Tourangeaux en vadrouille : Regards parallèles sur l’Iran

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Régulièrement nous ouvrons nos pages à des Tourangeaux qui quittent leur ville pour diverses pérégrinations aux quatre coins de la France ou de la planète. Cette fois-ci, c’est un « Tourangeaux en vadrouille » un peu particulier que nous vous proposons, puisqu’il confronte le regard de deux Tourangeaux partis à un mois d’intervalle en Iran,  à l’automne 2016.

Pour Sébastien Brangé, comme pour Pascal Montagne, le goût des voyages avec en corollaire, la confrontation à d’autres cultures en ne se contentant pas des images d’Epinal pour touristes, entrent dans une soif de découverte et de curiosité. Après différents pays comme le Burkina-Faso pour Sébastien ou l’Inde pour Pascal, les deux Tourangeaux sont partis à l’automne dernier en Iran. Des voyages desquels ils ont ramené une vidéo pour Sébastien, Journaliste Reporter d’Images de profession, et des reportages photos pour Pascal, photographe de presse, collaborant régulièrement sur 37°. Parti en octobre pour le premier et en novembre pour le second, ils ont accepté de confronter leurs voyages respectifs et leur vision de ce pays méconnu, source de beaucoup de fantasmes en Occident.

La vidéo d’Iran réalisée par Sébastien et son compagnon de voyage Johann :

37° : Quels étaient vos objectifs avec ce voyage en Iran ?

Pascal : J’y suis allé pour écouter la population. C’était une envie qui remonte à une dizaine d’années. J’ai une véritable passion pour le Moyen-Orient et là j’avais envie de découvrir ce pays chiite, mais pas en tant que touriste, plutôt de voir ce pays avec ses habitants.

Sébastien : C’est la même chose pour moi, j’avais envie de découvrir ce pays qui est mystérieux pour nous autres occidentaux.

37° : L’Iran a la réputation d’être un pays fermé, vous avez pu vous y rendre facilement ?

Sébastien : Oui avec un visa touriste pris sur place. Avant de partir, on a été un peu parano, on a effacé un peu notre profil facebook par exemple, mais en fait tout s’est passé sans difficultés.

Pascal : Pareil, j’y suis allé avec un simple visa touristique.

37° : Justement, l’Iran véhicule beaucoup de préjugés que vous dépassez dans vos récits respectifs sur votre voyage.

Sébastien : Ce voyage a dépassé mes espérances. Je ne pensais pas avoir de préjugés en y allant, mais me confronter à la réalité de ce pays m’a permis de me rendre compte que j’en avais également comme tout le monde, mais aussi de les dépasser. L’Iran est un pays de contrastes, tu t’attends à voir des choses très tranchées mais la réalité est beaucoup plus floue.

Pascal : C’est un pays plein de nuances en effet, loin de l’image que l’on en a de l’extérieur. Certes c’est un pays fermé mais la population est très ouverte et très cultivée.

Sébastien : L’art est un peu partout et à tous les niveaux, les Iraniens ont une maîtrise de leur culture qui est impressionnante. Il y a un poids et une puissance de la culture et de l’art en général. La culture prend toutes les formes possibles, j’ai été voir par exemple les chanteurs du pont d’Ispahan, c’était très émouvant, parce que c’est parfois un acte de résistance que de clamer des poèmes, des chants dans la rue.

Pascal : Globalement, tous les interlocuteurs que j’ai rencontrés ont une culture sur leur pays impressionnante. Il faut savoir que le niveau d’éducation est très important.

Sébastien : Ce niveau d’éducation remonte au régime du Shah et a été maintenu par la Révolution Islamique.

37° : Parlez-nous un peu des femmes iraniennes, de leur place dans la société…

Pascal : Pour continuer à parler d’éducation, il faut savoir que 70% des universitaires sont des femmes. C’est une forme d’émancipation pour elles. Contrairement à d’autres pays comme l’Arabie Saoudite, elles peuvent travailler, étudier.

Sébastien : Les rapports hommes-femmes sont régis par des règles patriarcales assez dures. Dans la rue, on n’osait pas forcément par exemple demander notre chemin aux femmes. En revanche, les relations se font plus simplement dans des endroits plus discrets où l’on pouvait facilement discuter.

Pascal : J’ai eu personnellement des guides femmes, sans que cela pose de problème. Après, il y a des choses qui peuvent choquer, comme par exemple de voir des compartiments séparés entre les hommes et les femmes dans le métro, mais quand on pose la question, finalement tout le monde semble s’en accommoder.

Sébastien : les Iraniens expliquent avec respect leur mode de vie aux étrangers, mais il faut y aller avec un regard d’observateur, et pas avec un jugement préconçu d’occidental.

37° : Et sur la question du voile ?

Pascal : Si elles le pouvaient, la grande majorité des femmes l’enlèverait je pense. Mais elles font avec et une fois chez elles, elles l’enlèvent et peuvent avoir un look vraiment occidental. Après on a rencontré une frange de la population plutôt libérale et urbaine, la moins conservatrice certainement. Cela doit être différents dans certaines campagnes.

37° : La dissociation entre espace public et privé est quelque-chose qui vous a marqué tous les deux.

Pascal : Tu changes de monde une fois les portes des maisons franchies. J’ai par exemple participé à une soirée, où on se faisait la bise, il y avait de l’alcool et des discussions diverses comme dans n’importe quelle soirée occidentale.

Sébastien : C’est vrai que l’espace privé est un espace de liberté qui est dissocié de l’espace public. Il y a une sorte de pudeur dans cette séparation.

37° : Au final que retenez-vous de l’Iran après ce voyage ?

Pascal : Un pays d’une grande richesse et rempli de nuances. Je n’ai qu’une envie c’est d’y retourner.

Sébastien : J’ai également envie d’y retourner, c’est l’un des plus beaux pays que j’ai pu voir.  Mais sinon, après ce voyage j’ai l’impression qu’il y a une grande hypocrisie autour de l’Iran en France.

Le reportage photos de Pascal Montagne : « War against clichés »

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L’Iran est probablement un des pays les plus méconnus de nos jours. Depuis 1979, il est devenu une sorte d’incarnation des peurs occidentales vis à vis de l’Islam. J’ai voulu découvrir par moi même ce qu’il en était, et tenter de faire tomber quelques clichés.

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Un vendredi entre amies à Téhéran, dont les codes sont universels : sorties entre copines, restaurant, shopping, selfies, potins et discussions sans tabous. On discute énormément via Telegram et Instagram, 2 réseaux sociaux plébiscités en Iran.
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Un café à la mode ou de jeunes Téhéranies se retrouvent pour discuter. La décoration années 70 est fréquente, indicateur d’une nostalgie d’une époque aux mœurs plus libres, souvent quelque peu idéalisée.
Les femmes peuvent circuler, travailler, sortir sans être accompagnées de leur mari ou de leur frère. Les préjugés occidentaux sont souvent battus en brèche.
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Les femmes investissent les sciences et le savoir en Iran. Les universités (qui sont mixtes) comptent près de 70% de femmes sur leur bancs.
La valorisation de soi, la possibilité de mieux vivre matériellement, la soif de maitriser leur destin, de faire progresser leur identité sociale face à un gouvernement patriarcal, poussent les femmes à s’émanciper et faire valoir leurs droits par ce soft power qu’est l’éducation.
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Scène de la vie quotidienne à Kashan, où Mustafa, Shahrzad et leur fille vivent une vie privée tout à fait classique. Seule la vie publique diffère fondamentalement en termes de mœurs.
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Shahrzad s’occupe d’accueillir les touristes dans sa maison d’hôtes, participant à l’économie du tourisme encore balbutiante. Dans la sphère privée, elle circule sans le moindre voile, s’occupe de sa fille qui parlent déjà un bon anglais grâce à ses parents, et qui porte les espoirs d’un avenir socialement plus ouvert et libéral.
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A chaque sortie dans Kashan, Shahrzad revêt son Tchador, ample voile traditionnel, non obligatoire en Iran, mais que la pression sociale impose dans les villes les plus conservatrices.
Son avis sur le voile ? Elle souhaite s’en débarrasser dès que cela sera possible, mais le premier obstacle est la société très conservatrice.
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Prière du soir dans une mosquée. Une petite fille prie avec son père, entourée de la bienveillance des autres fidèles.
Toutes les mosquées sont accessibles par les non-musulmans respectueux. Ceux-ci sont accueillis avec chaleur autour d’un thé, et invités à regarder la prière et à partager leur perception de l’Iran, autour de citoyens attentifs à l’image de leur pays.
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Maryam, Barah, Sarah et Elham rient de la liberté temporaire d’une soirée entre amis, espace de liberté où la sphère privée permet de s’affranchir des règles : plus de hijab, plus de barrières sociales, on danse, on s’amuse, et on boit quelques verres de vin et de bière, 100% « home made », puisque l’alcool est totalement interdit en Iran.
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Comme dans le christianisme, l’Islam Chiite célèbre la mort de son prophète. Les Hussainyas, cérémonies dans chaque quartier, où ici près de 300 hommes se repentent de la mort d’Hussein en se frappant le torse. Les femmes discutent et prient juste à côté, séparé par un rideau. Tout le monde se réunit ensuite pour un repas commun.

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Un Iran surprenant pour l’Européen : Dans le même espace se côtoient tradition, religion, modernisme, économie en croissance, propagande, art. Une immense peinture honorant les Chahids (martyrs) de la guerre Iran-Irak à la fois rappel d’un passé récent à la gloire du gouvernement et subtil rappel de la situation de paix en Iran dans une région déchirée par les guerres.

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L’espace public s’efforce de séparer hommes et femmes, dans le métro ou le bus notamment. Ségrégation ou protection de la femme… c’est pour les Iraniens, une question qui divise.

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Les murs de Téhéran, espace d’expression artistique et politique, la mairie finance de nombreuses décorations et peintures qui sont pas la suite agrémentés de peintures supplémentaires anonymes, à visée politique. L’un des derniers espaces de liberté étant l’art, les murs en sont souvent le champ de bataille.

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Un immense patrimoine culturel dont les citoyens, très fiers de leur culture millénaire, ont une conscience aiguë.

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Un slogan du gouvernement faisant référence aux martyrs et au prix nécessaire de la libération du joug américain et anglais. Une phrase qui met également en abîme, le gouvernement Islamique actuel.

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Pour voir les différents travaux photographiques de Pascal, rendez-vous sur son site : http://squale.info

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