[Cinéma] Regards #7 Loving et American Honey

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Dans Regards, retrouvez l’avis de Stéphanie Joye sur quelques films à l’affiche dans les cinémas tourangeaux. Histoire de vous donner envie, à votre tour, d’aller passer un moment dans les salles obscures.

LOVING (Film  AméricainBritannique, DrameRomance)

De Jeff Nichols

Avec Joel EdgertonRuth NeggaMarton Csokas, Michael Shannon…

loving

Basé sur une histoire vraie. Par le réalisateur des excellents « Mud » et « Take Shalter »

Les Loving sont un couple heureux et très amoureux, mais ils sont mixtes. Lui est Blanc, elle est Noire, et cela va leur causer du tort allant jusqu’aux représailles carcérales, traque et humiliations, parce qu’ils enfreignent la Loi…

Au long fil, épuré en son style, « Loving » est singulier et palpitant.

On reconnait la patte puissante de Jeff Nichols à son alliage vénal d’une capture de plans posés, d’un rythme calme, lent, d’une atmosphère où une certaine moiteur côtoie le marquage, comme des ressentis précis, comme si l’histoire plutôt qu’un film se déroulait vraiment sous nos yeux. L’ambiance, le descriptif et ses moindres détails visuels donnent l’impression que tout existe bel et bien, d’une vérité criante et sans calculs. Les acteurs, au jeu minutieux, posé, perçant et résigné, s’implantent d’une manière similaire dans le décor. Les regards fixes et les corps statiques, les couleurs en aplats successifs, les cadrages : tout ce que la caméra statufie implante l’univers tel que les Loving le vivent.

Et puis il y a le territoire de Virginie, ses grands champs, ses allées à la terre poussière, ses portes vitrées battantes, ses lambris de bois et ses fondations cimentées ; ses carrosseries viriles et ses courses divertissantes ; les hommes aux labeurs, les femmes mettant au monde. Un monde où tout ira bien…

Le couple des Loving, Richard et Mildred, fonctionne avec une solidité tue mais vue, et une confiance tendre absolue, rendant leur trajectoire de vie très crédible et émouvante à juste dose. L’amour est le noyau autour duquel gravite La Constitution et les droits civiques au tournant de la fin des années cinquante et sur la première décennie des années soixante en Amérique. C’est un récit passionnant, qui prend le parti d’aller à l’essentiel, de faire ce que ne savent doser que les grand réalisateurs de nos jours : donner à voir et à entendre ce qui seul se doit de l’être, sans ajouts édulcorants ou abattages. Les merveilles de ce petit bijou de film, ce sont d’abord sa bataille anti-ségrégation, sa lutte pour la justice, mais aussi la simplicité complice dans laquelle le couple vit coûte que coûte, en s’adaptant tant bien que mal aux situations changeantes et frustrantes, au détriment de minutes à rallonge qui auraient pu être accréditées aux instants tragiques qui ponctue le récit.

La noblesse atteint son paroxysme.

S’il est intéressant de signifier que Jeff Nichols a remémoré ce détail de l’Histoire (qui n’en n’est finalement pas un), on pourra abjurer qu’il fait échos encore et toujours aux Droits de l’Homme, « Le mariage pour tous », tolérant l’union homosexuelle, en étant une preuve actuelle irréfutable dans la Loi française.

Un film à l’affiche aux Cinémas Studio (Toutes les informations utiles sur leur site internet)


AMERICAN HONEY (film américainbritannique, Comédie dramatique)

De Andrea Arnold

Avec Sasha LaneShia LaBeoufRiley Keough

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Prix du jury au dernier Festival de Cannes

Star a 17 ans. Elle tente de fuir son frère et sa condition de mère de substitution. Elle rêve de respirer, de vivre, de s’en aller seule. Comme un signe imparable du destin, elle embarque dans un van d’une bande de jeunes qu’elle rencontre, tous dynamiques et fanfarons. Ensemble, ils sillonnent les routes lumineuses du Midwest américain, dorment dans des motels, et vivent de vente de magazines en porte à porte. Festif, magouilleur, ce petit monde suit son chemin. Mais Star tombe dans les bras de Jake, qui n’est pas le plus recommandable…

Un road movie, « road-trip » aussi lent que déluré : jeunes libres, déracinés, ne s’interdisant rien, indépendants et débrouillards. Les musiques rap et R’n’b ponctue des moments lâchés, plein de rires. Tatoués, piercés, aux dreadlocks, sans clichés, hyper réalistement, la troupe s’éclate, vit en total lâcher prise, racole effrontément la grande Liberté, la joie de vivre. Le désespoir et l’envers du décor, déprimants, aussi. Soit, il n’y a aucun but. Ce parti-pris (à l’évidence), gêne tout autant que la durée et la terminaison, le tout pour s’assurer une place dans le cinéma d’auteur. Sans doutes.

Car la route interminable de cette épopée de l’Amérique profonde nous use, et l’errance des acteurs nous gagne : rien ne justifie la durée du film (2h42). Ce dernier se retrouve piégé par ses propres codes scénaristiques, initialement admirablement enclins au libertarisme tourbillonnant, à une face du libéralisme, pour se manifester en boucle. Il semble ne plus se dérouler que les mêmes scènes répétées sous nos yeux. Star, personnage central découvrant l’amour, les désillusions, la vie communautaire, la liberté, et, étant coupable d’abandon, n’évolue guère en profondeur et semble même s’éteindre. Tout étouffe dans ces grandes étendues américaines. On aurait imaginé quelques états de transe, de rituels et de parcours initiatiques, dont ces jeunes, comme dans « Exils » de Tony Gatlif, auraient été un temps maîtres, passés leurs portes à portes insupportables.

Contre toute attente, un film un peu morne et paresseux.

Un film à l’affiche aux Cinémas Studio (Toutes les informations utiles sur leur site internet)

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