Expo Château de Tours : la face cachée de Robert Capa

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La première fois qu’on voit le mot «Capa» côtoyer le mot «couleurs», on reste un peu pantois. Pourquoi pas un disque de hautbois de Jimi Hendrix, aussi, hein ? Entré dans l’histoire de la photographie et dans l’histoire tout court avec son reportage mythique du débarquement de Normandie et son one-shot tout aussi légendaire d’un soldat tombant sous les balles pendant la guerre d’Espagne, Robert Capa est indissociable du photo-journalisme «à la Papa», c’est-à-dire forcément en noir et blanc (et ce n’est pas le puriste Cartier-Bresson qui dira le contraire).

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Voici qu’en 2014 l’International Center of Photography de New York a la riche idée de présenter le travail de Capa en couleurs, exposition inédite qui, grâce au Jeu de Paume et à sa riche idée d’avoir installé une annexe sur les bords de Loire, vient de passer directement des cimaises de la côte Est des Etats-Unis à la capitale tourangelle en sautant la case Paris. Un véritable événement qui, après l’expo de Vivian Maier en 2014, installe encore un peu plus Tours sur la carte de la photographie moderne.

Même si les images finales de l’exposition sur la guerre d’Indochine glacent parce qu’on sait que Capa, sautant sur une mine dans les minutes suivantes, ne les aura jamais vues, l’impression générale qui demeure après la visite de cette exposition est celle d’un grand voyage et d’un grand bol d’air.

Un voyage dans le temps d’abord, puisqu’on navigue en gros entre 1941 et 1954, une période qui semble reprendre vie sous nos yeux tellement on n’a pas l’habitude de la voir en couleurs. Enfin, on veut dire en «vraies couleurs», pas en photos noir et blanc colorisées. Souvent loin des champs de bataille, baignées de soleil et montrant des personnages plutôt souriants, ces images s’affranchissent bien vite de l’étiquette réductrice de photojournalisme et plus on progresse d’une salle à l’autre, plus on oublie que Capa a pu être photographe de guerre.

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C’est aussi un voyage dans l’espace puisqu’on doit traverser une bonne douzaine de pays, mais aussi un périple passionnant dans les méandres de la société d’après-guerre, dans la grande tradition des magazines qui commandaient et publiaient des reportages en tout genre et n’hésitaient pas à les publier in extenso sur plusieurs pages avec les textes du photographe lui-même, même si parfois au grand dam de Capa, ses images en couleurs – et conçues comme telles, puisqu’il s’est pas mal baladé avec deux appareils en bandoulière, l’un chargé en ektachrome, l’autre en NB – paraissaient finalement en… noir et blanc !

Ainsi après différents lieux de conflits, on croise de sublimes portraits de Pablo Picasso, d’une certaine Capucine, actrice parisienne shootée sur un balcon à Rome dont le rouge transperçant typique des ektachrome s’imprime durablement sur la rétine du spectateur, et un inoubliable plan large montrant Ernest Hemingway discutant avec son jeune fils dans un paysage de cowboy, chef d’œuvre qu’on ne peut s’empêcher de vous montrer en petit ici…

capa hemingwayNotre coup de cœur

Le travail sur les stations de sports d’hiver des Alpes reste l’une des séries les plus fascinantes de cette exposition. Non seulement parce qu’il s’en dégage un parfum désuet irrésistible et une certaine classe, mais aussi parce que la couleur nous rapproche de cet univers qui semblait condamné au noir et blanc, pour avoir commis l’erreur de naître trop tôt.

Cette société de loisirs qui, de balbutiante après la guerre, allait devenir le mort d’ordre des générations à venir – Trente Glorieuses & baby-boom obligent – jusqu’à saturation aujourd’hui, semble littéralement naître sous nos yeux, grâce à l’acuité hypnotisante du regard de Capa, un sculpteur au cadrage tranchant dont on sent sur beaucoup d’images la fascination du gosse qui découvre un truc vraiment magique : la photo couleurs.

La rencontre entre une technique révolutionnaire et un artiste gourmand de nouveauté suscite rarement une telle alchimie, laissant chez le spectateur un intense sentiment de plénitude.

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 Un degré en plus

> Château de Tours, ouvert de 14h à 18h, tous les jours sauf le lundi, exposition jusqu’au 29 mai 2016, entrée 1,50 € / 3 € (et ne vous dites surtout pas «ah cool, on a le temps d’y aller, parce c’est souvent comme ça qu’on les ratent, les bonnes expositions).

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