Dans l’art de rue, « on sera certainement les derniers à reprendre »

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On parle beaucoup des salles de concert ou de cinéma fermées depuis l’instauration du confinement, sans oublier les théâtres ou les comedy club. Alors que certains musées et monuments reprennent du service, ces lieux ignorent encore leur date de réouverture. Les artistes de rue sont dans la même incertitude.

Ambiance joviale de déconfinement ce lundi 18 mai Place du Grand Marché : on a posé une échelle contre le Monstre de Xavier Veilhan et on est en train de lui mettre un masque. Un peu plus tard, le Rhinocéros de Michel Audiard subit le même sort devant la gare, avant que la statue de Jean Royer ne se voit affublée d’un masque confectionné à partir d’un soutien-gorge en dentelle sur la Place de la Liberté. Les statues de Rabelais et Descartes ont également été accessoirisées en cette période où les sorties masquées sont vivement conseillées pour lutter contre le coronavirus.

Ce qui a l’apparence d’une énorme blague est une opération commanditée par la Compagnie Off, célèbre acteur artistique de l’agglomération tourangelle installée au Point Haut de Saint-Pierre-des-Corps. Son fondateur Philippe Freslon est à la manœuvre avec Sabine Solin (Echos des Loges) qui travaille sur les costumes de ses spectacles depuis 20 ans. Le masque XXL du Monstre, le masque au style africain du Rhino et le masque à gros bonnet de Jean Royer ce sont ses créations, faites sur-mesure. Pour attirer l’œil des passants et les inciter à se protéger. Mais aussi pour que l’on reparle un peu de l’art de rue.

Peut-être une soirée au Point Haut à l’automne

Normalement, le printemps c’est la période où les spectacles extérieurs commencent à éclore. En Indre-et-Loire, on attend toujours début juin avec impatience pour découvrir la sélection de spectacles des Années Joué qui rassemblent plus de 30 000 spectateurs en trois jours dans le quartier de la Rabière. L’édition 2020 n’aura pas lieu. Après avoir envisagé un report, la mairie a préféré tout décaler en 2021. Un choix quasi généralisé selon Philippe Freslojn : « On avait une belle saison de programmée. On devait aller en Angleterre en juillet, notre mois de septembre était plein, on aurait pu jouer en Espagne au mois de novembre… Tout est annulé ou reporté. Deux représentations qui avaient d’abord été décalées en septembre ont fini par être supprimées. »

A défaut de spectacles, masquer les statues c’est un buzz bienvenu pour l’artiste et sa bande en difficulté. « Le patrimoine, c’est tout ce qui nous reste » observe Philippe Freslon. Avantage en période de crise sanitaire : cette création ne provoque pas d’attroupement, tout au plus les sourires amusés des passants et quelques poses le temps d’un selfie. Elle suscite néanmoins la curiosité inhérente à toute création artistique. Un effet qui manque à la Compagnie Off. « On risque d’être les derniers à reprendre car notre modèle repose sur la contagion, la présence d’un public nombreux. A la rigueur on pourra envisager des visites guidées en petit groupe mais pas de raout avant 2021. » Même la célèbre Fête des Lumières de Lyon s’annonce compromise.

« Si une possibilité s’offre à nous on sera là »

Avant l’apparition du Covid-19, la Cie Off avait déjà réduit la voilure. Ses deux salariés (administratrice et comptable) sont aujourd’hui au chômage partiel, le reste des troupes est composé d’intermittents à qui Emmanuel Macron a promis une prolongation des droits au chômage jusqu’en août 2021. Sur le sujet, Philippe Freslon est encore dubitatif : « On verra comment ça se met en place. »

Si l’existence de la compagnie ne parait pas menacée, son fondateur évoque « un manque à gagner énorme », « une petite mort ». Son espoir : pouvoir organiser une grande Biltz Witz Nacht au Point Haut pendant l’automne, soit une soirée qui multiplie les créations artistiques avec une jauge non démesurée (1 000 ou 2 000 personnes) mais suffisante pour faire circuler des fonds afin de financer les projets des acteurs et actrices invités. Philippe Freslon rêve de ce « grand bal masqué », encore une fois en écho avec l’actualité et le coup des statues masquées. Mais sans certitudes. Il conclut ainsi : « on reste dans les starting blocks, on en a besoin. Si une possibilité s’offre à nous, on sera là. »

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