, plus de 80 % d’entre eux auraient décidé de s’installer près de leur CHU (Centre hospitalier universitaire). Problème : cette enquête a été réalisée en Ile-de-France, certes proche géographiquement de la région Centre-Val de Loire mais éloignée par son attractivité. En Indre-et-Loire, 604.966 habitants, on dénombre 2.950 médecins (toutes spécialités confondues). C’est plus que dans le Loiret, qui compte pourtant plus d’habitants (673.349) : 2.138 médecins. Il n’en fallait pas plus pour réveiller le vieil antagonisme entre les deux néo-métropoles, sur l’air de qui … le plus loin ?

La situation va s’aggraver dans les cinq ans

C’est partant de ce constat que Philippe Rabier, à la tête du collectif CiTLab, fait circuler une pétition en ligne envoyée à 138 maires de l’aire urbaine orléanaise et du Loiret, les appelant faire voter par leur conseils municipaux respectifs une motion favorable à un CHU à Orléans. Onze ont pour l’heure répondu favorablement. Philippe Rabier n’y va pas avec le dos de la cuillère : « Par le gel du numerus clausus, l’État organise la baisse du nombre de médecins ». Dans le viseur : la faculté de médecine de Tours. Bienheureuse Touraine qui possède son CHU ! À lui seul, il semble être le remède à la désertification médicale… C’est oublier un peu vite qu’à l’image de Paris qui n’est pas la France, Tours n’est pas, de loin, toute l’Indre-et-Loire… Cependant Philippe Rabier milite activement pour que le « NHO » (Nouvel hôpital d’Orléans) autrement nommé « CHR » (Centre hospitalier régional) soit universitaire. Si les médecins se forment dans l’Orléanais, ils auront, pense-t-il, plus envie d’y rester et de s’y installer. « Nous avons un très bel établissement hospitalier, mais sous-occupé. Dans les cinq ans à venir la situation va s’aggraver avec le départ à la retraite de nombreux médecins âgés aujourd’hui de plus de 60 ans » ajoute-t-il. Et de militer pour « cette indépendance du CHU à Orléans ».

“Un CHU-Tours-bashing”

La question est – on le sait on le rabâche on le répète sur tous les tons – brûlante. Lors du récent conseil municipal d’Orléans, le maire, Olivier Carré – qui déclare recevoir quotidiennement un grand nombre de courriers de concitoyens demandant comment faire pour trouver généralistes et spécialistes – a en quelque sorte clos le débat : « Il n’y aura pas de faculté de médecine sur Orléans, faut pas rêver ». Ce que dit à sa manière Patrice Diot, doyen de la faculté de médecine de Tours, contacté par Magcentre.fr : « Je suis certain qu’Olivier Carré a raison. La conjoncture ne va pas dans le sens d’une ouverture de CHU. Un récent rapport de la Cour des Comptes préconiserait même un passage de 30 CHU actuellement en France (plus 2 CHR, Ndlr) à 10… Il ne faudrait pas fragiliser ce qui existe, et faire en sorte que le CHU de Tours perdure. Il existe aujourd’hui une réflexion sur tout le grand ouest, les Hôpitaux universitaires du grand ouest (HUGO). On est un peu actuellement dans un CHU de Tours-bashing ; il faut mettre un peu de bon sens dans tout ça », dit-il très calmement.

Ce que Philippe Rabier reproche au doyen de la faculté de Tours est une question d’adeptes d’arithmétique : le numerus clausus des étudiants en 2e année de médecine n’a pas été assez augmenté. Et pourtant si, il y a deux ans : il est passé de 235 à 255. « Insuffisant », rétorque l’animateur de CiTLab. « Il en faudrait 70 de plus ». Patrice Diot, qui fait partie du conseil de surveillance du CHR d’Orléans, fait lui aussi de l’arithmétique, probablement pas avec le même prof que Philippe Rabier : « Augmenter le numerus clausus ? On l’a déjà fait. Je rappelle que les effets d’une telle augmentation ne se font ressentir que 15 à 20 ans après. Or c’est maintenant qu’il y a des problèmes. 75 % des étudiants partent effectuer leur 2e cycle ailleurs. Aujourd’hui, on a 220 postes d’internes, on les remplit avec les 25 % qui nous restent, plus des internes qui viennent d’ailleurs. Moi ce que j’aimerais, c’est que le CHR soit plus proactif vis-à-vis des internes, qu’il participe à l’effort de formation. Le CHR veut des médecins formateurs (les PUPH, professeurs des universités praticiens hospitaliers, Ndlr). Mais actuellement, le saupoudrage produit des effets négatifs. Montez un projet, venez vers nous » lance le doyen de Tours.

Priorité à la “patientèle”

Selon lui également, la formation des médecins actuellement – et depuis longtemps – est trop « hospitalo-centrée. Il faut en sortir, diversifier les terrains de stages, en libéral, en spécialités aussi ». On assiste en effet à un renversement complet d’une génération de jeunes médecins qui privilégie le salariat (73 % des installations dans le Loiret) pour 16,6 % en libéral. On connaît une partie des raisons de ce renversement générationnel : peur de se retrouver seul ; lourdeurs administratives pesant sur une charge de travail déjà conséquente ; et… (cela peut paraître étonnant) manque d’attractivité des études de médecine. « Ce qu’ils veulent surtout c’est travailler en équipe, et avoir du beaucoup de temps à consacrer à leur patientèle et non pas se disperser dans les tâches administratives qui les accaparent » disait Olivier Carré le 22 janvier dernier en conseil municipal. « Il faut convenir qu’ils ont raison et c’est une question très importante », opine Patrice Diot. « Les mesures annoncées par le gouvernement sur le sujet me semblent d’ailleurs aller dans le bon sens ».

Dans les jours à venir, Philippe Rabier indique qu’il doit « contacter » le doyen de la faculté de médecine de Tours. Ils auront sûrement des choses à se dire, mais il serait surprenant qu’ils s’entendent sur le fond…

F.Sabourin.

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