[Cinéma] Regards #29 Le redoutable et Otez-moi d’un doute

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Dans Regards, retrouvez l’avis de Stéphanie Joye sur quelques films à l’affiche dans les cinémas tourangeaux. Histoire de vous donner envie, à votre tour, d’aller passer un moment dans les salles obscures.

Le redoutable (Comédie, film biographique français)

De Michel Hazanavicius

Avec Louis Garrel, Stacy Martin, Bérénice Bejo 

Adapté du roman Un an après (2015) de Anne Wiazemsky

Le film a été sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes 2017

Jean-Luc Godard, l’impertinent, l’audacieux, le redoutable. « Le » cinéaste de la Nouvelle vague soixante-huitarde, qui se mêle à la foule de manif’ parisienne, gueule, injurie, et réalise un film avec sa toute jeune femme Anne Wiazemsky. Un film (La Chinoise) qui casse l’aura de Jean-Luc, qui essuie un refus à sa sortie, qui l’accable alors de doutes et de tourments profonds. Artiste de génie, artiste maudit, insaisissable, inclassable, insupportable, Godard est autant une énigme qu’un pilier de toute l’histoire du cinéma français (et mondial).

On vit pleinement le gigantesque mai 68 (la reconstitution est hyperréaliste). Présenté telle une fantaisie pleine d’esprit et de mouvement (les manif’ et les débats houleux dans les amphis de facs), Le redoutable est avant tout très drôle. Michel Hazanavicius exploite délicieusement le talent comique (révélé notamment par un rôle dans Mon roi de Maïwenn) de Louis Garrel pour tracer le portrait du cinéaste. L’acteur au timbre de voix grave, à la nonchalance et à la prestance naturelle sert parfaitement son sosie-personnage, le grand monsieur Godard, être quelque peu irascible, bavard et suffisant, mais au talent dingue. Un cheveu sur sa langue, un regard sombre approfondi derrière ses lunettes noircies, le dessus de son crâne dégarni, l’air bourru, le jargon de mise, les idées qui fusent : Garrel est excellent. On le voit animé, blagueur, contrarié, de mauvaise foi, impertinent, pessimiste, incompris, politique, révolté, jaloux … L’étincelante Stacy Martin (Nymphomaniac Vol.I) le supporte et l’épaule, variant ses expressions du visage au gré des humeurs de son mari. Tour à tour souriante et joyeuse ou dépitée et triste, son jeu est aussi sobre qu’intense. Le film rayonne tout en délicatesse et nous fait suivre le couple Godard dans sa fusion puis dans sa distance avec une mélancolie sous-jacente. Avec, sous fond de formidables décors vintage, des passages inventifs dans la mise en scène, de nudité ou d’effet pellicule photo en négatif. Mais jamais le film ne bascule dans la gravité de ton. Le réalisateur de l’oscarisé The artist livre un opus léger, très premier degré, sans angélisme puisque le mythe cotoie le ridicule. Un bel hommage, fou, ludique, intelligent, accessible et respectable. Très bon film.

Un film à l’affiche aux Cinémas Studio (Toutes les informations utiles sur leur site internet).


Otez-moi d’un doute (comédie dramatique française)

De Carine Tardieu

Avec François Damiens, Cécile de France, André Wilms, Guy Marchand, Alice de Lencquesaing

Le film a été présenté à La Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes 2017

Nous sommes en Bretagne. Erwan est un démineur, veuf, qui vit avec sa fille enceinte, âgée de 23 ans. Celle-ci ne sait pas qui est le père de son bébé, tandis qu’Erwan apprend que son père à lui (un homme attachant) n’est pas son vrai père … Il retrouve assez rapidement la trace du vieux Joseph, son père biologique. Un homme très attachant, lui aussi. Mais les choses deviennent bien plus complexes lorsque la belle Anna entre dans sa vie, et qu’il s’aperçoit plus tard qu’elle est la fille de Joseph… Cette quête familiale pourrait bien être une bombe à retardement.

C’est dans un climat heureux, de fraîcheur et de légèreté, avec sensibilité et sans prétention que l’on suit une jolie histoire toute simple, qui met en avant la filiation comme les attaches sans filiation certaine. Le titre du film nous appelle, le doute restera peut-être, et c’est ce qui rend l’histoire et les personnages si attachants. Alice de Lencquesaing confirme son talent dans le rôle de Juliette, la fille de François Damiens, un acteur lui-même tout en justesse et en contenance à fleur de peau. Guy Marchand fait plaisir à retrouver, mais son personnage n’est pas assez installé et c’est fort dommage. Cécile de France est parfaite. Elle insuffle un nouvel élan à son compagnon de jeu (belge comme elle), à son compagnon d’histoire et à ce film. Dans tout son ensemble, la galerie des protagonistes est un plaisir réjouissant, alchimiste, bucolique (le tordant Estéban), au sein duquel les dialogues font mouche. Carine Tardieu a su éviter l’écueil des grands sentiments aux analyses psychologiques pesantes. Malgré la perturbation du sujet, il n’y a rien à y absoudre tant la tendresse est de mise. Comme si Erwan reconnaissait d’emblée et ne comptait que reconnaître les qualités intrinsèques de ses pères, Bastien et Joseph. Parfois un peu lent, cet Otez-moi d’un doute réussit son approche mesurée et détient une petite recette tonique-piquante-tendre personnelle qui le distingue dans le paysage de la comédie française (et qui justifie sa sélection cannoise). Tout le dispositif du film séduit. Et si l’on conviendra que ce genre à succès populaire, entre franche comédie et comédie sentimentale, manque d’une pointe de profondeur, Otez-moi d’un doute est un film qui fait du bien.

Un film à l’affiche aux Cinémas Studio (Toutes les informations utiles sur leur site internet) et aussi dans les cinémas CGR de l’agglomération (toutes les informations utiles sur leur site internet).

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