CHU de Tours : dans les coulisses du service de parasitologie

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C’est une zone de l’hôpital inaccessible au public, même si les médecins qui y sont basés viennent régulièrement au contact des patients. Au CHU de Tours, les bureaux et les labos de la parasitologie sont situés au 1er étage de l’hôpital Bretonneau, dans le service de biologie médicale. Mission : diagnostiquer maladies et infections mais aussi mener des opérations de recherches pour améliorer les traitements. Rencontre avec le chef de service, Guillaume Desoubeaux.

« Nous sommes un petit service. A mes côtés il y a un praticien hospitalier, un praticien attaché en vacation, une docteure assistante, 3,5 techniciennes, une secrétaire à mi-temps et un agent d’entretien qualifié. » Guillaume Desoubeaux détaille la composition de son équipe. Cela fait dix ans que ce spécialiste des maladies tropicales ou des infections générées par des champignons travaille au CHU de Tours après une carrière parisienne. « En théorie il existe une grande variété d’infections mais celles auxquelles on a affaire sont toujours les mêmes. Notre cœur de métier c’est le diagnostic puis l’émission d’un avis pour les traitements » explique le médecin que l’on appelle dans différents services à Bretonneau ou Trousseau. Il est en première ligne lorsqu’il s’agit de détecter un cas de paludisme ou de bilharziose chez une personne de retour de voyage, ou sollicité pour détecter des infections du sang ou des poumons après une greffe. Cela dit, il peut aussi intervenir pour des poux ou pour des mycoses sous les ongles (chez les sportifs ou les personnes âgées).

Comment surviennent ces différentes maladies et infections ? Voilà une bonne occasion d’évoquer des maux dont on entend très peu parler. Dans ce domaine, le paludisme et la bilharziose sont les plus connus et d’origine tropicale. La première est transmise par les moustiques, la seconde par un ver présent dans l’eau et qui peut nous infecter quand on se baigne. « Les personnes qui les contractent ont généralement négligé les messages de prévention lors d’un voyage » note le Dr Desoubeaux. Avant de partir dans certains pays, il est en effet conseillé de suivre un traitement médicamenteux pour ne pas revenir avec ces troubles.

Quelques dizaines de cas graves par an à Tours

Nous allons maintenant aborder les candidémies et l’aspergillose. Elles touchent généralement des hommes et des femmes aux défenses immunitaires faibles pendant le traitement d’un cancer, après une greffe ou une transplantation voire des patients qui sont en réanimation : « Les agents infectieux profitent du terrain abimé pour s’installer » énonce le médecin tourangeau. Pour les candidémies, il s’agit d’infections du sang causées par un champignon présent naturellement dans notre tube digestif, en théorie inoffensif quand on se porte bien mais qui peut avoir des conséquences graves s’il parvient à se répandre dans le sang. Quant à l’aspergillose, c’est une infection des poumons par un champignon que l’on peut par exemple contracter en milieu humide, là-encore en cas de défenses immunitaires affaiblies. Dans les deux cas, ce n’est pas contagieux.

Ces différents cas sont « rares, marginaux, confidentiels » note Guillaume Desoubeaux. Quelques dizaines par an, tout au plus. Entre 5 et 15 pour l’aspergillose. Problème : plus le diagnostic est tardif, moins les chances de survie sont élevées.

« L’enjeu c’est de dégainer le plus rapidement possible pour engager les traitements. Nous allons donc sensibiliser nos collègues des autres services en commissions ou en réunions de concertation pluridisciplinaire. »

De plus, les spécialistes du pôle parasitologie mettent en place un système de diagnostic préventif après les greffes du cœur, du foie ou des reins. Ils peuvent également intervenir après de lourdes opérations menées sur le système digestif. En fait toute intervention susceptible de chambouler le système de défense du corps face aux agressions. Ces tests se font via des analyses de sang classiques, étudiées en laboratoire. Il peut suffire de quelques heures pour avoir la certitude d’un résultat positif.

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Une spécialité rare

« On regarde si on trouve des morceaux du champignon dans le sang pour intervenir avant l’apparition des signes cliniques » explicite Guillaume Desoubeaux. Des symptômes qui peuvent ressembler à une grippe comme de la fièvre, d’où la probabilité de ne pas détecter tout de suite une infection parasitaire : « Le risque c’est que des métastases se développent un peu partout dans le corps. Il devient alors difficile d’intervenir. » A noter que le CHU de Tours est un service unique en son genre en Indre-et-Loire, et l’un des seuls de la région. Un héritage historique. Il reçoit régulièrement des prélèvements d’autres établissements (Blois, Bourges…) pour les analyser. Et comme les infections sont rares, il collabore avec d’autres hôpitaux français dans le cadre de ses activités de recherches en testant des protocoles de traitements en exploitant ses propres cultures de champignons ou en les enrichissant avec des prélèvements effectués sur les patients. « Cela se fait exclusivement avec leur accord, uniquement après la prise en charge classique et dans le cadre d’un protocole très lourd et très prégnant » insiste le médecin à plusieurs reprises. Par ailleurs, bien que controversées, des expériences sur les animaux sont menées en lien avec la faculté – « surtout des rongeurs » note Guillaume Desoubeaux.

« Notre but c’est d’améliorer la prise en charge. Parfois on remonte très en amont vers l’origine de l’infection pour mieux comprendre la réaction inflammatoire, comment le champignon se développe et comment réagit le système immunitaire à son contact. Une fois qu’on a compris le processus on peut soulever des hypothèses et voir émerger de nouvelles cibles. Nous avons du mal à avancer mais nous publions souvent l’état de nos travaux, environ une dizaine d’articles par an. »

Dans les laboratoires, les manipulations se font avec de grandes précautions, sous des hottes. Pour éviter toute contamination, que ce soit pour les équipes du CHU mais aussi entre échantillons de parasites car cela pourrait fausser tous les résultats.

Les poux

Le service de parasitologie en possède quelques spécimens pour des études mais ce n’est pas le cœur de son métier. Guillaume Desoubeaux : « L’infection par des poux n’est pas vraiment une maladie hospitalière. Les rares patients qui arrivent jusqu’à nous sont des personnes victimes de récidives, ou des SDF soignés pour d’autres raisons et qui sont aussi concernés par des poux. On en voit moins que les médecins de ville mais ça nous intéresse toujours. On les reconnait parce que le cuir chevelu gratte quand ils le percent pour se nourrir de sang. On ressent des démangeaisons pendant quelques minutes quand le pou se nourrit, quand il a besoin de manger pour son accouplement, sachant qu’il se reproduit beaucoup. L’enjeu d’aujourd’hui c’est de trouver le bon traitement car certains poux sont résistants. Parmi les solutions à la mode, des dérivés issus de plantes qui agissent sur le système nerveux des poux. Globalement, on privilégie les traitements locaux, et plus les lotions que les shampoings car elles restent plus longtemps dans les cheveux pour agir. En général il faut attendre 14 jours pour estimer qu’on est guéri car les œufs mettent 7 jours avant d’éclore et tous les traitements ne sont pas efficaces sur les œufs. »

Le saviez-vous ? Un pou vit en moyenne 1 à 2 mois mais 1 à 5 jours en dehors de la tête.

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Les infections parasitaires sont en quelque sorte prises dans un cercle vicieux. Les plus connues comme les invasions par des poux ou les mycoses de pieds se traitent facilement, parfois sans passer par l’hôpital donc il n’y a pas de grand enjeu de santé public. Quant aux cas graves, leur petit nombre ne suffit pas à mobiliser les autorités de santé ou l’opinion publique face aux cancers ou à la maladie d’Alzheimer : « Il y a très peu de budget et d’appels d’offres. C’est difficile de débloquer des fonds pour la recherche » souligne Guillaume Desoubeaux, à la fois critique de la situation, mais compréhensif devant l’enjeu que représentent des causes plus répandues. « Les problèmes de santé son réels mais minimes par rapport aux autres » dit-il. D’où l’enjeu de sensibiliser consœurs et confrères pour une prise de conscience généralisée. A Tours mais aussi dans les autres hôpitaux de la région via des newsletters, des contenus imagés ou d’autres systèmes de communication.

Un besoin de personnel supplémentaire

Dans ce contexte, quel avenir pour son service ? « Notre activité ne fait qu’augmenter mais nous ne sommes pas plus nombreux. Avec la hausse des greffes, notre service d’astreinte est plus occupé. Nous devons surveiller les patients comme le lait sur le feu, prioriser les examens face à la recherche. Nous manquons de ressources humaines et nous espérons une évolution favorable dans l’année qui vient » note Guillaume Desoubeaux, également préoccupé par le projet de Nouvel Hôpital Trousseau qui doit voir le jour à Chambray à l’horizon 2026 : « Les services du pôle de biologie médical dont nous faisons partie iront là-bas ce qui nous fera gagner du temps et de l’argent et devrait nous faire gagner de la visibilité. » Avant cela il faudra tout de même assurer la pérennité de cette antenne au moment des arbitrages budgétaires : « La discipline tend à la marginalisation alors que nous avons une vraie utilité. Par exemple pour les maladies tropicales, il ne faut pas croire qu’elles vont disparaître, surtout avec l’actualité autour des migrations. »

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