Signes des Temps #61 Se sentir très con à l’Hôtel du Grand Commandement

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Le pitch : « Signes des Temps » ce sont des images chassées par notre journaliste Laurent Geneix dans les rues, les bâtiments et les chemins de la Touraine ; des traces laissées par l’Homme pour l’Homme, parfois très claires, parfois très floues, violentes, commerciales et/ou drôles, mais toujours signifiantes – que ce soit grâce à des mots, des dessins ou des symboles – et potentiellement visibles par tous.

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Ma prof de maths de Première me le répétait souvent : «Mon pauvre ami, vous êtes vraiment idiot, je me demande ce que vous ferez dans la vie !». Même si j’ai finalement réussi à avoir mon bac A1 mention AB (avec 13 en maths, vieille charogne) et que j’ai décroché in extremis ce job à 37 degrés en 2014 après 20 ans de jobs alimentaires sans intérêt, il faut reconnaître qu’elle n’avait quand même pas tout à fait tort cette peau de vache : régulièrement, je réalise à quel point je peux être au mieux né de la dernière pluie ou naïf comme Oui-Oui, au pire con comme un manche ou bête à manger du foin.

Donc voilà que comme un gland, après avoir entendu parler au début de l’été des «Apéritifs musicaux» à l’Hôtel du Grand Commandement de l’Armée de Terre (cet oasis de paix en plein cœur de la ville où les anti-militaristes de tout poil rêvent de venir boire du Vouvray en levant le petit doigt et raconter des blagues de cul à de jolies gradées vêtues de beige clair), me voilà en route avec deux charmantes compagnes, tout fier de ma trouvaille culturelle. Et comme quand on est con, on est con, j’ai évidemment bien insisté, en disant «et en plus, c’est gratuit !».

Après la fouille d’usage (un attentat dans un bâtiment de l’armée, ça la foutrait vraiment mal), nous voilà installés sur les marches de ce bel hôtel particulier. Face à nous, un rond d’herbe avec des parterres de fleurs et quelques enceintes sur des pieds.

Si j’avais eu ne serait-ce que l’ombre d’un neurone en état de fonctionnement, l’absence de chaises et de pupitres pour les musiciens à trois minutes du début du concert aurait dû me mettre la puce à l’oreille, mais au lieu de ça je continuais à ronronner comme un benêt en attendant le début des festivités. Puis le speaker annonça un programme somptueux : la «Symphonie fantastique» et la «Symphonie du Nouveau Monde».

Et là, au lieu de commencer à avoir de sérieux doutes sur la possibilité de voir apparaître dans une minute une soixantaine de musiciens comme par magie de derrière les maigres fourrés du parc (les militaires sont très forts pour le camouflage), je me réjouis d’avance de ce menu, galvanisé par la bonne humeur communicative de la quarantaine de congénères qui m’entourent.

Et c’est à ce moment-là que les mecs de la sono ont appuyé sur le bouton pour lancer le CD de Berlioz (oui, ils sont deux, les mecs : un pour lancer le CD de Berlioz et un pour lancer le CD de Dvorak). Le souffle ne venait pas du vent dans les arbres, mais bien des enceintes posées dans l’herbe que le public regardait avec le même amour qu’ils auraient regardé une violoniste ou un trompettiste de chair et d’os.

Une petite ampoule s’est alors enfin allumée dans ma tête et j’ai compris que le concept était de venir jusqu’ici pour s’asseoir dans l’herbe et écouter un disque pendant deux heures en «humant l’humus» comme disait ce cher Gaston Lagaffe. Et que nous ne verrions pas la queue d’un musicien ce soir-là, pas même en vidéo sur un grand écran.

Je ne sais pas si c’est parce que j’étais vexé de m’être fait avoir comme un bleu (bah oui, il la fallait bien cette métaphore militaire), mais j’ai trouvé ça vraiment très con et du coup pour noyer mon chagrin je suis allé boire l’apéro ailleurs, place Châteauneuf pour être précis.  Y’avait pas de musique, mais c’était vachement mieux quand même.

Un degré en plus

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